L'AFLAR dévoile sept propositions pour lutter contre cette maladie et en faire une priorité de santé publique

Un plan national pour l'ostéoporose

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr - Année 2017 - AFLAR N° 10 - Page 0

A l'occasion de la Journée Mondiale contre l’ostéoporose, l'Association Française de Lutte Anti Rhumatismale (AFLAR) publie un livre blanc sur cette pathologie souvent méconnue des patients comme des professionnels de santé et dévoile 7 propositions pour lutter contre cette maladie et en faire une priorité de santé publique afin que la première fracture soit aussi la dernière.

 

 

L’ostéoporose est une réalité qui concerne plus de 22 millions d'Européennes de plus de 50 ans (22% de la population) et 5,5 millions d’Européens (7% de la population). Conséquence : Une femme sur trois après 50 ans et un homme sur cinq pâtiront d'une fracture ostéoporotique. En France en 2010, 393 000 fractures incidentes ont ainsi été recensées. Des chiffres suffisamment préoccupant, pour que l'Association Française de Lutte Anti Rhumatismale (AFLAR) décide de publier un livre blanc de l'ostéoporose.

Véritable synthèse des états généraux de l'ostéoporose qui ont réuni dans dix villes de France, entre novembre 2016 et juin 2017, des médecins rhumatologues libéraux et hospitaliers, des médecins généralistes, des chirurgiens orthopédistes, des médecins de rééducation, des médecins de centre thermal, des radiologues, des nutritionnistes, des gynécologues, des médecins du travail, des gériatres, des psychologues, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, des pédicures-podologues, des assistantes sociales et des représentants de l’ARS, de la CNAM, de l’ANSM, de la MDPH, des collectivités locales, des économistes, des journalistes et des patients experts, cet ouvrage est organisé en cinq parties:

  • Les enjeux de l’ostéoporose aujourd’hui en France pour le patient et pour le médecin
  • Les enjeux médico-économiques de l’ostéoporose en France
  • Une année consacrée à l’ostéoporose
  • Bilan des Etats Généraux de l’Ostéoporose
  • Et après... ? 

Cinq parties qui résument fidèlement les échanges de ces dix journées organisées autour de cinq thèmes de discussion prioritaires :

  • l’optimisation du parcours de soin en ville et à l’hôpital,
  • la vie quotidienne,
  • le dépistage et le diagnostic de l’ostéoporose (sans fracture et lors de l’occurrence d’une fracture),
  • la prise en charge des soins,
  • la prévention et la réduction des inégalités sociales de santé.

__________________________________________

 
LES ENJEUX DE L’OSTEOPOROSE AUJOURD’HUI
EN FRANCE POUR LE PATIENT ET POUR LE MEDECIN

 

La fracture ostéoporotique, dite par fragilité osseuse, touche 1 femme sur 3 après 50 ans. Ainsi, parmi 100 femmes ménopausées, 40% auront au moins une fracture par fragilité osseuse avant la fin de leur vie (1) et 1 homme sur 5. En France en 2010, le nombre de fractures incidentes chez les femmes et les hommes était de 393 000, dont 90 000 fractures du col du fémur, 56 000 fractures vertébrales, 56 000 fractures du poignet et 191 000 autres fractures (bassin, côtes, humérus, tibia-péroné, clavicule, omoplate, sternum et autres fractures du fémur) : 68% de ces fractures survenaient chez la femme (2). 

L’ostéoporose est une maladie à part entière. Elle ne fait pas partie, comme on l’entend dire trop souvent, des contraintes naturelle s associées au vieillissement physiologique de l’organisme. En cela, elle n’est ni normale ni acceptable. Elle ne saurait non plus être banale, et cela pour une raison simple: l’ostéoporose tue, et bien plus sûrement qu’une allergie à laquelle les répondants de l’enquête menée par l’Aflar cette année n’hésitent pourtant pas à la comparer quand il s’agit de donner une mesure à sa gravité.

Elle ne tue pas de façon anecdotique mais mène à une issue fatale après une fracture du col du fémur (3) dans pas moins de 20% des cas . Il est à noter par ailleurs que 50% environ des sujets victimes d’une fracture de hanche ne retrouvent pas leur autonomie antérieure, ce qui les conduit fréquemment à quitter leur domicile pour vivre en institution, et qu’ainsi, parmi les survivants, 30% des patients sont atteints de dépendance permanente, 40% incapables de marcher sans aide et 80% de réaliser sans aide au moins une activité de la vie courante4. 

Face à cet état des lieux, force est de constater qu’en France, et dans d’autres pays industrialisés, il existe comme un hiatus entre la connaissance que l’on a de la gravité de cette maladie qui appelle, sans équivoque, une réponse forte et engagée de la part des autorités de santé, et la sous- dimension de la prise en charge qui lui est appliquée. Insuffisamment standardisée et codifiée, pas assez ciblée et/ou trop restrictive, mal coordonnée ; trop nombreuses sont ses insuffisances constatées par les professionnels de santé et supportés par les patients. Des insuffisances qui appellent, de toute urgence, un travail de remédiation, à des fins d’amélioration de la santé publique et de réduction des coûts pour notre système de santé. 

En menant la première grande enquête nationale inédite sur l’ostéoporose auprès de patients (ayant connu ou non un épisode de fracture) et de médecins généralistes, l’Aflar s’est donnée pour objectif d’identifier les attentes et les besoins des uns et des autres quant à la prise en charge d’une pathologie qui, bien qu’elles les concernent au premier chef, leur est parfois difficile à appréhender. Venant renforcer et apporter un éclairage complémentaire à l’état des lieux dressé et au travail de réflexion réalisé lors des Etats Généraux de l’Ostéoporose, cette démarche d’agrégation qualitative de données inédites sur la maladie, vise à proposer des solutions concrètes, adaptées aux besoins exprimés et constatés, pour une meilleure efficience de sa prise en charge. 

393 000 fractures incidentes en France en 2010, chez les femmes et les hommes 

 

D’octobre 2016 à juin 2017, 417 patients directement concernés par l’ostéoporose (94% de femmes, 6% d’hommes) ont répondu aux questions qui leur étaient posées sur le site de l’Aflar par la première enquête (4) nationale leur étant destinée. La surreprésentation des femmes dans l’échantillon ne doit pas surprendre ; elle s’explique par la forte prévalence de la maladie dans cette catégorie de population, 4 millions  de femmes étant touchées par l’ostéoporose en France.

Parmi ces répondantes, 70% étaient âgées de 50 à 69 ans au moment de l’enquête, 20% avaient moins de 50 ans et 1/3 exerçaient encore une activité professionnelle. « Preuve, s’il en fallait, que l’ostéoporose n’est pas la « maladie de vieux » que l’on se plait parfois à imaginer pour ne pas s’en soucier », commente Françoise Alliot-Launois, responsable du Pôle Ile-de-France et vice-présidente de l’Aflar. Résultats : des patientes égarées et des professionnels de santé quelque peu désorientés.

1 / Entre déficit d’information et méconnaissance du risque : l’enjeu de la banalisation de l’ostéoporose chez les patients 

Pour Françoise Alliot-Launois, ce qui frappe de prime abord à la lecture des résultats de l’enquête, c’est
justement le nombre inquiétant d’approximations, d’idées fausses, voire de croyances, que l’on retrouve  exprimées par des personnes qui sont pourtant directement concernées par l’ostéoporose : « On pourrait imaginer que le déficit d’information constaté chez les patients qui ont répondu concerne des points très précis, très médicaux ou très techniques, mais il n’en est rien.

Dès la première approche de la maladie, le malentendu est profond : si 56% des répondants associent l’ostéoporose à une maladie grave, 27% estiment que ce n’est pas le cas, quand seuls 17% la reconnaissent pour une maladie qui peut être très grave ». Des chiffres qui doivent d’autant plus interpeler que ces mêmes répondants déclarent à 50% être concernés personnellement par une perte de taille excédant 3 cm. Ce paradoxe en dit long : « La maladie est complètement banalisée. 

Les centimètres perdus sont le fait de fractures vertébrales silencieuses 

 

Trois centimètres perdu c’est tout sauf anodin, mais dans l’esprit des patients, cela n’est pas associé à un problème sérieux. Or quand on sait - et il est à noter que 70% des répondants nous ont indiqué le savoir - que ces centimètres perdus sont le fait de fractures vertébrales silencieuses, on peut prendre la mesure du problème » 

L’un des premiers obstacles à une prise en charge adaptée de l’ostéoporose est donc la mésestimation de sa gravité et cela dans des proportions inattendues, même pour Françoise Alliot-Launois : « Lire que respectivement 44% et 47% des répondants, tous personnellement concernés par l’ostéoporose, estiment que cette maladie est aussi grave qu’un problème d’allergie et d’asthme, laisse imaginer l’état probable des connaissances de la population générale sur le sujet.

On peut d’autant plus s’étonner qu’en vis-à-vis de ces réponses, les patients ne nient pas en avoir peur, 65% déclarant craindre de faire une chute, qu’ils aient déjà été victime d’une fracture ou non. Autre chiffres, autre paradoxe : les répondants sont aussi nombreux à reconnaître à cette maladie, qui ne leur semble pas pourtant si grave que cela, une capacité de nuisance certaine : ainsi sont- ils 54% à déclarer que l’ostéoporose a un impact négatif sur leur moral, 44% sur l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et 25% sur leur vie professionnelle. » 

Le chiffre qui doit peut-être retenir l’attention in fine est sans doute celui-ci : 69% des patientes non fracturées confessent une incertitude quant à l’évolution de la maladie (52% chez les femmes déjà fracturées). Une incertitude qui fait écho à leur méconnaissance de la pathologie et à la relation complexe et paradoxale qu’elles entretiennent avec cette dernière. 

La lecture de ces chiffres met au jour une divergence dans les attitudes, perceptions et attentes des patientes, selon qu’elles ont déjà subi une fracture ou non. Elle permet aussi de saisir toutes la complexité de la relation qu’elles entretiennent avec une maladie dont elles méconnaissent les caractéristiques et sont tentées de nier la gravité, la comparant même à des affections relativement bénignes, mais qu’elles craignent et dont elles reconnaissent d’ailleurs l’impact délétère sur leur qualité de vie. 

Déficit d’information : les patients ont des connaissances fausses sur l’ostéoporose 

 

Professeur Thierry Thomas, président du Collège français des enseignants de rhumatologie (COFER)

« L’ostéoporose est une maladie du tissu osseux et non une évolution physiologique naturelle accompagnant le vieillissement comme trop de gens le croient. Ce premier malentendu impacte l’approche de la maladie par les patients qui se sentent peu concernés et l’abordent avec fatalité, et par les médecins qui ne ressentent pas d’urgence à la dépister ou à la traiter.

Cette mésestimation des risques liés à l’ostéoporose s’explique en partie par le fait qu’elle ne s’exprime par aucun symptôme tant qu’elle ne s’est pas compliquée de la survenue d’une première fracture dite de fragilité, la survenue d’une fracture étant en général considérée comme un événement sans gravité, habituel de la vie. La fracture de fragilité survient à l’occasion d’une simple chute de sa hauteur ou, comme c’est notamment le cas pour les fractures vertébrales, sans chute.

Ce type de fracture devrait entraîner un suivi étroit des patients à travers un parcours de soins particulier et adapté, mais nous n’arrivons actuellement pas à le faire percevoir par la population, et dans un certain nombre de cas, par les professionnels de santé (médecins généralistes, médecins urgentistes et orthopédistes) qui interviennent au cours de leur prise en charge. » 

 

2 / Entre aveu d’impuissance et appel à l’aide pour améliorer leurs pratiques : l’enjeu d’une meilleure information des professionnels de santé

L’enquête nous apprend que 32% des répondants ont été diagnostiqués par leur médecin généraliste, devant le rhumatologue (27%). Au cours des douze derniers mois, c’est aussi le médecin généraliste qu’ils ont le plus souvent consulté (68%), à nouveau devant le rhumatologue (53%). 

S’ils sont, on le voit, en première ligne du dépistage et du suivi de l’ostéoporose, ces professionnels
de santé semblent pourtant bien mal armés pour l’affronter, puisque pour près de 40% d’entre eux, la gravité de la pathologie est à rapprocher de celle d’une allergie (44% chez les patients). Leurs premières difficultés sont donc présentes dès le moment du dépistage, délicat pour 1/3 d’entre eux, 34% exactement (5).

Le moment de la mise en place du traitement ne leur est guère plus confortable: 56% méconnaissant les médicaments anti- ostéoporotiques les plus utiles et 53,7% confessant, de toute façon, se heurter à un problème de motivation chez les patients quand la question du traitement médicamenteux est abordée. Le rapport complexe que les patients, mal informés, entretiennent à la tolérance des anti-ostéoporotiques est au cœur de cette difficulté à traiter. Enfin, pour 58,5% des médecins interrogés, la dépendance des patients provoquée par une première fracture est difficile à accompagner.

Tout à fait conscients d’avoir un rôle important à jouer dans la prise en charge de l’ostéoporose, les médecins généralistes interrogés reconnaissent que leur vision environnementale de la maladie est incomplète. Loin de s’accommoder de cette situation, ils sont ainsi nombreux à vouloir l’améliorer : 64% d’entre eux réclament une meilleure information sur la maladie en général et 84%, sur les différents traitements en particulier. 

53,7% des patients manquent de motivation pour prendre leur traitement 

 

L'éclairage du Professeur Thierry Thomas, président du Collège français des enseignants de rhumatologie (COFER)

« 40% des femmes de 50 ans feront une fracture liée à l’ostéoporose au cours de leur vie*, un quart des fractures dues à une fragilité osseuse surviennent chez des hommes**.
Le meilleur outil pour apprécier le statut osseux reste actuellement la densitométrie osseuse, très spécifique et reproductible, même si elle manque de sensibilité ce qui ne lui permet pas d’identifier tous les malades. Pourtant elle n’est remboursée que de manière très conditionnelle chez la femme à la ménopause, et chez l’homme essentiellement lorsqu’il a fait une première fracture de fragilité.
Cette réalité a un impact certain sur la prescription de cet examen, les médecins généralistes étant en difficulté pour en faire valoir l’utilité à leurs patients et obtenir qu’ils la réalisent ; cela se traduit fréquemment par un renoncement à la prescription. Parce que l’objectif est de pouvoir traiter les personnes les plus à risque, si possible avant la première fracture, il serait important que cet examen puisse être réalisé au moins une fois à partir de 65 ans, âge où la densité minérale osseuse est très susceptible d’avoir diminuée. Il importe également que les médecins généralistes soient mieux informés sur l’environnement de la maladie et au sujet des bonnes pratiques ».

* INSERM « L’ostéoporose : épidémiologie, clinique et approches thérapeutiques » Aurélie Fontana Pierre D. Delmas
** INSERM « Ostéoporose » Pr Francis Berenbaum et le Dr Mickael Rousière. https://www.inserm.fr/thematiques/physiopathologie-metabolisme-nutrition/dossiers-d-information/osteoporose

 

3 / Une perception erronée du rapport bénéfice-risque des traitements : l’enjeu de la baisse drastique de la prise en charge (15% des patients traités aujourd’hui contre 35% dans les années 2000)

Quand on leur demande si les traitements contre l’ostéoporose sont difficiles à vivre, 35% des patientes répondent par l’affirmative sans qu’elles en détaillent les raisons. Faut-il voir exprimée dans ce chiffre la défiance excessive observée depuis quelques années envers les effets secondaires de certains traitements? Doit-on y lire une forme de lassitude face à un traitement qui devra se poursuivre toute la vie ?

Pour Françoise Alliot-Launois, ces chiffres gagnent à être mis en perspective avec d’autres : « Seules 50% des répondantes prennent des médicaments contre l’ostéoporose alors qu’elles devraient être une grande majorité à en prendre. Quelles que soient les raisons qui les motivent, cela revient à dire qu’une patiente sur deux préfère se passer de traitement. Néanmoins, on note qu’à la question « vous arrive-t-il d’oublier de prendre votre traitement contre l’ostéoporose ? », les patientes concernées ont répondu « jamais » à 83%, exprimant ainsi une prise de conscience des risques à ne pas se soigner. On note par ailleurs que ces femmes qui prennent un traitement spécifique pour l’ostéoporose plébiscitent en complément de ce dernier la vitamine D (85%), les laitages consommés en grand nombre (61%) et la supplémentation sous forme de complément alimentaire en calcium (50%) et silicium (30%).

Des traitements complémentaires qu’elles ajoutent à leurs traitements médicamenteux, mais qui font figure, on le sait, d’uniques traitements pour d’autres patientes. Ils sont pourtant insuffisants à les protéger de la fracture de fragilité. Cette attitude de rejet des traitements médicamenteux peut s’expliquer par une méconnaissance de leur utilité : 30% des patientes pensant en effet qu’il est tout bonnement impossible de prévenir l’ostéoporose…».

Professeur Thierry Thomas, président du Collège français des enseignants de rhumatologie (COFER)

« Alors que la prise en charge de l’ostéoporose avait beaucoup progressé grâce à l’arrivée de nouveaux médicaments à visée anti-ostéoporotique au cours des années 90 et 2000, elle s’est dégradée à partir du milieu des années 2000, avec actuellement moins de 15% des patients français ayant eu une fracture de fragilité, et donc tout particulièrement à risque de nouvelle fracture, recevant un traitement à visée ostéoporotique.
On peut s’étonner de ce constat alors que ces traitements permettent de réduire très significativement ce risque de fracture mais aussi la mortalité survenant dans l’année qui suit une fracture de hanche ou du bassin dans 25% des cas. Il y a deux raisons principales à cela : d’abord, la difficulté pour les patients à appréhender le rapport bénéfice-risque des traitements dont le but premier est de réduire le risque d’un nouvel épisode de fracture et dont le bénéfice n’est en conséquence pas directement palpable.
Ensuite, l’effet très néfaste d’événements indésirables rares associés à la prise des traitements anti- résorbeurs dans les années 2000. Il s’agit tout particulièrement du problème des ostéonécroses de la mâchoire, une complication sévère mais très rare, de l’ordre de 1 pour 10 000 à 1 pour 100 000 patients par années.
Il est très important de mettre cela en perspective avec les bénéfices attendus du traitement anti-ostéoporotique qui est, rappelons-le, une réduction de près de 70% du risque de faire une nouvelle fracture vertébrale, et de près de 50% de celui de faire une nouvelle fracture de la hanche. Dans cette évaluation de la balance bénéfices/risques, le rôle du médecin est donc de bien identifier les patients chez qui cette balance sera très positive, en l’occurrence, ceux à haut risque de fracture. C’est là toute la démarche médicale raisonnée suivant les recommandations nationales et internationales.
Une autre idée fausse est de penser que l’on peut remplacer la prescription de médicaments anti-ostéoporotiques par une simple supplémentation en calcium et vitamine D. Cette substitution est une réalité dans la pratique alors que ces deux éléments sont perçus à la fois comme n’étant pas dangereux et comme ayant un impact bénéfique sur le statut osseux. C’est vrai dans une démarche de prévention pour réduire la vitesse de perte osseuse. Toutes les études montrent que c’est très insuffisant chez des malades à risque élevé de fracture, comme de nombreuses études scientifiques l’ont montré ! » 

 

LES ENJEUX MEDICO-ECONOMIQUES DE L’OSTEOPOROSE EN FRANCE 
 

En France, en 2010, le fardeau économique  des fractures de fragilité (incidentes et antérieures) a été estimé à 4,8 milliards €, dont 2,5 pour les seules fractures du col du fémur ; 66% des coûts concernaient les soins de la première année suivant la fracture, 27% les soins à long terme (handicap), et 7% le traitement pharmacologique. Compte tenu des projections démographiques pour 20256, une personne sur trois aura 60 ans ou plus, soit quelque 20 millions de personnes, correspondant aux âges de la génération du baby-boom. Le nombre de fractures incidentes passera ainsi de 376 000 (femmes et hommes en 2010) à 491 000 (2025), entraînant une augmentation des coûts de 26% (7). 

Le Pr Robert Launois, économiste de la santé, Directeur du Réseau d’évaluation en économie de la Santé France, Président sortant de la Société Française d’économie de la santé revient sur cette problématique. L’ostéoporose est sans conteste une maladie qui est extrêmement couteuse pour la collectivité ; Les chiffrages varient suivant les études en fonction des lignes budgétaires qui sont retenues pour procéder à leurs estimations.

Selon l’études de la CNAMTS « Charges et Produits de 2016» qui s’en tient aux dépenses reconnues et remboursées par l'assurance maladies le coût de la prise en charge de l’ostéoporose s’élevait en France en 2013 à 1,1 milliard d’euros dont 770 millions étaient dues à des hospitalisations dans des services de médecine chirurgie obstétrique et 340 millions suite à l’accueil dans des soins de suite et de réadaptation ; Lorsque le périmètre des postes budgétaires à prendre en compte est élargi pour intégrer les placements en établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD) et la valorisation monétaire des pertes de qualité de vie qui sont associées aux fractures, le coût de l’ostéoporose en France s’élève alors selon Svedbom à 4,8 milliards d’euros. 

L’ostéoporose est une maladie sous diagnostiquée. Avant leur hospitalisation pour fracture, seuls 3% des patients s’étaient vus prescrire une ostéodensitométrie osseuse et seulement 12% d’entre eux avaient bénéficié d’un traitement pour ostéoporose. Sous- diagnostiquée, l’ostéoporose est aussi sous-traitée. Après une hospitalisation pour fracture, 51% des patients ne revoient aucun médecin dans le mois qui suit et seuls 15% des patients font l’objet d’un traitement pour l’ostéoporose. Conséquences: la ré-hospitalisation pour rechute de 29% d’entre eux.

La cascade fracturaire entraîne non seulement des coûts non négligeables pour notre système de santé, mais elle est surtout dangereuse et douloureuse pour le patient. Face à cette réalité et après la publication de recommandations par la HAS en 2007, la CNAMTS a pris des mesures pour faciliter l’accès à l’ostéodensitométrie osseuse des populations à risque.

En dépit de ces efforts le nombre d’ostéodensitométries prescrites chaque année continue de baisser. La raison en est simple, une prise en charge efficace de l’ostéoporose exige une intégration de la prévention et du soin au sein de filières fractures dédiés et de réseaux de soins coordonnés. Le jeu en vaut la chandelle ! La CNAMTS sait que c’est la clé d’une prise en charge au final beaucoup plus efficiente de l’ostéoporose, compte-tenu des coûts directs et indirects qu’elle entraîne. Il faut dès maintenant réfléchir à la mise en place d’un plan de santé publique pour la prévention de l’ostéoporose. 

 
UNE ANNEE CONSACREE A L’OSTEOPOROSE 
 

La prise en charge de l’ostéoporose en France a plus que jamais besoin d’être améliorée et c’est à cet effet qu’ont été mis sur pied les Etats Généraux de l’Ostéoporose. Pour dresser un état des lieux des besoins et bâtir des stratégies d’action viables et opérationnelles, Dix journées d’échange et de débats dans dix villes de France se sont ainsi tenues de novembre 2016 à juin 2017.

Réunissant 30 à 40 participants directement impliqués dans la prise en charge de l’ostéoporose parmi lesquels des médecins rhumatologues libéraux et hospitaliers, médecins généralistes, chirurgiens orthopédistes, médecins de rééducation, médecins de centre thermal, radiologues, nutritionnistes, gynécologues, médecins du travail, gériatres, psychologues, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, pédicures-podologues, assistantes sociales mais aussi des représentants de l’ARS, de la CNAM, de l’ANSM, de la MDPH, des collectivités locales, des économistes, des journalistes et des patients experts, chaque journée a proposé de bâtir une réflexion autour de cinq thèmes de discussion prioritaires : l’optimisation du parcours de soin en ville et à l’hôpital, la vie quotidienne, le dépistage et le diagnostic de l’ostéoporose (sans fracture et lors de l’occurrence d’une fracture), la prise en charge des soins, la prévention et la réduction des inégalités sociales de santé. À l’issue des séances plénières, tables rondes et débats, une conférence venait proposer au grand public un retour d’expérience. 

BILAN DES ETATS GENERAUX DE L’OSTEOPOROSE 

Les propositions recueillies lors des dix tables rondes régionales des Etats Généraux de l’Ostéoporose ont été compilées et validées lors d’une réunion du comité de pilotage des Etats Généraux qui s’est tenue à Paris le 6 juillet 2017. Une grande thématique s’est dégagée de l’ensemble des propositions : faire reconnaître les fractures de l'ostéoporose comme d'un véritable fléau de santé publique avec la nécessité d’une mobilisation générale (via un plan de santé national) pour faire en sorte qu’une première fracture soit la dernière.

Sept priorités-clés ont été identifiées, et le Docteur Laurent Grange médecin rhumatologue au CHU de Grenoble Alpes et Président de l’AFLAR revient sur le constat qui a présidé à leur mise au jour : « Les chiffres de la prise en charge de l’ostéoporose sont catastrophiques : entre 2010 et 2014, le nombre de patients traités est passé de 1 100 000 à 800 000 en 4 ans soit une diminution de 380 000 patients traités (8).

Si l’on ne réagit pas, seule une minorité de patients sera traité et l’on devra affronter dans les années à venir un tsunami de fractures qui vont entrainer un surcoût majeur pour l’assurance maladie. Ce déficit de prise en charge s’explique, on l’a vu, par un désinvestissement des patients, induit notamment, par un déni général de la réalité de cette maladie, associé à la diffusion d’informations erronées sur la dangerosité des traitements.

Une méfiance qui a aussi gagné nombre de professionnels de santé qui se heurtent par ailleurs à la difficulté de fournir aux patients concernés une information complète sur la maladie, les traitements et leurs possibles effets secondaires. Si l’on ajoute à cela des recommandations complexes et une réglementation relative au remboursement de l’examen de la densité minérale osseuse qui l’est tout autant, on comprend pourquoi l’on constate chaque année une baisse de 6% de cet examen pourtant capital pour une bonne prise en charge.

Aujourd’hui, 85% des patients ne sont pas pris en charge après une fracture, un chiffre qui révèle un profond dysfonctionnement de la chaine de soins qu’il nous faut donc repenser. Le travail réalisé dans le cadre des Etats Généraux de l’Ostéoporose a permis de dégager des axes et modalités d’action prioritaires : il nous faut favoriser le dépistage pour enrayer la baisse de prise en charge constatée ces dernières années.

Il est aussi nécessaire de mobiliser, d’alerter, en lançant un plan national de lutte contre la fracture de l’ostéoporose afin de faire prendre conscience de sa gravité. Nous devons stimuler tous les acteurs de la prise en charge autour de recommandations clarifiées et par-dessus tout, il est impératif d’amplifier et sanctuariser les filières de soins. Nous avons mis au jour sept propositions susceptibles de nous aider à relever ces défis ». 

ET APRES... ? 

Pour que le travail réalisé et que les priorités mises au jour pour améliorer sa prise en charge en France ne demeurent pas lettres mortes, un livre blanc a été rédigé qui se trouvera bientôt sur le bureau de chaque parlementaire et sénateur, comme l’explique le Docteur Laurent Grange : « Ce travail de synthèse est un outil pratique qui doit nous servir de base de travail avec les autorités de santé, la CNAM, les assureurs et les décideurs politiques. Il permet de saisir rapidement les enjeux de la prise en charge de l’ostéoporose dans notre pays et de prendre connaissance des moyens pratiques de l’améliorer.

Le contexte nous est favorable : la Ministre de la Santé a décidé de mettre l’accent sur l’axe  préventif et une grande partie de notre travail traite précisément de ce sujet. Nous allons aussi diffuser ce document auprès des sociétés savantes telles que la Société Française de Rhumatologie et la Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatique (SOFCOT), et lors des différents congrès et réunions des acteurs de la prise en charge que sont, par exemple et de manière non exhaustive, les ergothérapeutes, kinésithérapeutes et podologues. Enfin, nous allons aussi faire rayonner les apports de ce travail au niveau international grâce à l’International Osteoporosis Foundation (IOF).»

 

Téléchargez le Livre Blanc

1 INSERM « L’ostéoporose : épidémiologie, clinique et approches thérapeutiques » Aurélie Fontana Pierre D. Delmas
2 extrapolation validée à partir des résultats de Svedbom A et al. Osteoporosis in the European Union : a compendium of country-specific reports. Arch Osteoporos 2013;8:137 (p. 67/218). Disponible sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/ PMC3880492/) ou sur le site de l’AFALR http:// www.aflar.org/les- fractures-osteoporotiques

3 Cooper. Am J Med. 1997; 103(2A):12s-19s 

4 Enquête en ligne réalisée par l’AFLAR auprès de 417 personnes de octobre 2016 à juin 2017 

5 Enquête AFLAR réalisée auprès de 100 médecins généralistes de octobre 2016 à juin 2017 

6 Curran D et al. Epidémiologie des fractures liées à l’ostéoporose en France. Rev Rhum 2010;77:579- 85. Disponible sur https://www.researchgate.net/ publication/245786671_Epidemiologie_des_frac- tures_liees_a_l’osteoporose_en_France_revue_ de_la_litterature

7 Svedbom A et al. Osteoporosis in the European Union : a compendium of country-specific reports. Arch Osteoporos 2013;8:137 (p. 67/218). Disponible sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/ PMC3880492/) ou sur le site de l’AFALR http:// www.aflar.org/les- fractures-osteoporotiques 

8 Données Gers CM12 à fin août 2014

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