Michel Kazatchkine : un vaccin partiel contre le sida sera prêt vers 2010

Par Alain Perez -  Journaliste

Théragora - www.theragora.fr - Année 2008 - Théragora N° 2 - Page 0

Après le sommet de Ouagadougou sur le sida, le directeur général de l'Agence nationale de recherches sur le sida fait le point sur la pandémie de sida qui ravage l'Afrique. Selon lui, il faut mener de front la prévention et l'accès aux trithérapies. 

 

Quels enseignements tirez-vous du sommet africain sur le sida ? 

Ces conférences sont parfois critiquées, mais ce sont des occasions de mobilisation et de rassemblement. La prise de parole des associations de patients et des communautés est absolument essentielle. C'est ce qui a fait bouger le sida dans les pays du Nord. Des lieux comme Durban ou Ouagadougou remplissent cette fonction dans les pays du Sud. Mais quand on quitte l'Afrique et qu'on se retrouve dans les négociations du fonds mondial, on voit que beaucoup de gens continuent de penser qu'il n'est pas possible de traiter d'un jour à l'autre les 20 ou 30 % des 30 millions de personnes vivant avec le sida sur ce continent. Selon eux, il faut privilégier la prévention et construire progressivement l'avenir du traitement. Nous refusons cette opposition. Pour moi, les deux approches sont complémentaires et doivent être menées de front. 

 

La prévention reste pourtant essentielle... 

Bien sûr, et elle commence par le dépistage. Comment peut-on envisager que les gens vont aller se faire dépister s'il n'existe aucun espoir de traitement et si la seule conséquence pour eux est la discrimination et la stigmatisation ? Beaucoup de gens disent que le rapport coût-efficacité de la prévention est supérieur à celui du traitement. Les chefs d'Etat africains se sont engagés à investir 15 % de leur budget dans la santé. Mais quand ils entendent que ces traitements sont très complexes et très coûteux, ils ne sont pas très incités à le faire. Nous combattons cette opposition tout en restant réalistes. Avec les fonds dont nous disposons, environ 1,7 milliard de dollars par an, nous n'irons pas très loin. 

 

Comment faire baisser le prix des traitements

Plus les prix seront bas et mieux ce sera, quels que soient les moyens utilisés. On peut y arriver par l'importation de génériques ou par la fabrication locale des molécules. Certains pays comme le Nigeria ou l'Afrique du Sud possèdent d'ailleurs les capacités industrielles. Parallèlement, il faut poursuivre les négociations avec les industriels de la pharmacie. Dès juin 2000, ils ont consenti des réductions importantes. Donc la pression a du bon et il faut la maintenir. Mais je ne suis pas favorable à une centrale d'achat des antirétroviraux qui serait gérée par les Nations unies. La négociation pays par pays et la compétition avec les génériques ont fait baisser les prix et il faut continuer dans cette voie. 

 

Les industriels doivent-ils aller plus loin ? 

Les économistes me disent que le prix coûtant pour les trithérapies est autour de 200 dollars par an et par patient. Les offres les plus basses actuelles sont comprises entre 300 et 360 dollars. Les industriels répondent que s'ils vendent à prix coûtant ils ne peuvent plus investir dans la recherche. Je ne comprends pas très bien ce raisonnement. Jusqu'à présent, les laboratoires ont investi des montants considérables dans de nouvelles molécules et c'est une des branches de l'industrie qui fait le plus de bénéfices. Les ventes de nouveaux médicaments dans les pays du Nord ne vont pas s'arrêter, bien au contraire. Les patients y deviennent de plus en plus résistants et ils sont de plus en plus demandeurs de nouvelles molécules. En revanche, les traitements d'aujourd'hui sont largement efficaces dans les pays du Sud. Les grands laboratoires ne sont donc pas menacés. En plus, la baisse des prix ne porte que sur huit médicaments et le verrou est bien gardé sur les autres molécules. Heureusement, l'industrie est maintenant très attentive à son image. 

 

La solution tout générique est-elle possible ? 

Sûrement pas. On dispose actuellement de six à huit molécules génériques. Un clinicien ou un Etat qui s'engagerait sur un traitement de longue durée ne peut pas se lancer dans cette politique, tout en sachant que les génériques seront toujours en retard d'une génération par rapport aux molécules originales. Il ne faut donc pas tomber dans le piège de croire qu'à partir du moment où l'on dispose de médicaments génériques tout est résolu. 

 

Les médicaments ne représentent qu'une partie du coût des soins

Le coût du traitement global est de l'ordre de 1.000 à 1.200 dollars par an et par patient. Ce total inclus les examens biologiques, les frais de stockage et de délivrance des médicaments, les consultations, les soins infirmiers et les infrastructures hospitalières. Tout le monde s'est polarisé sur les médicaments. Alors que le coût des examens, qui reste à la charge du patient, reste encore beaucoup trop élevé. Il faut donc trouver des méthodes alternatives qui doivent être largement diffusées dans les pays africains et c'est ce que nous faisons. 

 

Quelles sont les chances de mise au point d'un vaccin ? 

Actuellement, entre 10 et 15 stratégies vaccinales sont en essai en phase 1 ou 2. Je suis prêt à parier qu'il y aura au moins trois vaccins qui atteindront la phase III en 2005 ou en 2006. En principe, vers 2008 ou 2009, nous aurons les résultats de cet essai. Si les résultats sont bons, un premier vaccin pourrait arriver sur le marché vers 2010 ou 2012. Il ne protégera pas contre l'infection, mais il ralentirait l'évolution vers la maladie. Actuellement, il faut dix ans en moyenne entre le moment de la primo infection et celui où l'on commence le traitement. Le vaccin ferait passer ce délai à vingt ans et peut-être même trente ans. En termes de bénéfice pour la santé publique, ce vaccin apporterait un avantage énorme, malgré les problèmes éthiques considérables qu'il va poser. 

 

 

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