Par Mathilde TOUVIER -Directrice de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle EREN -  et Bernard SROUR - Epidémiologiste, Doctorant, Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle EREN,

Aliments ultra-transformés et risques cardiovasculaires

- Théragora le 27 mai 2019 N° 21 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

 

Dans un article paru le  30 mai 2019 dans le British Medical Journal, des chercheurs de l'Inserm, de l'Inra, de l'Université Paris 13 et du Cnam au sein de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle EREN rapportent un risque accru de maladies cardiovasculaires chez les consommateurs d'aliments ultra-transformés dans la cohorte NutriNet-Santé.

Durant les dernières décennies, les habitudes alimentaires se sont modifiées dans le sens d'une augmentation de la consommation d'aliments ultra-transformés (voir encadré ci-dessous), qui contribuent aujourd'hui à plus de la moitié des apports énergétiques dans de nombreux pays occidentaux. Ils se caractérisent souvent par une qualité nutritionnelle plus faible, mais aussi par la présence d'additifs alimentaires, de composés néoformés et de composés provenant des emballages et autres matériaux de contact. 

Des études récentes ont montré des associations entre la consommation d'aliments ultra-transformés et un risque accru de dyslipidémies, de surpoids, d'obésité, et d'hypertension artérielle. Les chercheurs de l'équipe EREN ont également déjà observé des associations entre la consommation d'aliments ultra-transformés et les risques de cancer, de mortalité, de symptômes dépressifs, et de troubles fonctionnels digestifs mais aucune étude épidémiologique n'avait, à ce jour, investigué les relations entre la consommation de ces aliments et le risque de maladies cardiovasculaires. C'est désormais chose faite grâce à ce travail réalisé dans le cadre de la cohorte NutriNet-Santé, par l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, plus spécifiquement par le Dr Bernard Srour (Epidémiologiste, doctorant), sous la direction du Dr Mathilde Touvier (Directrice de Recherche Inserm, directrice de l'équipe),  en collaboration avec l'Université de Sao Paulo au Brésil.

Plus de 100 000 participants de la cohorte française NutriNet-Santé (suivis entre 2009 et 2018) ont été inclus. A l'entrée dans l'étude, la consommation alimentaire habituelle a été évaluée grâce à des enregistrements de 24h répétés (6 en moyenne par participant) portant sur 3300 aliments et boissons différents. Ceux-ci ont été classés en fonction de leur degré de transformation par la classification NOVA (voir encadré ci-dessous).

Au cours du suivi, la consommation d'aliments ultra-transformés s'est révélée être associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires (n = 1 409 cas sur les 105 159 participants), et en particulier de maladies coronariennes (n=665 cas) et de maladies cérébro-vasculaires (n=829 cas). Une augmentation absolue de 10% de la part d'aliments ultra-transformés dans le régime (par exemple, en comparant deux individus consommant respectivement 15% et 25% de leurs aliments sous forme ultra-transformée) était associée à une augmentation de 12% de risque de maladies cardiovasculaires au global (13% pour les maladies coronariennes et 11% pour les maladies cérébro-vasculaires).

Cette étude observationnelle ne permet pas à elle seule de conclure à un lien de cause à effet. Cependant, en plus du design prospectif de l'étude, les résultats tiennent compte d'un grand nombre de facteurs sociodémographiques et liés au mode de vie dont l'âge, le sexe, le tabagisme, la consommation d'alcool, le niveau d'étude, l'activité physique ainsi que le statut pondéral, les comorbidités métaboliques et les antécédents familiaux. Les résultats obtenus montrent également que la moins bonne qualité nutritionnelle globale des aliments ultra-transformés ne serait pas le seul facteur impliqué dans cette relation.

Les recommandations nutritionnelles publiées récemment par Santé Publique France (2019) conseillent de limiter la consommation d'aliments ultra-transformés et de privilégier la consommation d'aliments bruts ou peu transformés, en adéquation avec l'objectif du Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) de réduire de 20% la consommation d'aliments ultra-transformés en France d'ici 2022.

 

Définition et exemples d'aliments ultra-transformés
La classification NOVA permet de catégoriser les aliments selon 4 groupes, en fonction de leur degré de transformation (aliments peu ou pas transformés, ingrédients culinaires, aliments transformés, aliments ultra-transformés). Cette étude portait sur le groupe des «aliments ultra-transformés», qui comprend par exemple les sodas sucrés ou édulcorés, les légumes marinés conservés avec l'ajout de sauces contenant des additifs alimentaires, les steaks végétaux reconstitués avec l'ajout d'additifs, les confiseries et barres chocolatées et tous les produits transformés avec ajout de conservateurs autre que le sel (nitrites par exemple), ainsi que les produits alimentaires principalement ou entièrement constitués de sucre, de matières grasses et d'autres substances non utilisées dans les préparations culinaires telles que les huiles hydrogénées et les amidons modifiés. Les procédés industriels comprennent par exemple l'hydrogénation, l'hydrolyse, l'extrusion, et le prétraitement par friture. Des colorants, émulsifiants, texturants, édulcorants et d'autres additifs sont souvent ajoutés à ces produits.

Exemples :
-Les viandes rouges ou blanches salées sont considérées comme des «aliments transformés» alors que les viandes fumées et/ou avec des nitrites et des conservateurs ajoutés, comme les saucisses et le jambon, sont classées comme «aliments ultra-transformés».
-Les soupes  liquides en brique préparés uniquement avec des légumes, des herbes et des épices sont considérés comme des « aliments transformés » alors que les soupes déshydratées sont classées comme «aliments ultra-transformés».

 

 

En consacrant quelques minutes par mois pour répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée www.etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l'alimentation, l'activité physique et la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l'alimentation et la santé. Par ce geste citoyen, chacun peut facilement devenir un acteur de la recherche et, en quelques clics, jouer un rôle important dans l'amélioration de la santé de tous et du bien-être des générations futures.

 


Sources
Ultra-processed food intake and risk of cardiovascular disease: a prospective cohort study (NutriNet-Santé).
Bernard Srour, Léopold Fezeu, Emmanuelle Kesse-Guyot, Benjamin Allès, Caroline Méjean, Roland Andrianasolo, Eloi Chazelas, Mélanie Deschasaux, Serge Hercberg, Pilar Galan, Carlos Monteiro, Chantal Julia et Mathilde Touvier.

British Medical Journal, BMJ : http://dx.doi.org/10.1136/bmj.l1451

 

Mathilde TOUVIER - Directrice de recherche Inserm - Directrice de l'Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle EREN - U1153 Inserm / Inra / Cnam / Université Paris 13, CRESS

Bernard SROUR -Epidémiologiste, Doctorant, Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle EREN, U1153 Inserm / Inra / Cnam / Université Paris 13, CRESS 

 

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