La neurostimulation contre la douleur

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2021 - Votre pharmacien vous conseille N° 166 - Page 0

Cette technique exploitant la physiologie nerveuse combat les douleurs chroniques neuropathiques. Sa prescription, autorisant son remboursement, dépend de structures dédiées à la prise en charge de la douleur.

 

Quelle importance sanitaire de la douleur chronique ?

Fin 2020 la Société française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD), avec douze sociétés savantes et associations, a sonné une alerte nationale à la douleur. Touchant près de 12 millions de Français, « elle est source de handicap, d’inactivité, d’isolement social et de souffrances psychique, physique et sociale. Elle a un impact socio-économique massif : forte consommation de soins, absentéisme professionnel. »  Il s’agit bien sûr de la douleur qui dure, dite chronique, qui coûte 2 milliard d’euros par an. Une douleur est chronique quand elle persiste trois mois et plus. Les causes sont nombreuses : cancers et leurs traitements, fins de vie, douleurs neuropathiques (voir plus bas), migraine, lombo-sciatiques, douleurs post-opératoire persistante, etc.

 

Quelle est sa prise en charge ?

Seuls 30% des patients douloureux chroniques ont un traitement approprié ; moins de 3% sont pris en charge dans des centres spécialisés appelés Structures Douleur Chronique (SDC), à deux niveaux : les consultations pluri-professionnelles (médecins, infirmiers, psychologues, etc.) et les Centres d’Évaluation et de Traitement de la Douleur (CETD), pluridisciplinaires (plusieurs spécialités médicales).1

Le ministère de la Santé édite une carte de ces unités de soins en France (voir références). Mais cette organisation manquant de moyens faute de reconduction du programme national Douleur depuis 2012, un tiers de ces centres pourrait disparaître prochainement.1

 

Qu’est-ce qu’une douleur neuropathique ?

Elle est déclenchée par le système nerveux lui-même : central (tête et moelle épinière) ou périphérique (membres, viscères). Les nerfs lésés envoient de fausses informations sur la réalité locale. Ces lésions « qui crient » spontanément sont classiquement les douleurs de membre fantôme après amputation. Elles découlent aussi d’un accident vasculaire (AVC), d’un traumatisme, d’une intoxication (hyperglycémie diabétique entraînant une neuropathie), d’une chimiothérapie anticancéreuse, etc. On distingue trois types de douleurs neuropathiques selon le mécanisme biologique, avec l’espoir de personnaliser leur traitement qui reste très difficile.

 

Comment traiter une douleur chronique ?

En considérant tous les aspects de la douleur, y compris psychologique. Il faut « attaquer la montagne » par toutes ses faces : psychothérapie, médicament, chirurgie, biotechniques et dispositifs électrophysiologiques. Ces dispositifs utilisent les propriétés électriques des nerfs pour « éteindre » les informations douloureuses pathologiques : c’est la neurostimulation (ou neuromodulation) analgésique (anesthésiante) par un courant induit par des électrodes à proximité du nerf visé ou à son contact direct. La stimulation électrique peut aussi déclencher la sécrétion d’endorphines (hormones anti-douleur naturelles).2

 

Deux modes de stimulation électrique

1- L’implantation des électrodes à travers la peau se fait directement au contact du nerf visé par des aiguilles de type acupuncture. Ou bien on implante le neurostimulateur et ses électrodes/sondes par un acte chirurgical invasif avec les risques inhérents de blessure, d’infection et de migration, comme pour le matériel implantable utilisé en cardiologie (entraîneur cardiaque/défibrillateur). L’implantation d’un neurostimulateur analgésique est réservée à la stimulation de la moelle épinière et considérée comme un dernier recours par la Haute Autorité de Santé.

2- La stimulation par des électrodes collées à la peau ou stimulation électrique transcutanée (TENS en anglais) n’a pas ces inconvénients ; elle est aisée et maniable mais ne stimule que des nerfs peu profonds périphériques (membres surtout), et ne soulage que des douleurs bien localisées. Ce matériel se développe dans les structures anti-douleur (SDC) du fait de sa facilité d’emploi pour des effets indésirables minimes, liés essentiellement aux erreurs de manipulation.

 

De quoi est constitué le matériel TENS ?

Le courant électrique est délivré par des électrodes autocollantes (au moins deux) posées sur la peau à une distance calculée pour atteindre le ou les nerfs visés. Elles sont reliées à un générateur de courant électrique porté sur soi à la ceinture ou en brassard/cuissard : le neurostimulateur. Un logiciel pilote le type de stimulation, son intensité et sa durée. Il peut être intégré au neurostimulateur ou le commander à distance (par liaison Bluetooth) grâce à une application téléchargée dans un smartphone.

Les indications en centre anti-douleur sont d’abord les douleurs neuropathiques et les douleurs des membres fantômes après amputation. Mais les fabricants ont développé des stratégies de stimulation électrique transcutanée à quatre électrodes pour des douleurs plutôt inflammatoires et de surface assez large, comme les douleurs des vertèbres cervicales, les lombo-sciatiques.

 

La neurostimulation transcutanée est-elle efficace ?

Difficile à dire car les études publiées ne convainquent pas franchement. Elle est pourtant utilisée depuis plus de dix ans pour réduire les douleurs musculo-squelettiques et améliorer la qualité de vie avec un certain succès. Mais il ne faut pas espérer une extinction totale de la douleur par ce seul moyen. D’où l’importance de tester le procédé avant de prescrire le matériel au patient.

La TENS est cependant amenée à se développer en raison de l’augmentation des douleurs neuropathiques post-opératoires lorsque des nerfs ont été lésés lors de la procédure chirurgicale, même impeccable. Toute chirurgie doit donc être bien pesée pour éviter que ces douleurs neuropathiques ne supplantent chez le patient le succès fonctionnel de l’opération (prothèse de genou douloureuse par exemple).

 

Comment est-ce prescrit et remboursé ?

De nombreux fabricants vendent des matériels certifiés Union Européenne (CE). Mais leur remboursement par l’Assurance maladie dépend de leur évaluation par une commission spéciale de la Haute Autorité de Santé (CNEDIMTS) et la négociation avec le Comité économique des Produits de Santé (CEPS)).

Dans tous les cas elle ne se fait que sur prescription médicale dans une structure dédiée (SDC), tel un CETD, ou un médecin spécialiste de la douleur. Elle nécessite un test d’efficacité préalable et que le patient soit formé à son utilisation correcte. On peut se reporter à la vidéo de démonstration de l’hôpital St Joseph à Paris pour plus de détails.4

 



Références

1- Livre bianc de la douleur. SFETD, 2017.

2- Structures spécialisées dans la douleur chronique. Annuaire national sur le site du ministère de la Santé : https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/douleur/article/les-structures-specialisees-douleur-chronique-sdc#

3- Traitements pharmacologiques et non pharmacologiques de la douleur neuropathique : une synthèse des recommandations françaises. Moisset, Bouhassira et coll. Douleur analg 2020 ; 33 :101-112.

4- Mode d’emploi d’un TENS (hôpital St Joseph - Paris). : https://www.hpsj.fr/specialites/douleur-chronique/utilisation-du-tens-neurostimulateur/



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