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« La fraude alimentaire est un phénomène croissant mais savamment occulté tant par nos autorités que l’industrie agroalimentaire et la grande distribution qui sont parfaitement au courant », affirme Ingrid Kragl, auteure du livre « Manger du faux pour de vrai. Les scandales de la fraude alimentaire » (éditions Robert Laffont) et directrice de l’information de foodwatch France.
foodwatch lance aujourd’hui une nouvelle campagne avec une vidéo en animation 3D et doublée par la voix de Jérôme Bonaldi. L’ONG ne cherche pas à semer la peur mais bien à provoquer un électrochoc parmi les décideurs pour exiger d’eux une véritable politique de prévention des fraudes. Par le biais d’une pétition, foodwatch interpelle Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance et Julien Denormandie, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, en leur rappelant que les citoyennes et citoyens ont le droit de savoir et d’accéder à toute la transparence sur ces fraudes dont l’importance fait frémir.
« Face à l’ampleur des fraudes alimentaires, l’opacité de nos autorités françaises – qui sont, sinon complices, complaisantes avec les contrevenants - est insupportable », souligne Ingrid Kragl. Car les faits sont implacables.
En France, une épice sur deux est frauduleuse. 43% des miels chez nous présentent des défauts de composition, de qualité, sont faussement étiquetés français ; certains n’ont jamais vu l’ombre d’une ruche tant ils sont adultérés chimiquement. Des vins du Languedoc sont frauduleusement rebaptisés Pomerol, Margaux ou Saint-Julien. Un produit bio sur douze contrôlé en France n’est pas aussi bio qu’il le prétend. Dans les Alpes maritimes, ce chiffre monte même jusqu’à un produit bio contrôlé sur trois. Des chevaux impropres à la consommation, bourrés d’antibiotiques, pénètrent aujourd’hui encore la chaîne alimentaire en catimini. Côté volailles (poulet, dinde, canard, oie et pintade), environ un vendeur sur deux triche – notamment sur les labels de qualité fermier, AOP, IGP, label rouge. En Europe, un pesticide sur sept est contrefait et ces sinistres imitations de produits phytosanitaires sont utilisées dans l’Hexagone. De l’huile de tournesol à un euro le litre se transforme en huile d’olive vendue dix fois plus cher grâce à l’ajout de… chlorophylle. Du thon avarié est injecté d’additifs dangereux pour avoir l’air frais et être ensuite revendu comme si de rien n’était. Enfin, la mafia, des réseaux de criminalité organisée ont compris qu’il y avait un filon à exploiter dans le trafic d’aliments : peu de risques de se faire coincer et une aubaine pour blanchir l’argent de la drogue et d’autres trafics.
Ces quelques exemples sont loin d’être des cas isolés. L’enquête « Manger du faux pour de vrai » révèle que la fraude pénètre indubitablement nos frigos, nos placards. Pas plus en France qu’ailleurs. Mais chez nous, les consommateurs n’en sont pas informés dans le détail : quels sont les produits concernés ? Quelles marques ? Où sont-ils vendus ? En quelle quantité ?
Ce manque de transparence sur les fraudes alimentaires est délétère et épinglé par de nombreux experts, y compris la Cour des comptes, et même la Cour de justice de l’Union européenne. Car cette opacité alimente un climat d’impunité qui encourage les fraudeurs autant qu’elle alimente la défiance des consommateurs. La DGCCRF, quand elle le veut, communique pourtant avec force détails sur les fraudes concernant le secteur du vin mais étrangement pas lorsqu’il s’agit des autres rayons et produits. « Il est grand temps de se doter des moyens à la hauteur de la situation contre les fraudes alimentaires : il faut plus de contrôles et de sanctions dissuasives, mais aussi plus de transparence. C’est un choix politique. Aujourd’hui, malheureusement, on continue de manger du faux pour de vrai sans le savoir », conclut Karine Jacquemart, directrice de foodwatch France.
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