Si la pratique du sport chez l'enfant ou l'adolescent est conseillée pour leur épanouissement physique et psychologique, une activité sportive trop intensive dans ces périodes de la vie chez des sportives de haut niveau, peut engendrer des effets délétères sur la croissance, le développement osseux, le métabolisme et le développement pubertaire. Les causes de ces effets néfastes sont multiples : entraînements très intensifs, contrôle excessif de la silhouette et donc des apports nutritionnels, troubles endocriniens et métaboliques, blessures musculo- tendineuses osseuses et articulaires. Une prise de conscience de ces conséquences devrait avoir lieu et devrait entrainer des informations précises aux sportives sur les risques et une formation des encadrants. Les fédérations sportives les plus concernées devraient proposer une surveillance médicale adaptée et des recommandations spécifiques pour les sports de silhouette ou sports d’apparence.
Parmi les évolutions de notre société figurent chez l’enfant et l’adolescent, la place croissante de la sédentarité avec les ordinateurs, tablettes, téléviseurs et autres jeux électroniques, le haut niveau d’excès pondéral et d’obésité. A l'inverse on assiste au développement considérable des activités sportives intenses, des sport-études, du sport de haut niveau avec les pôles et les structures nationales type Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) réservées à une élite très convoitée.
Dans ce dernier groupe de sportifs, on est confronté au cours des dernières années à une inflation des heures d’entraînement atteignant parfois 35 heures par semaine auxquelles il faut ajouter l’activité scolaire et les soins médicaux.
L’objectif de ce rapport est d’analyser chez les jeunes filles, notamment celles qui sont le plus concernées en pratiquant des sports d'apparence dits à silhouette, les conséquences de cette pratique intense sur le développement staturo-pondéral, osseux et pubertaire, d’en comprendre les mécanismes et de réfléchir aux conséquences immédiates physiques et psychologiques mais aussi ultérieures à l’arrêt de l’activité sportive (1). Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de s’appuyer sur les données validées du développement staturo-pondéral, osseux et pubertaire d’un groupe témoin (2,3) mais aussi de bien connaître les apports nutritionnels recommandés en eau, énergie et protéines, vitamines, minéraux et oligoéléments dans cette tranche d’âge (4). Outre les données de la littérature, les auditions d’athlètes de haut niveau et de médecins spécialisés dans ce domaine sont apparues déterminantes pour mieux appréhender les conséquences de ce type de pratique sportive.
I - LE SPORT POUR LE MEILLEUR ET LE PIRE
I.1 La pratique du sport chez l'enfant ou l'adolescent est de façon générale conseillée pour leur santé et leur épanouissement physique et psychologique (5). L'Organisation mondiale de la santé considère que l'adolescence est la période de croissance et de développement humain qui se situe entre les âges de 10 et 19 ans. L’adolescence représente une période de transition critique dans la vie et se caractérise par un rythme important de croissance et de changements. Les bénéfices de l’activité physique sont nombreux sur les plans cliniques (développement musculaire, réduction de la masse grasse, impact cardiovasculaire et osseux), mais aussi sur les plans psychologiques et sociaux en particulier dans la prévention des addictions. Ces bénéfices dépendent de l’intensité, de la durée et du type de ces activités. A l’inverse une activité sportive intensive dans ces périodes de la vie, peut engendrer des effets délétères concernant la croissance, le développement osseux, le métabolisme et le développement pubertaire (6,7,8). C'est ce que souligne C. Sultan ainsi que la commission médicale de l’INSEP qui opposent le bénéfice général du sport chez l’enfant et l’adolescent, aux conséquences des entraînements très intensifs avec contrôle excessif de la silhouette et des apports nutritionnels (5,9).
I.2 Le sport de haut niveau est exigeant et impose souvent très tôt dès l’enfance une organisation rigoureuse et parfois stressante du mode de vie mais aussi l’implication importante et constante de la famille afin de bénéficier de situations idéales. Le parcours des jeunes sportives passe par les différentes étapes de sélection sur la base des compétences entrevues par les entraineurs/ses de clubs (ou conservatoires) locaux puis régionaux pour aboutir, pour une élite, à l’intégration dans des structures nationales telles par exemple l’INSEP ou l’Opéra de Paris, nécessitant la séparation avec les parents.
II - LES EFFETS DÉLÉTÈRES CHEZ LES ADOLESCENTES
II.1 Les sports concernés
Les exemples des deux sportives de niveau international (cf annexe) illustrent bien les conséquences sur la croissance, la puberté et le développement ostéo-articulaire.
Au-delà de 20 heures d’entraînement par semaine, et selon les sports, des conséquences néfastes peuvent apparaître. Les risques sont particulièrement à craindre dans les sports dits à silhouette ou d’apparence pour lesquels la performance est favorisée par la petite taille ou le faible poids, comme surtout la gymnastique (rythmique ou artistique), la danse, le patinage artistique, et à un moindre degré la natation synchronisée. D’autres sports sont également concernés tels le tennis, les sports d’endurance comme les courses de fond et les sports à catégories de poids. Qu’il s’agisse d’activité d’endurance, de résistance ou de sports explosifs, il existe un haut niveau de dépense énergétique qui s’associe souvent à une limitation voire un déficit des apports nutritionnels (7,8). Chez les filles les conséquences caricaturales ultimes sont la triade de l’athlète : anorexie, aménorrhée, ostéoporose (FAT des Anglos saxons). En règle, ceci s’observe quand les apports énergétiques sont inférieurs à 1000 kcal/jour avec moins de 12 à 15 % de lipides. Enfin une prédisposition génétique (petites tailles ou pubertés retardées familiales) peut se surajouter à ce contexte pour en amplifier les conséquences. Il existe moins de données concernant les garçons pratiquant le sport de haut niveau. Si les garçons ont des contraintes identiques, les conséquences en termes de retard de croissance et de puberté ne semblent pas aussi fréquentes, probablement protégés par des conduites alimentaires moins restrictives que chez les filles. De plus la période maximale d’entrainement des gymnastes masculins coïncide avec la fin de puberté, alors que chez les filles elle a lieu pendant le développement pubertaire (7,8). C’est pour ces raisons que seules les conséquences du sport de haut niveau chez les filles ont été privilégiées dans ce rapport en insistant sur des sports tels que la gymnastique ou la danse qui en sont le paradigme.
II.2 Conséquences sur la croissance staturo-pondérale
Il est fréquent en pédiatrie que des sportives, le plus souvent adolescent(e)s, consultent pour un retard de croissance staturo-pondéral associé ou non à un retard pubertaire. Si un bilan comme pour tout enfant s'impose, ces retards sont souvent en relation avec certains sports où la charge d'entrainement et le niveau de compétition sont élevés, associés à un manque d’adaptation des apports calorique et protidique à la dépense énergétique. Les filles ayant une maturation retardée sélectionnent naturellement des sports qui nécessitent une petite stature (gymnastique, patinage). Certaines disciplines sportives présentent des exigences particulières, comme les sports à catégories de poids, ou des impératifs esthétiques pour lesquels la maîtrise de la composition corporelle et de la taille est un facteur de réussite. Ainsi pour certaines disciplines les athlètes sont sélectionnées par les entraineurs en fonction de leur petite taille génétique; le sport intensif lors de la croissance ne peut qu’accentuer cet état surtout s'il est associé à un manque d'apport nutritionnel. Enfin le stress induit dans certaines situations par l’enjeu, le niveau de la compétition et par l’environnement du sportif ne peut qu’aggraver ces situations.
Dans les sports à silhouette, les médecins chargés de la surveillance médicale de ces athlètes, constatent un ralentissement de la vitesse de croissance dès 15 heures d’entraînement par semaine et encore plus au-dessus de 20 à 25 heures hebdomadaires. Dès 1993, l’équipe de THEINTZ (10) avait rapporté son expérience concernant la croissance de 22 gymnastes suisses de 12 ans qui s’entraînaient 22 heures par semaine en comparaison de celle de 21 nageuses du même âge et ceci sur une période de plus de 2 ans. Le pic de vélocité de la taille était de 5.48 cm an pour les gymnastes versus 8 cm pour les nageuses et il avait conclut que des entraînements intensifs avant et pendant la puberté, altèrent la vitesse de croissance mais aussi le pronostic de taille. Il suggérait que le mécanisme était une inhibition de l’axe hypothalamo-pituitaire-somatotrope avec une réduction de la sécrétion de GH et d’IGF-1 en liaison avec l’intensité de l’exercice et les apports nutritionnels insuffisants. En fait, dès 1982, M. SEMPE avait analysé la croissance et la maturation squelettique de jeunes gymnastes (11). Depuis de nombreux travaux sont venus confirmer ces faits, comme ceux de ROGOL aux Etats-Unis (12). BRICOUT insistait de son côté sur les importantes variations individuelles, sur une masse grasse inférieure à celle des témoins, sur des comportements alimentaires anarchiques avec des carences en vitamines, fer et calcium (13).
La gymnastique représente un paradigme du retentissement du sport sur la croissance de l’adolescente. Il faut distinguer deux types de gymnastique. La gymnastique rythmique (GR) est une discipline sportive à composante artistique proche de la danse classique et de la gymnastique, alliant souplesse, grâce et adresse et se pratiquant en musique à l'aide de cerceaux, ballons, massues et rubans. La gymnastique artistique (GA) quant à elle nécessite des exercices de plus forte intensité consistant à enchaîner des mouvements acrobatiques sur les barres parallèles ou asymétriques, les poutres, des agrès incompatibles avec de fortes tailles et des sauts. Ces deux types de gymnastiques requièrent des habilités et des morphotypes différents (membres courts avantageux pour la GA et longs plus prédisposés à la GR). Ces caractéristiques prédisposant à un type de sport sont sélectionnées par les entraineurs. La gymnastique à ce niveau de sport de haut niveau entraine retard de croissance et de puberté lors de la période de l’adolescence mais est-elle délétère pour le potentiel de croissance et le pronostic de la taille finale? Les études de GEORGOPOULOS et al et de THEINTZ et al ont montré, chez les cohortes de championnes de niveau européen ou mondial, que la taille finale des GA était restreinte par rapport à leur taille cible ce qui n’était pas le cas des GR dont la taille finale était même supérieure à leur taille cible (10,14,15,16). De plus ceci n’est vrai que pour les GA élites car pour les activités sportives du niveau club, plus modérées en nombre d’heures, la taille finale est normale (17). Ce sont donc les GA élites dont l’activité sportive est supérieure à 30 h/semaine qui présenteraient un risque statural final, du probablement au fait d’avoir commencé les activités intenses plus tôt que les GR élites. L’activité de ces dernières est par la suite sensiblement la même en terme de nombre d’heures, mais d’intensité supérieure pour les GA. Il existe probablement aussi un certain déterminisme génétique pour les GA. L’impact des blessures, des fractures, de la surutilisation de certaines articulations (fusion plus rapide des épiphyses ?) n’est pas établi et fait débat.
Pour d’autres auteurs (Commission scientifique de la Fédération Internationale de gymnastique), l’entrainement intensif des gymnastes artistiques ne compromettrait pas la taille adulte ni le « timing » et le « tempo » du pic de croissance pubertaire (18). Pour eux les GA, tout en restant plus petites et plus légères que leurs contrôles appariés de même âge chronologique, ont des proportions corporelles normales avec des tailles appropriées à leur poids. Elles ont été hautement sélectionnées pour leur petite taille et restent petites et même si on peut noter pour certaines un pic de croissance pubertaire et un âge osseux retardés cela reste dans la variabilité des valeurs normales de la population générale. Ils proposent cependant que des études longitudinales jusqu’à la taille finale sur une plus large population seront nécessaires avant de conclure.
II.3 Conséquences sur la physiologie de l'axe gonadotrope, la puberté et la reproduction
Les troubles du développement pubertaire ont été rapportés par de nombreux auteurs, et ceci depuis 1980 chez les danseuses (19). La synergie entre activité physique intense, maigreur et retard de développement pubertaire a été souligné par VANDENBROUCKE (20). Les travaux de THEINTZ ont montré que l’impact sur la puberté diffère en fonction de l’intensité du sport et du type d’activité. La ménarche en effet apparaissait à 14.5 ± 1,2 ans chez les gymnastes versus 12.9 ± 0.9 chez les nageuses. Des entrainements de l’ordre de 18 à 26 heures /semaine avaient un impact chez ces adolescentes gymnastes de haut niveau âgées de 13 ans car seules 7.4% d’entre elles étaient réglées contre 50% des adolescentes du même âge pratiquant la natation, mais il faut noter que ces dernières n’avaient qu’une activité modérée (4-5 heures/semaine) (10,21).
M. DUCLOS a confirmé que dans les sports ou la composition corporelle et une taille adéquate sont essentielles à la réussite, la ménarche est retardée même s’il faut prendre en compte les facteurs génétiques et environnementaux comme la nutrition (22). Les études de composition corporelle retrouvent de façon concordante une réduction de la masse grasse et un IMC plus bas, d’environ 20 %, chez les adolescentes sportives oligo-aménorrhéiques. Sont également observés des troubles hémodynamiques intéressant pression artérielle systolique basse et ralentissement du rythme cardiaque (23).
Une activité physique très intense en association avec des apports nutritionnels inadéquats retenti sur les fonctions endocrines et concerne l’axe hypothalamo-hypophysaire-gonadique, l’axe somatotrope mais aussi les secrétions hormonales du tissu adipeux. Tout ceci est à l’origine des troubles de développement pubertaire mais retentit aussi sur l’acquisition de la masse osseuse et de sa minéralisation. Celle-ci est physiologiquement maximum pendant et juste après la puberté grâce aux stimulations conjointes de la GH, de l’IGF 1 et des stéroïdes sexuels. G. CREPIN en 2006 rapportait l’existence de troubles neuro-hormonaux en rapport avec les entraînements intensifs(24). Parallèlement, et sans rapport avec la croissance, il fut noté la très grande fréquence de l’incontinence urinaire dans tous les sports qui demandent des efforts intensifs (24).
L’encadrement médical doit impérativement intervenir par les bilans bi-annuels systématiques à la recherche des troubles de la croissance staturale (détermination de l’âge osseux si nécessaire) et pondérale (calcul de l’indice de masse corporelle) mais aussi de la puberté et permettre un suivi nutritionnel et gynécologique.
II.4 Le statut musculo-ostéo articulaire
L’interrelation entre les désordres d’apport énergétique, les irrégularités du cycle menstruel, la densité minérale osseuse et les atteintes musculo-squelettiques sont bien connues (25, 26). Le Dr S. Nguyen, pédiatre chargée du groupe des gymnases qui intègrent l'INSEP après l'âge de 15 ans confirme l’impact des entraînements massifs sur la croissance, sur les troubles assez fréquents du cycle menstruel, mais aussi les déficits en Vit D relativement fréquents mais modérés et les risques osseux.
Les sports de haut niveau sont fréquemment caractérisés par des blessures musculo- ligamentaires (entorse, tendinite...) et des traumatismes aigus (poignet, malléole, clavicule...) mais aussi les incidents modérés et répétés par l’utilisation fréquente d’une articulation en particulier. Une fragilité osseuse peut se traduire par des fractures de fatigue ou des ostéochondroses.
Les bilans hormonaux mettent en évidence une réduction des hormones LH, FSH, œstradiol hormones thyroïdiennes et une perturbation du couple Leptine-Ghreline en plus du déficit en GH, IGF-1. Enfin sont parfois notées une sur-activité corticotrope et des CRP élevées, témoins du sport intense, du stress et de l’inflammation (9, 27-29).
Ces anomalies majorent les risques de fractures de fatigue et ceux d’ostéoporose. En effet si l’activité physique favorise la minéralisation, le déficit éventuel en œstrogène peut au contraire avoir un impact négatif (30). Si des densités minérales osseuses peuvent être correctes, elles peuvent varier selon les segments osseux (13). En outre au niveau et à la qualité de l’apport énergétique inférieur aux besoins dans cette population, s’ajoute la grande fréquence d’apports insuffisants en calcium, magnésium, zinc et vitamine D (31). Des données récentes confirment dans ce contexte les risques d’un apport insuffisant en calcium et vitamine D à l’origine de fractures quand le 25 OHD est inférieur à 76 nmol/l (30 ng/ml) et que l’apport en calcium est inférieur à 1200 mg/jour (32). Pour les athlètes qui pratiquent uniquement leur activité en salle, les risques de carence en vitamine D sont majorés (33). Les possibilités de carence en fer voire d’anémie ferriprive sont également décrits avec comme conséquence une réduction des performances physiques et cognitives (32). Il apparaît donc que l’encadrement médical est primordial par un suivi nutritionnel rigoureux et des bilans réguliers biologiques et osseux répétés pour prévenir ou traiter au mieux carences et lésions musculaires osseuses ou articulaires (31). A titre d’exemple à l’INSEP, le Dr Nguyen effectue des DEXA* adaptées à l'enfant, plusieurs fois par an, en fonction du sport pratiqué et de l’intensité des entraînements et en priorité pour la gymnastique.
* Dual energy X-ray absorptiometry ou absorption bi-photonique à rayons X
I.5 Les troubles de la statique pelvienne.
Toutes les athlètes concernées disposent, afin de répondre aux exigences de leur discipline, d'une musculature abdominale particulièrement tonique.
Au cours des exercices d'entrainement et des compétitions la mise en tension maximale de la sangle abdominale entraine une hyperpression intraabdominale infiniment supérieure à la résistance du sphincter urétral [24].
C'est ainsi que près de 80% des gymnastes féminines présentent des fuites urinaires qui nécessitent pendant et au-delà de leur carrière sportive une rééducation pelvienne par bio-feed back.
Par ailleurs dans certains sports bien ciblés (cavalières jockeys, cyclistes) les contacts répétés ou prolongés sur la selle peuvent occasionner une altération des fibres musculaires et du conjonctif des constituants du périnée à l'origine de dystocies obstétricales. C'est le "périnée de verre" des coureurs cyclistes rencontré à l'âge adulte mais s'installant progressivement chez les adolescentes.
II.6 Qu'en est-il de la triade de l'athlète féminine : Anorexie, Aménorrhée, Ostéoporose?
L ’ encadrement médical doit intervenir non seulement pour les bilans bi-annuels systématiques à la recherche des troubles de la croissance et de la puberté, mais également des troubles psychologiques fréquents dans cette population soumise à des exigences considérables et souvent éloignée de leur environnement familial. Il est d’une importance capitale de prévenir le syndrome anorexie-aménorrhée-ostéoporose avec ses conséquences immédiates et ultérieures. Cette triade dite de la sportive est connue depuis 1993 et de l’American College of sport medecine (34). Depuis, elle fait l’objet d’un nombre considérable de publications et de controverses (35,36) auxquelles s’ajoute une réflexion sur l’âge parfois trop précoce du début d’une activité sportive intense. A côté de ces faits rapportés dans les sports à silhouette, des données identiques ont été rapportées chez des adolescentes pratiquant le tennis de haut niveau (37). Si la prévalence de la triade reste modérée, les enquêtes montrent qu’au contraire les troubles menstruels et les aménorrhées isolées intéressent 30% à 50 % des jeunes filles athlètes, les troubles alimentaires 35% et les fractures 30 %. Les blessures musculo-squelettiques varient en fonction du sport pratiqué mais peuvent aller jusqu’à’60% (25, 36,37).
La connaissance des entraineurs, encadrants quant à ce syndrome est insuffisante (38). Les questionnaires et les interviews peuvent aider à mieux cerner le problème. En Norvège une étude récente note 7 % de désordres alimentaires chez les athlètes, contre 2,3 % chez les témoins, avec une prédominance dans le sexe féminin (39). Un suivi spécialisé et des conseils nutritionnels, incluant l’hydratation s’impose donc (40). Une contraception orale est souvent prescrite pour corriger les aménorrhées mais les pilules oestroprogestatives très faiblement dosées compensent insuffisamment le déficit oestrogénique. Enfin, une augmentation de la prévalence des troubles de l'alimentation a été relevée chez les athlètes lycéennes qui étaient sous pilule contraceptive par rapport à celles qui ne l’utilisaient pas. Les cliniciens ne repéraient pas la triade car ces adolescentes étaient « réglées ». Ainsi, de façon générale, les parents, les entraineurs et les professionnels de santé devraient être éduqués, mieux informés de ces risques de triade et de leurs éventuels traitements et surtout avec une prise en charge par une équipe multidisciplinaire (26,36).
Tout ceci amène à une interrogation sur l’avenir de ces athlètes en termes de taille, de rattrapage pubertaire, de correction des anomalies endocriniennes et de fertilité. Ces interrogations ont amené les instances internationales gérant la gymnastique à repousser à 16 ans depuis 1997 l’âge requis pour les compétitions de haut niveau. Aucune donnée n’est apportée quant à la fertilité ultérieure. De même dans cette population, les situations cliniques et biologiques d’hyper-androgénie méritent, selon JAVED et al et Warren et al, des études complémentaires (41,42).
III- CERTITUDES ET INCERTITUDES
1-Concernant l’impact du sport intense à haut niveau certains éléments sont reconnus très délétères induisant retard de croissance staturale, pondérale et pubertaire, pathologies gynécologiques et ostéo-articulaires, pouvant dans les conditions extrêmes aboutir à la triade anorexie, aménorrhée, ostéoporose, même si sa fréquence est controversée.
Sont impliqués
- certains sports (notamment gymnastique, danse),
- l'intensité de la pratique sportive (heures d'entrainement et de compétition supérieur à 20-25 heures par semaine),
- une insuffisance d'apport nutritionnel par rapport à la dépense énergétique,
-l'âge très jeune du début de la pratique de certaines disciplines,
- le stress environnant les compétitions mais aussi les différentes étapes de sélection pour le haut niveau,
- la fréquence des blessures lors de la pratique de certains sports
- le manque d'encadrement et de suivi médical et psychologique.
Le soutien et l'encadrement de la famille semblent absolument essentiels pour ces périodes d’enfance et d'adolescence.
Des incertitudes demeurent quant à la qualité de la surveillance médicale, la gestion des déficits pondéraux et des anomalies biologiques, la prévention des blessures et ostéochondroses, le surentraînement et enfin l’avenir de ces championnes massivement investies dans leur sport. Des protocoles et des enquêtes sont en cours à la demande des fédérations et des instances internationales.
La pression exercée par l'environnement (entraineur, « sponsor », et aussi parfois malheureusement famille), la nécessité de résultats, l'excès des compétitions, le surentrainement, les blessures, la baisse de performances induites par la fatigue, la non récupération physique, certaines situations psychologiques, le comportement directif de certaines fédérations dans certains pays, peuvent éventuellement aboutir à la tentation de prise de médications interdites par les autorités de la lutte antidopage. Il est important de connaitre la liste des produits et techniques interdites afin de respecter la législation de l'Agence Mondiale Antidopage (AMA) et de l'Agence Française de lutte Antidopage (AFLD). En cas de nécessité médicale le médecin prescripteur doit systématiquement demander auprès de l'AFLD une Autorisation d'Utilisation à des fins Thérapeutiques (AUT).
2- l’avenir médical après l’arrêt des compétitions :
La correction des désordres staturo-pondéraux et hormonaux est le plus souvent la règle mais de façon retardée. La taille finale en fonction des prédictions des tailles parentales n'est cependant pas atteinte pour certaines disciplines comme par exemple la gymnastique artistique mais des controverses existent. Si le développement pubertaire est tardif et les aménorrhées primaires ou secondaires très fréquentes, ceci se corrige à l'arrêt de la compétition. Il est difficile cependant d'évaluer les retentissements sur la fertilité de ces anciennes sportives compte tenu du trop peu d'études épidémiologiques.
3- les faiblesses de l’encadrement sportif, de la surveillance médicale et de la réglementation.
Il semble absolument nécessaire que les fédérations sportives prennent en compte les différentes répercussions médicales concernant cette population de jeunes voire très jeunes sportives de haut niveau. Ainsi les contenus du suivi médical règlementaire dépendent de chaque fédération et devraient être suffisamment adaptés à la physiologie particulière des enfants et adolescents sportifs.
Les actions qui doivent être mises en place concernent la formation des cadres, la réglementation de la répartition hebdomadaire de l’activité (nombres d'heures et fréquence) et de repos en fonction de l'âge et bien sûr du sport concerné.
La surveillance médicale doit être prise en charge par des médecins très spécialisés et adaptés pour ces enfants et adolescents sportifs de haut niveau. Les bilans cliniques doivent être plus fréquents que ce qui est proposé actuellement, notamment ce qui concerne croissance pondérale, staturale, pubertaire et statut gynécologique. Une attention particulière devrait concerner l'encadrement nutritionnel calorique, protidique, vitaminique tout au long de l'année. Enfin les bilans biologiques sont effectués trop peu fréquemment qu'ils soient biologiques classiques mais aussi hormonaux. L'encadrement psychologique n'est pas actuellement toujours optimum pour ces adolescentes pour qui avoir un projet sportif de haut niveau est un challenge d’une extrême difficulté, même s’il est particulièrement exaltant. L'implication de la famille est dans ce sens extrêmement important mais difficile notamment lors de la séparation des très jeunes enfants/adolescents à l’entrée dans les centres de formation sportive.
Au regard de l’expérience, des auditions et de la revue de la littérature, il apparaît clairement que le sport est bénéfique d’une façon générale pour toute la population d’enfants et d’adolescents tant au niveau somatique que psychologique et intellectuel : « mens sana in corpore sano ».
Par contre, dans les situations où chez la jeune fille l’activité physique dépasse 20-25 heures par semaine, plusieurs constatations sont confirmées : retard de taille, retard de l’âge osseux, retard pubertaire, anomalies du cycle menstruel, perturbations endocriniennes multiples, fréquence des blessures musculo-tendino-osteo-articulaires. Une incertitude existe sur l’avenir quant au rattrapage des anomalies et quant à la fertilité de ces sportives.
Parmi les facteurs délétères il faut particulièrement insister sur le nombre d’heures trop élevé et l’apport nutritionnel insuffisant. Certains sports sont plus à risque : sports dits à silhouette ou d’apparence, gymnastique, danse, patinage artistique mais aussi natation synchronisée. Cela concerne aussi d’autres sports tels le tennis, les courses de fond et les sports à catégories de poids et doivent en conséquence justifier une prise en charge spécifique.
Des conditions optimales d’encadrement, de suivi médical, nutritionnel et d’environnements affectif et psychologique doivent permettre à ces adolescentes de réaliser au mieux leur épanouissement physique, psychologique, social et la carrière de sportive de haut niveau qu’elles souhaitent.
1- MISE EN ŒUVRE DES RÉGLES STRICTES DE SURVEILLANCE ET D’HYGIÈNE
- Surveillance médicale clinique très rigoureuse au moins 4 fois par an avec notamment contrôles des poids-tailles-IMC, développement pubertaire et osseux, en étant adapté à l'âge et au type de sport
- Conseils nutritionnels réguliers, précis et personnalisés pour permettre l’adaptation des apports caloriques et protidiques à la dépense énergétique
- Bilan biologique avec contrôle nutritionnel et hormonal au minimum 1 fois par an, puis en fonction d'éventuelles anomalies rencontrées lors des bilans cliniques
- Supplémentation vitaminique (VitD) et minérale si nécessaire en fonction des bilans biologiques
- Surveillance osseuse (ostéodensitométrie adaptée à l’enfance) s'impose dans certains sports à risque ou lors d'anomalie pondérale et/ou gynécologique
- Nécessité pour ces adolescentes d'une surveillance afin de dépister hypoestrogénie, ovaire polykystique, ou proposer au besoin des compléments hormonaux de type contraceptifs œstrogènes-progestatifs dosés en fonction de la situation gynécologique de l'adolescente
- Arrêt immédiat des entraînements en cas de blessure sérieuse puis reprise après contrôle médical.
- Possibilité de suivi psychologique si nécessaire en fonction des besoins des sportives.
2- ASSURER UNE FORMATION DES CADRES ET ENTRAINEURS
Les centres tels que l'INSEP sont actuellement dotés d'une équipe médicale très complète : médecin du sport et de médecine physique et réadaptation, rhumatologue, endocrinologue, cardiologue, pédiatre, gynécologue, diététicienne, kinésithérapeute. Il serait important que chaque centre de formation (notamment pôle d’excellence et pôle espoir) quelque soit la discipline puisse avoir des cadres, entraineurs, médecins bien informés et formés de façon spécifique à la pratique du sport intense chez les adolescentes. Ceci devrait permettre de repérer les troubles alimentaires, les anomalies du cycle menstruel et de prendre en charge au mieux les blessures à répétition ou les problèmes psychologiques.
3- ASSURER AUPRÉS DES SPORTIVES ET DE LEURS FAMILLES UNE INFORMATION CONCRETE
Information concernant l’impact du sport intense sur la santé et insister sur l’importance du soutien familial tout au long de la période pédiatrique et d’adolescence, et de leur surveillance d’éventuelles anomalies nutritionnelles, staturo-pondérale ou pubertaire.
4- RECOMMANDATIONS EN FONCTION DE LA DISCIPLINE SPORTIVE
Chaque fédération sportive devrait recommander en fonction de sa spécificité d'activité physique
- un accompagnement adapté à la jeunesse des athlètes
- des durées d’entrainements journaliers, hebdomadaires, périodes de repos
- un âge optimal de même que le rythme des compétitions,
Ces recommandations n’ont pas vocation à entraver les possibilités de performances et de résultats indispensables dans le sport de haut niveau et encore moins l’excellence sportive mais bien de préserver la santé immédiate et l'avenir des jeunes athlètes .
5- ÉVALUER L’AVENIR MÉDICAL ET SOCIAL D’ADOLESCENTES SPORTIVES DE HAUT NIVEAU
avec notamment un suivi à moyen terme (voire long terme) des éventuelles conséquences sur la fertilité, les aspects métaboliques, psychiques et sociaux.
RÉFÉRENCES
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ANNEXE
I- L’audition d'une championne d'Europe et Olympique de gymnastique artistique nous a permis de comprendre son parcours dans le détail. Sa famille, très investie dans le sport de leur fille, gymnastes eux-mêmes de relative petite taille, lui a permis de débuter à six ans. Après une activité en club local, puis en sports études, elle a été sélectionnée pour intégrer un Pôle espoir à 12 ans avec 24 H d’entraînement par semaine et vie en famille d’accueil. Ceci a été rapidement suivi d'une intégration à l’INSEP où était pratiqué un entraînement de 35 heures par semaine. Elle y est restée pendant toute sa carrière. En 2004, à 16 ans, elle fut championne Olympique aux barres asymétriques. Elle évoque ses blessures multiples, ses incontinences urinaires fréquentes dans ce sport mais dont on n'ose pas parler à cet âge (alors qu’une rééducation périnéale aurait été nécessaire), son développement staturo-pondéral ralenti, 38 kg (-2.5 SDS) et 148 cm (-2.6 SDS) à 16 ans, un âge osseux de 13 ans et ses premières ménarches à 17 ans. Son arrêt de la compétition sera suivi d’un rattrapage staturo- pondéral de 10 cm et de 10 kg en un an. Dans son expérience, la surveillance médicale a été modeste malgré ses nombreuses blessures (chutes, fracture de fatigue de la malléole, luxation de la clavicule, ostéochondrose, déchirures musculaires), sources de nombreux arrêts d’entrainement. L’aide des kinésithérapeutes a été à l'époque très limitée dans le cadre de l’INSEP. Son alimentation était peu contrôlée et insuffisante mais un poids de forme était à respecter et surveillé de façon extrêmement rigoureuse et dirigiste. Dans son groupe d’entraînement, trois jeunes filles ont présenté une anorexie mentale. La surveillance gynécologique a débuté à 17 ans. Elle n’a pas reçu de contraception orale. L’environnement familial a été essentiel pour la surveillance et le traitement des blessures (père kinésithérapeute), pour les conseils nutritionnels et l’équilibre psychologique.
Apres l'arrêt de sa carrière sportive, l'obtention du baccalauréat et des études supérieures lui ont permis d'avoir un métier stable. Elle n'a pas pour l'instant d'enfant mais les guidera plus tard vers la gymnastique.
2- l'audition d'une ancienne danseuse étoile de l’Opéra de Paris a montré un parcours relativement proche: parents médecins, début de la danse à 11 ans, deux fois par semaine, à 12 ans trois heures par jour avec horaires aménagés, puis conservatoire à 13 ans avec pratique d'une activité de six heures/jour-six jours/semaine, ce qui était bien supportée par elle. Cependant à cette date, on constatait une taille insuffisante avec un âge osseux en retard de deux ans. L'étape suivante s'est réalisée au conservatoire de Paris avec deux heures/jour associées à deux heures/jour de cours particuliers et deux jours de récupération par semaine. Ce fut ensuite l'intégration à l’école de danse de Nanterre en internat avec une scolarité sur place. A 16 ans, elle mesurait 1,58 m (-0.8 SDS) pour 42 kg (-2 SDS). Cette morphologie a facilité la pratique de la danse et c’est notamment ces critères « morphologie et silhouette » qui lui ont permis d’être sélectionnée. A cette période, elle cumulait cinq heures/jour d’entraînement plus une heure/jour de cours particuliers. Sa taille définitive est de 164 cm correspondant à +0.1 SDS, ce qui se situe dans la moyenne familiale (sœur 168 cm, mère 160 cm). Elle n’a été réglée qu'à 17 ans. Elle a intégré l’Opéra de Paris à 18 ans où il était nécessaire de faire preuve d’une maturation psychologique adaptée. A l’opéra, le programme comportait six heures/jour cinq à six jours par semaine avec une préparation physique trois fois/semaine. L’été une récupération de quatre à six semaines était proposée qu’elle trouvait nécessaire. A son époque, l’entraînement pouvait atteindre 50 heures/semaine auquel s'ajoutait la préparation des concours en novembre et décembre. Le suivi scolaire quatre heures/jour lui a semblé suffisant pour sa scolarité jusqu'au baccalauréat. Les épisodes d’aménorrhée ont été très fréquents. La surveillance clinique était limitée à une fois par an, les ostéodensitométries rares, les conseils d’alimentation étaient pour elle assurés surtout par ses parents, mais les professeurs de danse intervenaient aussi. A son époque, aucune attention particulière, sur les apports en calcium et en vitamine D et aucun bilan biologique régulier n’était prévu. L’incidence des blessures était très variable. L’hygiène de vie pour ces adolescentes et jeunes adultes était très rigoureuse. Il n’existait pas de dopage connu, malgré des douleurs fréquentes. Quelques jeunes filles ont reçu des hormones de croissance pour des indications thérapeutiques. Sur le plan psychologique, les "burn out" étaient rares mais il était parfois difficile de supporter ce rythme d’activité en l’absence d’encadrement affectif. A la fin de sa carrière elle est devenue professeur de danse et ne serait pas contre le fait que ses 2 enfants pratiquent la danse même à un haut niveau, montrant ainsi qu’il n’y a pas eu de souffrance malgré les contraintes sus citées.
Ainsi La sélection des danseuses, s'effectue sur les critères souplesse, morphologie, silhouette et aspect artistique, les petites tailles sont donc cooptées pouvant être au moins un temps aggravées par les restrictions nutritionnelles et un nombre important d’heures d’entraînement /semaine. Un suivi médical et un encadrement affectif sont nécessaire d’autant que d’après elle, les blessures et lésions type ostéochondrose, fractures de fatigue du tibia et des métatarses semblent actuellement plus fréquentes que de son temps; l’encadrement associe maintenant diététicienne et équipe médicale. A l’opéra, l’arrêt de la danse est fixé à 42 ans mais certaines arrêtent plus tôt vers 35 ans. Les problèmes de reconversion sont difficiles pour beaucoup. Ultérieurement des pathologies de type arthrose peuvent parfois survenir dès 30 ans nécessitant dans quelques cas des prothèses de hanche.
Par Yves LE BOUC, Jean-François DUHAMEL, Gilles CRÉPIN (Rapporteurs) - Membre de l’Académie nationale de médecine.
Source Académie nationale de médecine - Séance du 4 décembre 2018