La mesure continue du glucose

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2021 - Votre pharmacien vous conseille N° 164 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

Proposée aux diabétiques, cette mesure par un dispositif médical autonome comporte des contraintes et limites techniques à ne pas sous-estimer. Sinon on court le risque de mal utiliser cette révolution de la surveillance du diabète dont les bénéfices sont certains.

 

 

De quoi parle-t-on ?

La mesure continue du glucose interstitiel (MCG) est fournie par un dispositif médical, destiné aux personnes diabétiques. Il comporte toujours trois éléments qui peuvent être séparés ou pas selon le fabricant : 1) un capteur cutané en liaison électrique avec 2) un transmetteur qui renseigne par liaison radio Bluetooth 3) une application électronique de traitement. Cette application peut être téléchargée dans un terminal d’affichage et de commande : un lecteur dédié, un téléphone portable ou une montre connectée. Quand ils sont individualisés, le transmetteur et le capteur se collent à la peau, Le capteur se colle en plantant une fine aiguille qui mesure le glucose présent dans l’espace cellulaire de la sous-peau, le « milieu interstitiel ».

En conséquence la mesure n’est pas la glycémie (taux de glucose sanguin capillaire) mais le glucose interstitiel comme mesure indirecte de la glycémie. Cela implique de calibrer de temps à autre le dispositif par contrôle capillaire au doigt pour la majorité des dispositifs.

 

Est-ce vraiment une mesure continue ?

Le capteur mesure le glucose interstitiel toutes les 10 secondes environ et l’application de traitement affiche une moyenne des chiffres sur les 2 à 5 minutes écoulées selon les matériels. Les applications numériques progressent grâce aux algorithmes mathématiques d’intelligence artificielle. On peut connaître le taux de glucose interstitiel, sa tendance durant les dernières minutes, heures, jours, voire semaines, selon la puissance logicielle (cartes temporelles) ; ces informations sont téléchargeables sur ordinateur/tablette. La connexion à distance est possible plus loin que la portée Bluetooth (6 m environ) mais pas souhaitable en raison des possibles piratages, forcément dangereux. L’application chargée dans un smartphone induit le même risque de piratage, bien que la famille du patient diabétique souhaite souvent l’avoir pour doubler la surveillance.

 

Peut-on se fier au glucose interstitiel ?

C’est toute la question. En effet il existe un délai avant que le milieu interstitiel reflète exactement de ce qui se passe dans le sang, soit 10 minutes de retard environ. Ce délai varie selon la personne et son état (émotions intenses, sommeil, sport). Face à une tendance annoncée à la baisse ou à la hausse de glucose, il ne faut pas réagir trop vite : 20 à 30 minutes de surveillance permettent de savoir si la tendance est durable. Par exemple, lors d’un effort intense, la MCG permet de voir arriver une hypoglycémie donc de l’éviter en réagissant selon les indications médicales. Idem pour les hyperglycémies.

 

Y a-t-il des alarmes en cas d’hypo/hyperglycémies ?

Oui. C’est même la revendication première faite aux fabricants. Car un patient diabétique est facilement obsédé par son taux de glucose, soit parce qu’il est à risque d’hypo/hyperglycémies sévères, soit parce qu’il n’arrive pas optimiser ses activités et son traitement afin de garder une glycémie stable dans la fourchette physiologique. Pour éviter l’angoisse et la surveillance fatigante certains dispositifs déclenchent une alarme sonore à partir d’un seuil haut et/ou bas, qu’on peut fixer à convenance, en particulier les modifier à des moments particuliers : activité physique intense, repas, sommeil, etc.

Ces alarmes sont envahissantes car le logiciel de gestion ne prévoit pas (encore) ce que va faire l’utilisateur. Celui-ci doit entrer l’information de ses changements significatifs d’activité ou modifier ses seuils s’il ne veut pas entendre « chanter » le dispositif à tout bout de champ, surtout la nuit. Certains patients suppriment les alarmes par fatigue, d’autres quand ils connaissent leur réaction glycémique à leurs activités habituelles.

 

Pourquoi préférer la MCG à l’autosurveillance glycémique au doigt ?

Cela dépend des choix du patient et de sa familiarité avec les outils numériques car la simplicité d’entretien et de manipulation est loin d’être totale. Quelqu’un d’organisé tirera tout le bénéfice de la MCG, comme il le fait de l’autosurveillance au doigt mais les piqûres répétées en moins. Une personne avec une vie irrégulière, assumée ou obligée (professionnelle par exemple) se rassurera avec les alarmes puis s’en fatiguera probablement, comme de tout le dispositif. Les personnes âgées ont besoin d’une assistance pour des raisons voisines et par déficit visuel et/ou auditif, malhabileté…

 

Est-ce qu’on peut prendre sa douche avec le matériel ? 

Oui, le matériel supporte l’immersion à des profondeurs et durées variables selon les fabricants. Ces aspects techniques sont d’importants arguments de vente sur le marché de la surveillance glycémique, en explosion mondiale avec le nombre de patients diabétiques. Après la fiabilité de l’information glycémique, tout se joue sur la tolérance cutanée, la durée de vie du matériel, sa miniaturisation, le prix des piles, des capteurs…

 

Est-ce remboursé par l’Assurance maladie ?

Oui mais seulement en cas de traitement par insuline, sur prescription médicale, parce que l’insuline est de maniement très délicat. Toutefois, les médecins souhaitent que les diabétiques sans insuline se mettent aussi à la MCG pour mesurer l’impact des choix de vie sur la glycémie, dans l’espoir qu’ils adaptent leur comportement à un bon contrôle du diabète. Mais il faudra convaincre l’Assurance maladie d’absorber cette facture énorme puisqu’il y a plus de 3,5 millions de diabétiques traités en France.

À savoir : les dispositifs de MCG, comme tous les dispositifs médicaux, sont achetables par n’importe qui, à son propre jugement à partir du moment où ils sont labellisés CE. Dans de nombreux pays ils sont à charge des patients.

 

Qu’est-ce que la MCG a à voir avec une pompe à insuline ?

La MCG assure en partie la commande en boucle d’une pompe à insuline. Le système s’améliore en s’adaptant seul aux variations du glucose interstitiel grâce aux algorithmes de l’intelligence artificielle. Le système couplant « MCG + pompe + logiciel de commande perfectionné » constitue une boucle d’injection automatisée d’insuline dite fermée (sur elle-même) : c’est le « pancréas artificiel », terme tout-à-fait abusif car ce n’est pas un pancréas et il faut toujours indiquer au logiciel de commande la prise d’aliments et les activités intenses. C’est une boucle semi-fermée donc, qui réclame une bonne dose de pratique et d’instruction pour se débrouiller de la technique sans contrainte excessive (entretien, pose, etc.). Mais cela change la vie des jeunes diabétiques, surtout actifs et sportifs.

 

 

La MCG du futur
Les montres connectées deviennent des dispositifs médicaux employant des techniques de détection optique ou chimique. Un des plus aboutis est une montre connectée intégrant de multiples et fines aiguilles pénétrant la peau de façon indolore pour mesurer le glucose interstitiel. Cette montre « K’Watch Glucose » affiche la mesure en continu et alerte l’utilisateur quand son taux baisse trop (risque d’hypoglycémie) ou monte trop (risque d’hyperglycémie). Sa supériorité pour les diabétiques n’est pas assez étudiée pour envisager une demande de remboursement par l’Assurance Maladie. Le dispositif séduira plutôt les diabétiques « geek » fans de technique et prêts à la tester, ou des sportifs de l’extrême, optimisant leur alimentation à l’entraînement et en compétition… et qui sont prêts à mettre le budget !


Références

Chiffres du diabète, Santé publique France, 2019.

https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/diabete/articles/prevalence-et-incidence-du-diabete

Page de la Fédération française des Diabétiques sur la MCG.

https://www.federationdesdiabetiques.org/information/glycemie/mesure-du-glucose-en-continu

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