D’après un entretien avec le Pr Éric Huyghe, membre du Comité d’Andrologie et de Médecine Sexuelle de l’AFU et urologue au CHU de Toulouse

Maladie de Lapeyronie, changeons de logiciel !

- Théragora le 10 septembre 2018, communication de l'AFU N° 13 - Page 0

Guérir est l’objectif premier d’un patient lorsqu’il apprend qu’il souffre d’un cancer. Tout le reste lui semble souvent accessoire.  Mais les traitements utilisés pour éradiquer les tumeurs engendrent divers troubles susceptibles d’altérer la qualité de vie des patients. La fertilité peut notamment être dramatiquement compromise par la radiothérapie et certaines chimiothérapies. À l’occasion des JAMS, le Pr Éric Huyghe, a fait le point sur les méthodes utilisées pour préserver la fertilité masculine en oncologie.

 

Maîtrise de la douleur, gestion de la fatigue, vie sexuelle, fertilité… La qualité de vie des patients atteints de cancer est aujourd’hui centrale. Il ne s’agit plus seulement de tout faire pour guérir un malade, il convient également de lui apporter des soins de support lui permettant de vivre le mieux possible son traitement et de limiter les séquelles qui pourraient impacter sa vie future.
Dans ce cadre, l’INCA (Institut National du CAncer) et l’AFSOS (association francophone pour les soins oncologique de support) ont lancé un projet de recommandations sur la préservation de la fertilité chez les patients atteints de cancer. L’Association Française d’Urologie est partenaire de ce projet. Du côté des femmes, de grandes avancées sont survenues au cours de la dernière décennie, permettant de rendre plus accessible la préservation féminine grâce notamment aux méthodes de vitrification. Chez la femme et la jeune fille, il est également envisageable de prélever les ovaires ou des fragments d’ovaires et de les réimplanter ultérieurement. Lors des Journées d’Andrologies et Médecine Sexuelle, le Pr Éric Huyghe en charge de l’élaboration de ce référentiel de l’INCA, est revenu sur la préservation de la fertilité masculine.
 

Qui est concerné ?



La question de la préservation de la fertilité masculine touche principalement les patients victimes d’un cancer entre l’enfance et l’âge de 55 ans. 
Les principaux cancers susceptibles de survenir dans ces tranches d’âges sont les cancers du testicule et les hémopathies (lymphomes, leucémies aigues et chroniques). On compte plus rarement des carcinomes, des sarcomes, des tumeurs du système nerveux central, des tumeurs osseuses…
 
« Le cancer du testicule est le cancer le plus fréquent chez l’homme jeune (20-34 ans) », note le Pr Huyghe.  « Ces cancers sont en général de bon pronostic (80-90 % de survie à 5 ans, voire plus). Il est donc important que nous puissions offrir à nos patients une vie future de bonne qualité ».
Chez l'homme adulte, de nombreuses chimiothérapies, en particulier les agents alkylants et le cisplatine provoquent une atteinte des cellules germinales, avec un effet dose dépendant.
 
De son côté, la radiothérapie, lorsqu'elle concerne le rétropéritoine, le bassin ou la racine des cuisses peut entraîner une irradiation diffusée aux testicules. Lorsque la dose diffusée est supérieure à 1 gray le risque d’altération définitive de l’épithélium séminal est important.
 
Chez l'enfant, là encore ce sont les chimiothérapies contenant des alkylants ou du cisplatine qui sont les plus délétères. Parmi les situations les plus à risque d’infertilité définitive future : les enfants victimes de leucémie nécessitant une greffe de moelle osseuse. Les traitements nécessaires pour provoquer une aplasie médullaire entraînent de façon systématique une stérilité.
L'irradiation cérébrale, fréquente dans le traitement des cancers de l'enfant peut également endommager l’hypothalamus ou l’hypophyse et impacter indirectement la fertilité.

En chiffres 

1 % de l’ensemble des cancers surviennent chez l’enfant, soit 1 500 nouveaux cas par an.
 
- Le taux de survie à long terme des cancers de l’enfance et de l’adolescence est de 78 %.
 
60 000 personnes en France sont des survivants d’un cancer de l’enfance.

 

Fabriquer des spermatozoïdes en laboratoire ?



Il est aisé de préserver la fertilité de l’adulte en congelant son sperme. On compte chaque année 2 000 demandes d’autoconservation de sperme pour cancer. La congélation est également possible pour les adolescents depuis 1973. La proportion d’adolescents faisant cette demande est en augmentation mais elle reste trop faible.
Les choses sont plus compliquées pour l’enfant.  « Depuis 2006, nous savons congeler les tissus testiculaires, mais nous ne savons pas encore comment les utiliser », précise le Pr Huyghe. Les progrès de la médecine pourraient néanmoins, dans un proche avenir, remédier à ce problème. 
 
Lorsque l’enfant aura grandi, et qu’il souhaitera devenir père, il sera sans doute possible, à partir des tissus prélevés, de procéder à une spermatogenèse in vitro ou à des transplantations de cellules souches germinales. Des études sont en cours chez l’animal. Les études cliniques chez l’homme pourraient démarrer d’ici peu. 
 

 

L’indispensable égalité d’accès au soin


Avoir des enfants après un cancer est une vraie demande des patients. Selon l’étude VICAN 2, qui a interrogé des hommes 2 ans après un cancer, 30 % d’entre eux envisageaient une descendance. Sur la tranche d’âge des hommes de moins de 35 ans, ils sont 75 % à souhaiter un enfant dans l’avenir. 
Les recommandations en cours d’élaboration vont permettre de clarifier la prise en charge des patients et les conduites à tenir.  L’objectif serait d’atteindre une égalité d’accès aux soins sur tout le territoire comme le préconise le plan cancer 2014-2019 notamment en structurant mieux l’offre en matière de plateformes de préservation de la fertilité. Quels que soient l’âge, le lieu d’habitation ou le pronostic de la maladie l’accès à ces plateformes doit être possible. 
Cette préservation de la fertilité doit être envisagée au plut tôt, si possible dès le diagnostic. En France, le dispositif d’annonce a mis en place deux consultations juxtaposées, l’une pour l’annonce médicale, l’autre pour l’annonce paramédicale. Il serait sans doute opportun que l’information concernant la préservation de la fertilité se fasse lors de cette deuxième consultation. 
« L’information devra être systématique pour tout homme en âge de procréer, insiste le Pr Huyghe. Parfois, face à un homme de 50 ans qui déclare un cancer de la prostate, l'urologue néglige la question de la fertilité. Or, cet homme peut fort bien être en couple avec une femme plus jeune et avoir un désir d’enfants. »
Autre discrimination à éviter : celle des patients atteints d’un cancer à un stade avancé. Lors des journées 2015 du GRECOT (Groupe de recherche et d’étude sur la cryoconservation de l’ovaire et du testicule) il a été conclu que le pronostic de la maladie ne devait pas être pris en compte pour proposer la préservation de la fertilité, à la fois pour des raisons éthiques et déontologiques, car refuser de faire le prélèvement signifierait pour le malade que les médecins le considèrent comme condamné.
 

Que dit la loi ?

- L’article L21 41-11 de la loi de bioéthique, modifié par la loi 2011-814 du 7 juillet 2011, dispose que toute personne dont la prise en charge risque d’altérer la fertilité peut bénéficier d’un recueil et d’une conservation de gamètes ou de tissus germinaux. Il n’y a pas là d’obligation mais une incitation très forte à protéger l’avenir reproductif de ces patients.

- Cette incitation est renforcée par la jurisprudence. Deux arrêts de la cour de cassation (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 novembre 2012, 11-26.516, Inédit. 2012, et Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 10 avril 2013, 12-14.813, Inédit. 2013.) vont plus loin. Ils concluent que ne pas proposer de préserver la fertilité quand cela peut être envisagé est susceptible d’être considéré comme un « dommage moral » et une « perte de chance ».
 
- Plus récemment un décret de mars 2016 relatif à l’AMP précise la situation du mineur : un contact par écrit est obligatoire chaque année avec les parents ou les titulaires de l'autorité parentale pour leur rappeler les conditions de conservation du prélèvement de tissu germinal effectué sur leur enfant.  À sa majorité l’enfant sera convoqué pour recevoir lui-même des informations sur les possibilités de la médecine de tenter de restaurer sa fertilité. 1

 

En savoir plus : le réseau régional d’oncologie ONCOPACA a mis en ligne une page très complète sur la préservation de la fertilité. Elle peut être utile aux patients comme aux médecins : www.oncopaca.org/fr/page/prise-en-charge-specifique-OncoFertilite
 
1 - Décret du 4 mars 2016 relatif à l’assistance médicale à la procréation
Section 4 « Devenir des gamètes et tissus germinaux conservés »
* Contact annuel par écrit des titulaires de l’autorité parentale.
* Fin à la conservation […] d’une personne mineure uniquement en cas de décès.
* Convocation de l’enfant devenu majeur, l’année de sa majorité, par le centre où sont conservés ses tissus germinaux pour bénéficier d’une consultation pluridisciplinaire au cours de laquelle une information actualisée lui est délivrée.
* Information […] sur le caractère incertain de l’utilisation ultérieure de ces tissus
* En l’état actuel des connaissances, les modalités de l’utilisation ultérieure restent du domaine de la recherche
 
Les e-Jams : pour faire vivre l’urologie francophone

Pas de frontières pour les JAMS ! C’est le credo que s’est fixé l’AFU et qu’elle met en œuvre grâce à une retransmission en live de son événement. L’Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Liban, partenaires de l’AFU via leurs sociétés savantes, participeront donc en direct aux sessions et pourront intervenir en temps réel. 
 
Cette ouverture à la francophonie relève d’un objectif du Président de l’AFU, le Professeur Thierry Lebret. « L’ouverture vers la francophonie permet d’une part de faire rayonner l’urologie française, mais aussi de partager et construire avec nos homologues francophones », expliquait-il à ce sujet.

 

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