Pollution atmosphérique, la guerre des seuils

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2022 - Votre pharmacien vous conseille N° 169 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

Elle menace tout l’organisme. Mais les intérêts politiques et économiques jouent sur les seuils à respecter pour divers polluants, à commencer par les particules fines. Petit aperçu d’un débat à fleuret moucheté.

 

La pandémie Covid a eu un effet utile : mesurer le poids de la pollution atmosphérique liée aux activités humaines lors du confinement strict du printemps 2020. Santé publique France a en publié les bénéfices, mettant face à face les intérêts économiques et sanitaires.1 Ils sont estimés à 2 300 décès évités par diminution de l’exposition aux particules (outre la pollution de fond), et environ 1 200 décès évités par diminution de l’exposition au dioxyde d’azote (NO2) liée principalement au trafic routier. Ces bénéfices reposent majoritairement sur des effets à long terme (moins de pathologies mortelles), et dans une moindre mesure à des effets à court terme (moins de décompensation de pathologies préexistantes). Donc, conclut l’agence, « une action volontariste sur la réduction des émissions de polluants dans l’air se traduit par une diminution sensible de l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé, et la mortalité en particulier. »

 

Les particules fines dans le collimateur

Santé publique France a réévalué en 2019 le fardeau de la pollution atmosphérique : près de 40 000 décès annuels seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines appelées PM2,5, ; ce sont des particules dont le diamètre est de 2.5 micron). Ainsi la pollution de l’air ambiant représente en moyenne pour les personnes âgées de 30 ans et plus une perte d’espérance de vie de presque 8 mois pour les PM2,5.1 L’agence suggère d’en tirer les enseignements en terme de télétravail, chauffage au bois, transports, rénovation énergétique, pratiques agricoles, etc. puisque des changements « sont vraisemblablement appelés à se pérenniser au sein de la société française », la pandémie Covid n’étant pas près de s’éteindre (voir Questions sur les variants Covid).

 

Une affaire de calibre

Les particules fines sont nommées selon leur calibre. Les PM10 sont de « grosses » particules de 10 microns de diamètre (taille d’une cellule), les PM2,5 ont un diamètre de 2,5 microns, soit la taille d’une bactérie. Il y en a de plus fines à 1 micron. Les ultrafines sont inférieures au micron, les PM0,1 par exemple ont la taille d’un virus. On comprend aisément qu’elles pénètrent facilement dans tous les organes, y compris le cerveau réputé bien protégé, en y faisant d’insidieux dégâts à long terme.

Elles se composent d’un agglomérat chimique produit par’une combustion en présence de gaz atmosphériques : feux de forêts, chauffage au bois, moteur automobile ou d’avion. Les chantiers et l’agriculture sont plutôt producteurs de grosses particules ; l’industrie utilisant des combustions produit des PM 10 et 2,5. Le trafic routier, le chauffage et le secteur tertiaire produisent des particules plus fines (PM2,5 et moins). Leur finesse les rend très déplaçables par le vent et les turbulences climatiques. Le sable saharien peut par exemple remonter jusqu’en France, sauf que c’est une pollution atmosphérique dont l’Homme n’est pas directement responsable. Il l’est de manière indirecte par le réchauffement climatique et les phénomènes extrêmes qu’il provoque.

 

Seuils, normes et valeurs guides

Pour chaque calibre existent des normes, des valeurs guides ou des valeurs cibles à respecter, qui ne sont généralement pas contraignantes sauf en milieu professionnel, où la réglementation est plus sévère. Ces seuils se déclinent en catégories décrivant assez bien les contorsions de la politique sur le terrain.2

Une valeur limite est un niveau à ne pas dépasser dans un temps donné, basée sur la preuve scientifique de ses effets nocifs sur la santé et l’environnement. C’est du sérieux incontestable.

Une valeur cible est une valeur limite à respecter dans la mesure du possible, ce qui est beaucoup moins contraignant.

Un objectif de qualité s’atteint lentement pour être maintenu à long terme sauf si ce n’est pas réalisable par des mesures proportionnées, bonne matière à débat.

Un niveau critique est scientifiquement fixé : au-delà, des effets nocifs se produisent sur les écosystèmes et les espèces autres que l’espèce humaine. Ce niveau a donc moins de chance de remuer les foules et les gouvernements.

Un seuil d’information et de recommandation correspond à une exposition polluante qui, même de courte durée, est risquée pour la santé de personnes fragiles dans la population, donc imposant une information immédiate de ces personnes, assortie de recommandations pour réduire l’émission polluante.

Un seuil d’alerte est un niveau de pollution qui, même de courte durée, est risquée pour la santé de toute la population et de l’environnement. Il justifie des mesures d’urgence, qui sont en fait assez rares : accident nucléaire, explosion d’usine chimique, marée noire… La Covid a plus bouleversé la vie quotidienne française que l’accident nucléaire de Tchernobyl.

 

Des règlements lents à naître

Comme toute matière polluante qui menace les activités économiques, agro-industrielles ou financières, les preuves scientifiques de sa nocivité sont débattues jusqu’à la limite du déni possible. Car pour évaluer la toxicité d’une substance, il faut l’isoler des autres risques qui concourent à une mauvaise atmosphère. Cette démonstration étant difficile à obtenir en vie réelle, les mesures protectrices sont généralement prises quand les dégâts sont, tout ou en partie, irréparables.

Les règlements sur la qualité de l’air imbriquent l’Union européenne et ses obligations aux États membres, les décisions nationales, enfin les choix locaux d’une région. En l’état actuel, les directives européennes (Directive 2008/50/CE et Directive 2004/107/CE) sont transposées dans la réglementation française, parfois avec des critères plus restrictifs que ceux imposés par la Commission européenne. Les critères nationaux de qualité de l'air sont définis dans le Code de l'environnement (articles R221-1 à R221-3 disponibles sur le site Légifrance), dans le décret du 21 octobre 2010 et dans l'arrêté du 16 avril 2021 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l’air ambiant.2

 

Conseils et lignes directrices

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a actualisé en 2021 ses lignes directrices sur la qualité de l’air qui dataient de 2005. « L‘objectif général de ces lignes directrices mondiales actualisées est d‘offrir des recommandations sanitaires quantitatives sur la gestion de la qualité de l‘air, exprimées en concentrations à long ou court terme d‘un certain nombre de polluants atmosphériques majeurs. Le dépassement des niveaux recommandés dans les lignes directrices sur la qualité de l‘air est associé à des risques importants pour la santé publique. Ces lignes directrices ne contiennent pas de normes juridiquement contraignantes ; mais elles constituent un outil fondé sur des données scientifiques que les États membres peuvent utiliser pour inspirer leur législation et leur politique. En fin de compte, le but de ces lignes directrices est d‘offrir des conseils pour aider à réduire les niveaux des polluants atmosphériques et la charge de morbidité très élevée qui résulte de l‘exposition à la pollution atmosphérique dans le monde. »3 On ne peut être plus clair quant aux responsabilités renvoyées à chacun…



Références

1- Impact de la pollution de l’air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine. Santé publique France, avril 2021

2- Airparif www.airparif.asso.fr

3- Lignes directrices OMS relatives à la qualité de l’air. Particules (PM2,5 et PM10), ozone, dioxyde d’azote, dioxyde de soufre et monoxyde de carbone. 2021.

Les entretiens de Théragora
Les robots s'imposent dans le bloc opératoire
Les robots assistants chirurgiens sont désormais très présents dans les salles d'opération des hôpitaux. Associés à l'intelligences artificielle et à la réalité virtuelle, ils ouvrent la voie à la chirurgie cognitive de quatrième génération.
Archives vidéos Carnet Le Kiosque Théragora Mots de la semaine Derniers articles en ligne
Contactez-nous

Théragora est le premier site d'information sur la santé au sens large, qui donne la parole à tout ceux qui sont concernés par l'environnement, la prévention, le soin et l'accompagnement des personnes âgées et autres patients chroniques.

contact@theragora.fr

www.theragora.fr

Suivez-nous et abonnez-vous sur nos 5 pages Facebook

Facebook Théragora
Facebook Théragora Prévenir
Facebook Théragora Soigner
Facebook Théragora Acteurs de ma santé
Facebook Théragora Soutenir

Linkedin Théragora