Les mécanismes cérébraux de récompense et d'addiction impliqués dans les gènes de l'obésité commune

Vers un meilleur management de l'obésité commune

- Théragora le 29 août 2019 N° 24 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

L'équipe de recherche du Dr Amélie Bonnefond, au sein du laboratoire « Génomique intégrative et modélisation des maladies métaboliques » du Pr Philippe Froguel (Institut Pasteur de Lille/Université de Lille/CNRS), vient de démontrer que les gènes de l'obésité commune interviennent dans l'addiction et les mécanismes cérébraux de récompense et non dans la régulation de la faim. Cette découverte a été rendue possible grâce à la mise au point d'une nouvelle méthode pour déterminer avec certitude où dans le corps humain les gènes de l'obésité commune étaient le plus exprimé (présence de leur ARN spécifique) et donc où ils exerçaient leur effet « obésogène ». Publiée dans International Journal of Obesity, cette étude ouvre la voie à un meilleur management de l'obésité dite commune.

 

 

 

L'obésité est devenue un fléau mondial qui touche autant voire plus les régions rurales qu'urbaines des pays développés ou plus pauvres. Le poids excessif est maintenant le facteur de risque le plus important de mortalité précoce cardiovasculaire ou liée à des cancers. Cependant, l'origine de l'obésité reste mystérieuse. Bien que les facteurs d'environnementaux « obésogènes » soient très importants au niveau des populations, les facteurs génétiques expliquent 70% de la réponse individuelle variable à ces facteurs exogènes. Depuis les années 90, les travaux de l'équipe du Pr Philippe Froguel à Lille ont permis de démontrer l'importance des formes monogéniques d'obésité de l'enfant qui touchent entre 5 et 50% des obèses sévères selon les pays. Tous ces gènes sans exception contrôlent les processus de la satiété et les patients mutés pour ces gènes ont un appétit non régulé. Ils mangent trop et donc grossissent dès le plus jeune âge. Très différente est l'obésité commune, dont l'origine très polygénique a été établie en 2007 par l'équipe de recherche : actuellement si près de 400 gènes contribuent de façon modeste au risque d'obésité, on ne sait toujours pas par quels mécanismes ils conduisent au surpoids.
 
L'équipe du Dr Amélie Bonnefond, au sein du laboratoire du Pr Philippe Froguel, a ainsi mis au point une nouvelle méthode pour déterminer avec certitude où dans le corps humain les gènes de l'obésité commune étaient le plus exprimés (présence de leur ARN spécifique) et donc où ils exerçaient leur effet « obésogène ». En effet, si l'ADN est le même dans toutes les cellules d'une personne,  les gènes s'expriment différemment d'une cellule à l'autre selon les organes. L'étude lilloise montre que la plupart des gènes d'obésité commune sont exprimés préférentiellement dans le cerveau et non dans les tissus de dépense ou de stockage de l'énergie comme le muscle et le tissu adipeux. L'obésité commune n'est donc pas une maladie liée à un déficit de dépense calorique mais d'excès d'apports alimentaires dont l'origine restait à déterminer. La surprise de cette étude est l'absence d'expression préférentielle des gènes d'obésité commune dans la partie du cerveau qui contrôle la faim c'est-à-dire l'hypothalamus. Cependant, on retrouve un enrichissement de ces gènes dans deux régions du cerveau qui interviennent dans les mécanismes de récompense et d'addiction, la substance noire et l'insula. De plus, les gènes d'obésité commune les plus importants comme le gène FTO découvert en 2007 par l'équipe lilloise sont ceux qui sont le plus exprimés dans ces deux régions particulières du cerveau. 
 
Il est bien connu que la plupart des obèses n'ont pas plus faim que les personnes de poids normal mais qu'elles ont du mal à gérer leur comportement alimentaire, notamment en cas de stress ou de contrariété. Une théorie postule que certains aliments notamment les sucres seraient aussi addictifs que les drogues dures rendant les obèses « accros » à l'alimentation dont la prise en excès leur apporterait un bien-être provisoire (mécanisme de récompense). Ceci a surtout été prouvé chez l'animal. Ce travail est la première démonstration biologique chez l'homme du caractère essentiellement comportemental de la prédisposition génétique à l'obésité commune.
 
Alors que l'intérêt de scores génétiques de prédiction de l'obésité commune dès la naissance vient d'être proposé, le travail lillois ouvre la voie à une politique de prévention et de prise en charge du surpoids de type comportemental (et non basée sur des régimes simplement restrictifs qui rendent les obèses encore plus addictifs) : gérer mieux son stress, éviter de se mettre dans des situations de dépendance alimentaire (ou en sortir) est probablement plus efficace pour lutter contre l'obésité.
 
 
 

Sources: 
The expression of genes in top obesity-associated loci is enriched in insula and substantia nigra brain regions involved in addiction and reward
Fatou K Ndiaye, Marlène Huyvaert, Ana Ortalli, Mickaël Canouil, Cécile Lecoeur, Marie Verbanck, Stéphane Lobbens, Amna Khamis, Lorella Marselli, Piero Marchetti, Julie Kerr-Conte, François Pattou, Michel Marre, Ronan Roussel, Beverley Balkau, Philippe Froguel & Amélie Bonnefond

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