Il n’est pas certain que le gouvernement, encore moins son ministre de la santé, voient d’un très bon œil l’initiative des députés, plus de deux cents, qui ont signé la proposition de loi N° 742, « d’initiative transpartisane » afin de mettre fin, disent-ils à l’inégalité des soins selon les territoires, les départements et les communes. Les signataires, de toutes tendances, sauf ceux du rassemblement national, ne se sont pas contentés de déposer ce texte sur le bureau de l’Assemblée national. Ils ont lancé une pétition qui a recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures et organisent depuis plusieurs mois des rencontres dans les régions pour sensibiliser l’opinion. Ainsi, une réunion publique organisée à la salle polyvalente de Bains-sur-Oust, en Bretagne par la députée de la quatrième circonscription d’Ille-et-Vilaine, Mathilde Hignet,, et cinq autres parlementaires d’autres étiquettes politiques, pour présenter cette proposition de loi, a rassemblé plusieurs centaines de participants. Pour une ville qui compte qu’un peu plus de trois mille habitants, le succès est évident et qui ne fait que confirmer les scores réalisés dans les seize autres villes et villages de France où de tels débats ont eu lieu et auront lieu.
Pour les députés signataires, une évidence: l’accès aux soins est un droit qui est bafoué aujourd’hui. Et cette proposition est là pour le rétablir. Ainsi dès l’article 1er, on est fixé sur les intentions des signataires. Il prévoit sans ambages de créer, précise l’exposé des motifs, « une autorisation d’installation des médecins et des chirurgiens'dentistes, délivrée par l’ARS. En zone sous'dotée, l’autorisation est délivrée de droit pour toute nouvelle installation. Dans tous les autres cas, c’est'à'dire lorsque l’offre de soins est au moins suffisante, l’autorisation est délivrée uniquement si l’installation fait suite à la cessation d’activité d’un praticien pratiquant la même spécialité sur ce territoire. L’autorisation d’installation intervient après consultation de l’Ordre départemental des médecins. Ainsi, il ne sera plus possible pour un généraliste ou un spécialiste de s’installer dans une ville où l’offre de soins serait considérée comme suffisante. Concrètement un cardiologue dans une une telle région ne pourrait viser sa plaque que si un cardiologue dévissait la sienne. C’est bien la fin de la liberté de l’installation qui est ainsi battue en brèche, qui est attaquée. Il est vrai, explique un député que notre texte crée une autorisation d’installation, « il s’agit, précise- t- il d’un premier pas dans la régulation, mais la liberté d’installation continue de prévaloir, elle est simplement aménagée ». Pas certain en jouant ainsi sur les mots qu’il parvienne à convaincre la profession médicale. Il est vrai qu’avec la loi de répartition, les pharmaciens vivent sous un tel régime. Mais la réalité des deux professions n‘est pas toujours comparable.
Autre point qui risque aussi d’irriter quelque peu la profession :l’obligation, prévue par l’article 2, qui impose aux médecins qui veulent quitter leur lieu d’exercice, (sauf cas de force majeure comme décès ou maladie grave…) de déposer un préavis de six mois. « Cette mesure, précise l’exposé des motifs, doit permettre aux autorités d’anticiper la situation et de disposer du temps nécessaire pour s’organiser afin que l’accès aux soins continue d’être assuré ».
A noter aussi que l’article 12 de ce texte rétablit l’obligation de la permanence des soins. En effet selon les députés signataires, « depuis la suppression de cette obligation, il est observé une dégradation de l’accès aux soins. Le principe du volontariat n’est en effet pas suffisant pour répondre à la demande de soins exprimée par la population sur le territoire ». Ainsi, insistent les parlementaires, « seuls 38,1 % des médecins ont participé à la permanence des soins ambulatoires en 2019, ce chiffre baissant au fil des ans. Ce constat est particulièrement criant dans les déserts médicaux ». Enfin, on pourra se féliciter (ou pas) que les députés proposent de supprimer « la majoration des tarifs à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant » Près de six millions de Français, dont 600 000 atteints d’affection de longue durée, n’ont pas de médecin traitant, justifient ils.
Reste à savoir quelle sera la suite donnée à cette proposition de loi. Selon nos informations, aucune date n’a été fixée par le bureau de l’Assemblée sur une discussion prochaine et la commission des affaires sociales à laquelle elle a été transmise ne semble guère pressée de l’étudier.
Certes, les députés signataires mettent la pression. Sans résultat. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une telle initiative est prise. D’autres textes réunissant des députés de tous bords ont déjà été rédigés et déposés sur le même thème. Sans qu’ils aboutissent au moindre débat.
La liberté d’installation a encore de beaux devant elle. Même si cette fois, des débats régionaux et locaux, une pétition qui rencontrent une indéniable succès peuvent peut être inciter le pouvoir exécutif à être plus attentif. Sans garantie.