Le CNOGF tire la sonnette d'alarme lors d'une conférence menée à Paris le 15 juin dernier

Protection des enfants et ado contre la pornographie

- Théragora le 19 Juin 2018 MELFL N° 09 - Page 0 - crédits iconographique Courbet/Musée d'Orsay Frantz Lecarpentier Collection particulière

Et la mère fermant le livre du devoir
S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences L’âme de son enfant livrée aux répugnances.
(Arthur Rimbaud, les poètes de sept ans)

 

 

« Parents ne fermez plus les yeux » exhortait le Parisien en une le 8 juin 2018 révélant une étude d’Ipsos particulièrement alarmiste qui révèle que nos ados sont de plus en plus consommateurs de pornographie.

 


© Frantz Lecarpentier 2001

 

SI cette étude montre que 46 % des jeunes garçons ont déjà visionné des films ou des photographies à caractère pornographique, les spécialistes comme le Docteur Serge Hefez, psychiatre responsable de l’Unité de thérapie familiale à l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, estiment que « la plupart des adolescents ont vu des images pornographiques avant l’âge de 14 ans ». Et, contrairement aux idées reçues, le visionnage d’images pornographiques n’est pas toujours voulu. Selon un sondage IFOP auprès d’adolescents âgés de 15 à 17 ans de mars 2017, plus de 50 % des garçons et des filles interrogés étaient déjà tombés dessus sans l’avoir cherché.

L’étude Ipsos indique également que 8 % des 14-15 ans regardent du porno plusieurs fois par jour, parmi lesquels 5 % de filles.
Voilà une information qui peut rendre beaucoup de parents incrédules. Comment imaginer que son enfant, même s’il voit bien que l’ordinateur, le smartphone, tous les objets connectés ont supplanté les jouets de naguère, puisse s’adonner à des activités répréhensibles ?

Certains en sont conscients et mettent des garde-fous avec des logiciels de contrôle parental, d’autres se bercent d’illusions ou minimisent l’influence des images pornographiques se souvenant qu’eux aussi se sont initiés en cachette de leurs parents en utilisant même quelquefois du « matériel » qui appartenait à leurs propres parents. Quoi qu’il en soit la difficulté de contrôle pour les parents conjuguée parfois à un défaut de vigilance fait, depuis des années, réagir les spécialistes de l’éducation pour mettre en garde contre la consommation de la pornographie trop facile d’accès pour les enfants sur Internet.

 

En mai 2011, Jeannette Bougrab, alors secrétaire d’État chargée de la Jeunesse et de la Vie associative, s’inquiète des résultats d’enquêtes épidémiologiques montrant que sur les 227 000 interruptions volontaires de grossesse enregistrées en 2007, la moitié de ces IVG ont concerné des jeunes filles âgées de moins de 25 ans et pour 14 000 d’entre elles des jeunes filles de moins de 17 ans.

Elle confie au Professeur Israël Nisand une mission d’étude « destinée à m’éclairer sur les modalités d’une action visant à améliorer cette situation ».
Dans le rapport1 repris dans l’ouvrage « Et si on parlait de sexe à nos enfants » aux éditions Odile Jacob et remis fin 2011 les auteurs, le Pr Israël Nisand2, le Dr Brigitte Letombe3 et Sophie Marinopolos4 sont allés au-delà d’un simple rapport sur les grossesses précoces en analysant de manière transversale, médicale, sociale, psychanalytique, éducative, la sexualité des adolescents.

 

Les conclusions de ce rapport sont sans appel :

  • -  Les adolescents consomment de plus en plus de la pornographie

  • -  La pornographie sexualise les enfants et chosifie les femmes

  • -  La pornographie offre des images plus crues, une violence croissante

  • -  La pornographie déshumanise la sexualité

    Le rapport stigmatise les conséquences délétères que cette « éducation » par la pornographie peut avoir sur des êtres en cours de construction de leur image de soi.

    Le rapport s’inquiète de l’absence de législation sur l’accès aux contenus inappropriés pour les enfants, alors que, selon Israël Nisand, « les fournisseurs d’accès devraient avoir l’obligation d’empêcher les mineurs de consulter les sites pornographiques en imposant des codes fournis à partir de la présentation de la preuve de la majorité ou en imposant une carte bancaire systématique ; et pour ceux qui ne respecteraient pas cette obligation, il faut les attaquer au porte-monnaie en leur infligeant des pénalités qui ne soient pas symboliques : 10 millions d’euros à la première incartade, 50 en cas de récidive ».

  • Les auteurs regrettent aussi les difficultés rencontrées par les chefs d’établissement pour mettre en application la loi du 4 juillet 2001 et la circulaire du 17 février 20035 qui rend obligatoire l’éducation à la sexualité « dans les écoles, les collèges et les lycées à raison de 3 séances par an et par groupe d’âge homogène ».

    Le 25 novembre 2017, le Président de la République Emmanuel Macron a tweeté :
     « La pornographie a franchi la porte des établissements scolaires. Nous ne pouvons ignorer ce genre qui fait de la femme un objet d'humiliation ».
    Israël Nisand se félicite de cette prise de conscience au sommet de l’État, car « que ce soit en matière de protection des mineurs, de l’application des programmes d’éducation, ce qui a manqué jusqu’à présent c’est le courage politique ».

    Depuis plusieurs années, des gynécologues inquiets de devoir faire face à de plus en plus de jeunes mineures venues en consultation pour des déchirures vaginales, des grossesses précoces, des hymens à reconstruire, ont pris des initiatives locales qui ont fait leurs preuves comme par exemple en Alsace et dans les Yvelines en accueillant les adolescents et en intervenant dans les établissements scolaires.

    Plus récemment, à l’initiative et avec le soutien du Fonds pour la santé des femmes (FSF) pour le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le programme « Des gynécologues à la rencontre des adolescents »  imaginé par les Docteurs Yahn Rouquet co-fondateur de FSF et Isabelle Asselin déjà très impliquée dans cette dynamique en Normandie, inclut les interventions en milieu scolaire et la formation des intervenants (étudiants en médecine, infirmiers scolaires, enseignants...) en Basse-Normandie, en Seine Saint-Denis et dans le Val de Marne, en collaboration avec les Académies. A ce jour, plus de 70 interventions ont été menées avec plus de 50 intervenants dont le Docteur Ghada Hatem pour la Seine Saint-Denis.

Même s’il est encore trop tôt pour évaluer les effets à long terme de ces opérations pilotes, les premiers résultats sont suffisamment encourageants pour les étendre à d’autres territoires comme le prévoit le projet initial de FSF.

 

La pornographie

 

« A sept ans...
... Il s’aidait
de journaux illustrés où rouge il voyait des espagnoles rire et des italiennes ». (Arthur Rimbaud, les poètes de sept ans)

 

C’était au XIXème siècle... en apprenant les techniques dont usaient les adolescents d’autrefois ceux d’aujourd’hui peuvent-ils envier cette capacité à obtenir une excitation sur une image qui suggère ou se considèrent-ils comme privilégiés d’avoir accès à des images animées ne cachant rien de l’anatomie des acteurs et détaillant les actions en gros plans ?

 

Une brève histoire de la pornographie

L’histoire des représentations sexuelles se confond avec celle de l’humanité. Sur les parois des grottes, les murs des maisons bourgeoises de l’antiquité, sur les vases, en Chine, en Perse, en Inde, chez les grecs et les romains, les artistes dessinaient, peignaient, sculptaient des corps figés dans des positions qui ne définissaient pas à proprement parler la sexualité, mais donnaient plutôt à voir des corps.

En Grèce d’ailleurs, le mot pornographe est utilisé par le rhéteur et grammairien Athénée (Athenaeus)6 au IIème siècle après Jésus-Christ pour désigner les artistes qui excellent pour représenter les choses de l’amour. Plus précisément, Les « pornographes » sont ceux qui écrivent (graphein) sur les (à propos des) prostituées (pornai).

Réservées à l’aristocratie, même si certaines poteries étaient produites en grande quantité, ces représentations montraient l’intimité de couples dans les chambres et elles étaient parfois si caricaturales qu’on peut penser qu’elles n’étaient principalement utilisées que dans les soirées exclusivement masculines où l’on commençait par s’enivrer avant de «consommer» des femmes.

Mais la sexualité pouvait aussi s’exposer sur les façades des temples pour montrer que c’était un acte sacré pouvant mener à la transe spirituelle.
En Occident, à partir de la fin du Moyen Âge cette notion de sacré a été battue en brèche par les religieux qui s’immiscent progressivement dans ce qu’il y a de plus intime chez l’individu en considérant l’acte sexuel comme un acte amoral qui doit être condamné et le rapport à la chair doit être réglementé, l’acte sexuel ne devant être pratiqué que dans un but de procréation.

Mais comme l’interdit excite encore plus l’imagination, les images, les récits pornographiques se sont toujours largement diffusés et quand ils ne l’étaient pas « sous le manteau » leurs auteurs prenaient parfois le risque d’être embastillés.

L'Origine du Monde de Courbet qui fut très longtemps caché dans des collections particulières prestigieuses, fait aujourd'hui presque figure d'image pieuse. Le tableau est régulièrement censuré par Facebook qui ne distingue par le chef d'œuvre de la pornographie.

 

 

Il faut se souvenir que la peur du scandale était telle pour les artistes ou ceux qui possédaient les œuvres que le tableau de Courbet (1819-1877) « L’Origine du monde » peint en 1866 n’a été dévoilé au public qu’en 1991.
Au cours du XXème siècle c’est surtout la littérature qui s’emparera de la pornographie avant que le cinéma profite de la libération sexuelle des années 60 et de l’autorisation des salles pour en faire du sexe un produit lucratif. Mais ces films restaient interdits aux mineurs avec l’invention du classement X.
Tout a commencé à changer dans les années 70 avec l’apparition des vidéocassettes qui ont fait rentrer la pornographie dans les foyers avant qu’Internet, dans les années 90 ne bouleverse toutes les habitudes de consommation en permettant à la pornographie une diffusion extraordinairement large avec des productions pléthoriques et variées.
Quand on analyse l’histoire de la pornographie, il faut se rendre à l’évidence qu’elle apparaît davantage comme un outil au service de la recherche du plaisir pour les hommes et que la plupart des représentations révèlent la domination des hommes sur les femmes.

Aujourd'hui quand on parle de pornographie, c'est plutôt pour désigner une activité particulièrement lucrative qui s'adapte aux goûts de chacun .e . et à leurs fantasmes. Elle est devenue un produit de consommation courante et les récentes études montrent que 62 % des hommes et un assez grand nombre de femmes s'y adonnent.

Cette grande disponibilité des images pornographiques, mais surtout les stéréotypes qu’elles véhiculent mettent en danger les adolescents qui s’initient à la sexualité avec des idées fausses : taille du pénis hors norme pour les acteurs ,épilation systématique de la région génitale pour les actrices , mais aussi les corps parfaits , fesses sans cellulite , gros seins , ongles longs , voilà les critères de sélection et des attributs qui ne se rencontrent pas chez tout un chacun et qui dévalorisent l’image de celui qui consomme ces vidéos.

Quant aux scénarios, ils sont sans surprise, ou plutôt n'existent pas. On va très vite dans le vif du sujet, les femmes se dénudent très rapidement, les hommes sont tout le temps en érection et ils sont capables d'éjaculer à trois mètres un pot à yaourt de sperme. L'ordre des actions est invariable : caresses manuelles (ou plutôt simulation) pénétrations (doubles quelquefois).

Les films pornographiques ne donnent à voir que des fantasmes réalisés par des acteur.ice.s qui sont payé.e.s, souvent très cher en raison de leurs qualités physiques auxquelles très peu d'entre nous peuvent s'identifier pour s'exhiber dans des positions acrobatiques et varier les positions sans préliminaire de façon mécanique. Les pénétrations s'enchainent et les images montrent la satisfaction des protagonistes.

Comment à 11 ans peut-on discerner le vrai du faux ? Comment comprendre que dans la vraie vie les relations sexuelles nécessitent respect, connaissance de l'autre, dialogue, caresses...tout un rituel presque sacré fait de sensations agréables, de sentiments , de complicité partagée par des partenaires consentants .

 

Comment faire admettre à un garçon, à une fille, que la vie normale n'est pas du tout ainsi ? Comment expliquer qu'on n’a pas besoin d'avoir un sexe hors norme, que l'homme n'est pas constamment en érection et que la femme n'est pas soumise et ne retire pas du plaisir de la soumission ?

" Je ne suis pas opposé à la pornographie, après tout chaque adulte est libre de ses pratiques sexuelles et beaucoup ont besoin de s'exciter sur des images pendant les préliminaires ou pour des plaisirs plus solitaires qui ne font de mal à personne. Mais ce que je réprouve, que je condamne c'est le fait que ces images soient libres d'accès et que donc les plus fragiles d'entre nous, nos enfants, peuvent y avoir accès avec une facilité déconcertante ", s’indigne Israël Nisand.

Tous les parents ne peuvent qu'apporter leur soutien, mais ils se sentent démunis, pour ceux qui en ont conscience ; que peuvent-ils faire face à cette déferlante ? Les jeunes sont confrontés à des images pornographiques qu'ils le veuillent ou non, sans pouvoir en parler à qui que ce soit.

Le véritable danger pour la construction de son image et pour l'égalité des relations entre filles et garçons, que l'on soit fille ou garçon, c'est d'imaginer que la sexualité se résume à ces actions brutales , précipitées où la femme est (presque ) toujours dans une posture de soumission.

C’est pourquoi pour Israël Nisand, il importe aujourd'hui « d'informer les enfants dans les écoles pour leur expliquer que, comme la drogue, la pornographie fait du mal. Ces images d'une extrême violence, ne correspondent pas à la réalité et les insécurisent. Les jeunes n'ont pas la maturité nécessaire pour se défendre.

En outre, la pornographie donne cette fausse idée que la performance sexuelle se mesure. Les femmes y sont considérées comme des objets. Les garçons n'ont aucune notion de ce qu'est le consentement; il m'est arrivé qu'un jeune me demande : mais si cette femme ne veut pas, est-ce qu'on peut la tenir? J'entends des récits de fellations collectives dans les toilettes. L'image de la femme est gravement dégradée".1

Cette grande disponibilité des images pornographiques n'est pas étrangère à l'augmentation des viols par mineurs sur mineurs, celle des IVG chez les jeunes filles et celle des infections sexuellement transmissibles.

 

Internet et la pornographie

Un énorme marché mondial

Le marché de la pornographie est immense. Selon des chiffres de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, il représenterait un chiffre d’affaires mondial annuel de 57 Mds de dollars en 2013 et sur Internet le chiffre d’affaires selon la même source serait de 6 Mds de dollars.

 

Mais ces chiffres ne prennent pas en compte l’importance de l’économie souterraine dans ce secteur qui est florissante.
Sur Internet, les images pornographiques entraînent un flux considérable et donc de la monétisation. On estime que 70 millions de requêtes par jour concernent la pornographie et selon l’estimation du site extremtech.com spécialisé dans les technologies numériques, « il n’est probablement pas irréaliste de considérer que le porno représente 30 % du total des données transférées via l’Internet. »

The inquisitr, autre site d’information américain a évalué qu’en l’espace de six ans l’équivalent de 1,2 millions d’années de vidéos porno ont été visionnées sur les deux plus gros sites spécialisés avec plus de 93 milliards de pages vues.
Mais il faut bien préciser qu’aucune réelle étude n’a jamais confirmé ces données, ce qui constitue un frein.

 

Tous connectés

Les résultats de l’enquête de juin 2017 réalisée par le CRÉDOC, « Baromètre du
numérique »7, indiquent que le taux d’équipement en smartphone d’une population de 12 ans et plus en France est de 73 % alors que 94 % possèdent un téléphone mobile et 81 % un ordinateur.
Mais avons-nous encore besoin de ces études quand une simple observation de notre entourage nous montre à chaque instant l’omniprésence du numérique et des objets connectés dans notre vie. Ce sont devenus de véritables appendices de notre cerveau qui certes nous facilitent le quotidien, mais ont aussi des effets pervers qui étaient bien prévus par les experts, mais qu’aucun politique n’a eu le courage ou la volonté de contrôler.

 

Garçons et filles : ils sont de plus en plus nombreux à consommer de la pornographie

 

Si les parents vérifient l’historique le soir sur l’ordinateur familial, ils ne trouveront rien. Car les ados utilisent préférentiellement leur smartphone et se gardent bien de surfer sur l’ordinateur familial pour effectuer des recherches intimes.


L’IFOP a réalisé en 2017 une enquête8 menée auprès d’un échantillon représentatif de 1 005 personnes, représentatif de la population âgée de 15 à 17 ans résidant en France métropolitaine. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 27 février 2017.

Des résultats de cette étude, il ressort que 63 % des garçons et 37 % des filles avaient surfé sur un site pour y voir des films ou des images pornographiques. Par rapport à une précédente enquête datant de 2013, l’augmentation du nombre d’adolescents consommateurs de pornos était en nette augmentation : Ils étaient respectivement 53 % et 18 %.

L’étude précise que les adolescents, garçons et filles, utilisent principalement un smartphone et un ordinateur portable.
Quant à l’âge moyen de leur première fois sur Internet, il était de 15,1 ans pour les filles et 14,7 ans pour les garçons en 2013 et il est passé à 14,4 ans pour les filles et 14,3 ans pour les garçons en 2017.
48 % des garçons pensent que les films ou vidéos pornographiques qu’ils ont vus ont participé à l’apprentissage de leur sexualité : 10 % beaucoup, 38 % un peu.
Les filles sont 37 % à penser la même chose (3 % beaucoup, 34 % un peu)

 

Surfer sur Internet

La loi de protection des mineurs est totalement inefficace pour empêcher les ados de fréquenter les sites pornographiques qui sont facilement accessibles en cochant une case pour affirmer que l’on est majeur.
Pour tomber sur une image porno, il n’est d’ailleurs pas nécessaire de le vouloir : alors qu’on est sur un autre site, une fenêtre arrive sur l’écran sans prévenir montrant des scènes crues et parfois violentes.

Et puis de nombreuses techniques sont utilisées pour attirer les jeunes :
Le porn squatting : consiste à utiliser des noms connus des enfants (jeux, émissions de télévision...) ou plus simplement des mots comme « chatte » et chienne », qui entraînent l’utilisateur sur des dizaines de sites pornographiques.

L’étude de Marzano et de Rozier9 indiquait déjà en 2005, que 58 % des garçons et 42 % des filles estiment que leur sexualité est influencée par la pornographie. Et, toujours d’après l’enquête de Richard Poulin, la pornographie inspire la vie sexuelle de 58,6 % étudiant.e.s interrogé.e.s et 59,6 % de leurs fantasmes.

Et plus la consommation est précoce, plus la pornographie a de l’influence sur les désirs et les fantasmes pour 68,7 % des répondant.e.s qui ont consommé de la pornographie avant l’âge de 14 ans.

Richard Poulin10, sociologue, professeur titulaire à l’université d’Ottawa et professeur associé à l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) à l’université du Québec à Montréal, a réalisé une enquête en 2009 auprès d’étudiants universitaires au Canada qui indique que l’âge moyen de la première consommation est de 13 ans pour les filles et 12 ans pour les garçons. Plus de la moitié (57 %) des jeunes ont vu les premières images pornographiques entre l’âge de 8 ans et de 13 ans.

 

    

Dernière minute

Extraits de l’enquête IPSOS LES ADDICTIONS CHEZ LES JEUNES (14-24 ans) publiée le 8 juin 2018

La Fondation pour l’innovation politique, think tank libéral, progressiste et européen, la Fondation Gabriel Péri, affiliée au courant de pensée du Parti communiste français, et le Fonds Actions Addictions, dont l’expertise éclaire le débat public en matière d’addictions, ont décidé de s’associer pour concevoir et réaliser une vaste enquête d’opinion sur un phénomène particulièrement préoccupant : les addictions chez les jeunes.

Le groupe mutualiste VYV soutient également cette enquête.

Enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1 000 jeunes âgés de 14 à 24 ans représentatif de cette population interrogée par Ipsos.
Le questionnaire a également été soumis à un échantillon de parents de jeunes de 14-24 ans (402 parents interrogés par Ipsos), ainsi qu’au grand public (2 005 personnes interrogées par Ipsos) pour mesurer les écarts de perception entre leur propre réalité et celle des jeunes générations.

Nous ne donnons ici que les résultats concernant la pornographie

La consommation de porno : un formatage à haut risque
Un cinquième des 14-24 ans (21 %) regardent au moins une fois par semaine du porno. Plus d’un tiers (37 %) déclarent avoir déjà visionné ce type de programme, avec une forte différence entre les garçons (46 %) et les filles (28 %). Cet écart se creuse avec l’âge : ainsi, chez les 14-17 ans, 18 % des garçons regardent au moins une fois par semaine du porno, contre 12 % des filles ; à partir de 18 ans, la consommation hebdomadaire concerne 33 % des hommes, contre 16 % des femmes.
La confrontation à de telles images, alors même que la sexualité psychique se développe, peut provoquer des crises d’anxiété, des troubles du sommeil, nourrir un sentiment douloureux de culpabilité et conduire à une représentation faussée ou déviante des rapports sexuels et amoureux. Or 15 % des 14-17 ans affirment regarder au moins une fois par semaine du porno.
La consommation de porno atteint parfois des niveaux dramatiquement élevés : 9 % des jeunes regardent du porno quotidiennement dont 5 % plusieurs fois par jour.
Enfin, l’addiction au porno contribue aussi aux addictions à l’écran. L’enquête révèle d’ailleurs l’existence de liens entre les différentes formes d’addiction aux écrans : 56 % des personnes qui regardent du porno au moins une fois par jour passent plus de 2 heures sur les réseaux sociaux et 46 % consacrent plus de 2 heures aux jeux vidéo.
La facilité avec laquelle les mineurs peuvent visionner des images pornographiques pourrait être liée à la multiplication et à la propagation des supports donnant accès à ces contenus : ordinateurs, tablettes et smartphones, mais aussi via les réseaux sociaux et les jeux vidéo. Cette enquête le confirme : 92 % des jeunes de 14 à 24 ans estiment qu’il est simple pour les mineurs d’accéder à des images à contenu pornographique. Enfin, 68 % des 14-24 ans estiment qu’il est facile pour les mineurs d’accéder aux jeux d’argent.
Les parents exagèrent l’exposition de leurs enfants au porno – ils sont 52 % à penser que leurs enfants en ont déjà visionné, ce que déclarent 37 % des jeunes interrogés – mais ils sous-estiment fortement la fréquence de la consommation : ils ne sont que 7 % à penser que leurs enfants regardent du porno au moins une fois par semaine, alors que ceux-ci sont trois fois plus nombreux à le dire (21 %).
Dans le but de lutter contre l’addiction au porno, les jeunes approuvent largement (64 %) l’idée de sensibiliser les parents d’enfants mineurs à la nécessité d’installer un contrôle parental sur le téléphone et sur les ordinateurs de leurs enfants afin d’empêcher l’accès à des contenus pornographiques. 51 % des 14-24 ans souhaitent également la création d’une obligation pour les utilisateurs de sites pornographiques de s’identifier via leur carte bancaire.

 

Comment protéger les enfants et les adolescents des contenus pornographiques

Devant la facilité d’accès, et le nombre endémique de sites pornographiques, tous les pays cherchent des solutions techniques pour créer des obstacles ou en tout cas rendre difficile pour un mineur l’accès aux images pornographiques.
Les fournisseurs d’accès interrogés se sont dit soucieux de préserver les mineurs et se sont engagés à proposer des solutions techniques incontournables dans les plus brefs délais.

En dehors de la proposition d’Israël Nisand consistant à « frapper les responsables au porte- monnaie », d’autres initiatives tentent de proposer des réponses au problème.
Le gouvernement britannique par exemple propose un code à 16 chiffres et à usage unique que l’on pourra se procurer chez un marchand de journaux contre une preuve de sa majorité et la modique somme de 10 livres (un peu moins de 12 euros). Cette mesure, probablement pas facile à mettre en œuvre, notamment en raison du coût et de la facilité pour les consommateurs de trouver une parade pour ne pas avoir à payer, devrait tout de même être mise en place en fin d’année 2018.

En France l’association Ennocence a lancé le 30 mai 2018 une plateforme de signalement de contenus inappropriés sur Internet et engage ses premières actions en justice contre les sites contrevenants : un portail anonyme et libre d’accès qui vient mettre en pratique le projet du gouvernement de constituer une liste noire des sites de streaming illégaux. L’association Ennocence s’engage à mettre à disposition du Ministère ses listes de sites et contenus signalés sur balancetonsite.com, permettant ainsi de soutenir la lutte du gouvernement contre ces sites délinquants.

https://www.generation-nt.com/ennocence-balancetonsite-signalement-actualite- 1954266.html

" Vos enfants ont été confrontés à des contenus inappropriés (images et vidéos pornographiques, jeux addictifs, invitation à un chat, escroquerie, etc.) sur des sites de streaming ou de téléchargement ? N'hésitez pas à nous signaler les sites en question. "

C'est ce qu'enjoint à faire l'association Ennocence qui annonce le lancement d'une plateforme de signalement en ligne baptisée... Balancetonsite.com. Par cette initiative, l'association dit déplorer " l'inaction des pouvoirs publics, moteurs de recherche et FAI face à la prolifération de contenus inappropriés et dangereux pour les enfants. "

Cette initiative n’est pas, bien entendu, du goût de tout le monde, certains considérant que c’est une atteinte à la liberté et, compte tenu de l’explosion et du renouvellement incessant des sites à « contenus inappropriés », on peut penser qu’elle ne sera pas suffisante pour endiguer le flot de la pornographie ni décourager les auteurs de ces contenus.

Tous les acteurs de l’éducation à la sexualité et à la vie affective impliqués sur le terrain sont persuadés que la seule solution immédiatement applicable serait de respecter la législation et donc la loi du qui fait obligation aux établissements scolaires du CP à la terminale de dispenser au moins 3 séances par an d’éducation à la sexualité.

 

Les conséquences de l’exposition à la pornographie

Il est probablement encore trop tôt pour prendre la mesure des conséquences de la consommation pornographique par les jeunes. Comment alors affirmer que cette consommation se traduit par des pratiques sexuelles ou amoureuses différentes ? Les comportements des adolescents s’en trouvent-ils transformés ? La construction de l’image de soi en est-elle affectée ?

Quelques indicateurs qui remontent des rencontres de spécialistes de la prise en charge des adolescent.e.s mettent en évidence des ignorances qui peuvent entraîner des pratiques à risque.
Le Docteur Ghada Hatem, gynécologue obstétricienne à Saint Denis et fondatrice de la Maison des femmes, reçoit de plus en plus de jeunes mineures envoyées par l’infirmière scolaire ou qui viennent la voir de leur propre initiative, quelquefois accompagnées de leurs petits copains :

« Comme la pornographie impose des modèles, les filles se laissent faire parce que le garçon légitime ses actes en disant qu’il a vu faire sur Internet ; il y en a qui arrivent avec des déchirures vaginales à cause de l’introduction d’objets... d’autres qui ont été violées par plusieurs... d’autres qui sont enceintes... Elles arrivent terrifiées car les parents ne sont pas au courant et ils ne doivent pas l’être. Il faut donc pratiquer des IVG et très souvent reconstruire l’hymen avec la garantie que tout cela restera anonyme et puis surtout il faut prendre le temps de les écouter, de les rassurer, de les déculpabiliser. Il faut leur faire comprendre qu’elles n’ont pas à se soumettre aux injonctions des garçons, qu’elles ont le droit de dire non... Mais le fait qu’elles viennent nous revoir pour parler et aussi pour demander des conseils et recevoir des informations nous montre le bien-fondé de notre action ».

La stratégie nationale de santé sexuelle11 adoptée en mars 2017 relève qu’un tiers des grossesses est non prévue et aboutit 6 fois sur 10 à un avortement. Elle indique également que les infections sexuellement transmissibles (IST) ont augmenté de 10 % chez les 15-24 ans entre 2012 et 2014.

Le rapport 2017 du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCE)12 pointe également la responsabilité des sites pornographiques dans les représentations empreintes de stéréotypes avec des jeunes hommes valorisés selon une norme de virilité et des jeunes femmes qui subissent la double injonction de devoir se montrer désirables, mais « respectables ». Ces stéréotypes favorisent des violences sexistes sous divers formes amplifiées par la viralité des réseaux sociaux.
Internet tend aussi à amplifier les phénomènes de violence. Une étude menée en 2015-2016 par l’observatoire universitaire international d’éducation et le centre francilien pour l’égalité hommes-femmes auprès d’établissement scolaires de la 5ème à la 2nde révèle que 17 % des filles et 11 % des garçons ont été confrontés à des cyberviolences à caractère sexuel.

Les réseaux sociaux sont particulièrement impliqués dans le développement du cybersexisme et du cyberharcèlement puisque comme dit le Docteur Marie-Hélène Colson, sexologueà Marseille,«lesoutilsconnectésontfaitnaîtreunenouvellegénération d’utilisateurs, puisqu’à côté de l’usage passif de la pornographie, nous avons aujourd’hui un certain nombre de jeunes qui en sont aussi devenus acteurs, avec l’usage des Sexting (échanger des messages, photos et vidéo à caractère sexuel), Live show sexuel (faire un striptease ou un spectacle érotique devant sa webcam), Sextape (tourner une vidéo porno maison), Revenge porn (se venger de l’autre en postant des photos porno de lui(elle) sur les réseaux sociaux, After Sex Selfies (Selfies après l’amour).

 

L’addiction

Certains ados, plus particulièrement les garçons, font une surconsommation de porno ; ils en veulent toujours plus, cherchent des images toujours plus crues à la recherche du plaisir qu’ils ont eu lors de leur première visite.

Selon Serge Hefez « l’addiction est un phénomène maintenant bien connu ; quand on consomme de la drogue ou de l’alcool, c’est toujours le même circuit neuronal qui est concerné et qui se renforce sans arrêt puisqu’au bout il y a la récompense ; dans le cas des adolescents, ou des adultes d’ailleurs, gros consommateurs de sites pornographiques, c’est le même circuit qui est activé et qui se renforce avec la récompense ; il y en a qui dès qu’ils ont une minute se précipitent sur leur écran et se masturbent.

Mais pour autant, il ne faut pas dramatiser, la grosse majorité saura se libérer de cette consommation et ne deviendra jamais addict ; En revanche, il existera toujours un petit pourcentage d’individus qui ne pourront pas s’en libérer sans aide, la plupart du temps parce qu’ils ont un terrain affectif et/ou social plutôt instable »

La plupart des ados ont bien conscience que cette consommation itérative a des conséquences non seulement sur leur image, mais aussi sur leur vie quotidienne en les mettant en danger au niveau scolaire d’autant qu’une trop grande consommation les isole et prend le dessus sur la vie personnelle.

Serge Hefez poursuit : « Il me semble que les garçons sont plus gros consommateurs que les filles. Au cours d’une thérapie dans une relation de confiance, ils abordent la question de la sexualité. Ils racontent la première fois surtout quand c’est arrivé très jeune et par accident. Il n’y a pas de filtre, vous cherchez quelque chose et vous tombez par hasard sur une image de sodomie alors que vous ne savez rien de la sexualité. Beaucoup de filles racontent le choc, un véritable traumatisme qui les hante longtemps ; la plupart s’en remet, mais certains reviennent avec plus de dégoût que d’excitation, parce qu’il y a quelque chose d’hypnotique, de captivant...Les images saturent le processus de pensées et ça crée une espèce de phobie par rapport à la sexualité ; les garçons pensent qu’ils n’y arriveront jamais, qu’ils ne seront jamais à la hauteur, qu’ils ne sauront jamais comment se comporter avec les filles. Celles-ci ont aussi l’impression qu’elles ne seront jamais à la hauteur, qu’elles doivent offrir ce qu’elles voient dans les films pornos pour garder leur petit copain ou se demandent comment faire pour attirer les garçons et les retenir. Les garçons de plus en plus jeunes veulent imposer des pratiques dont les filles ne veulent pas et les filles ont peur d’être rejetées si elles ne se soumettent pas tout en ayant peur qu’on les prenne pour des putes ! Mais que l’on se rassure, la grande majorité parvient tout de même à se mettre à distance et même si ce n’est pas la solution, il faut reconnaître que certains apprennent ainsi à mieux connaître l’anatomie des filles ».

Sophie de Lambilly, coordinatrice de l’espace d’accueil « Vie affective et éducation à la sexualité chez les jeunes » du Centre Hospitalier de Versailles nous dit que « une surconsommation du porno peut provoquer un sentiment de dégoût envers ce qui se produit à l’écran et envers soi-même. La consommation répétée du porno peut également rendre difficile l’excitation sexuelle sans l’aide de ce type d’images. L’imagination seule, avec ses propres personnages, ses propres scénarios, ne suffit plus pour ressentir une excitation ».

Pour Richard Poulin, la précocité dans la consommation de porno est dommageable pour les relations sexuelles immédiates car, plus « ils commencent jeunes, plus ils demandent à leur partenaire de reproduire les actes sexuels vus dans la pornographie (particulièrement la sodomie, le triolisme et l’éjaculation faciale). Plus ils consomment jeunes, plus ils sont anxieux quant à leur corps et à leurs capacités physiques. Pour les filles, il ressort également de notre recherche que la consommation de pornographie affecte leur estime de soi. Par ailleurs, plus l’estime de soi est faible, plus les jeunes filles sont précocement actives sexuellement ».13

 

La pornographie est omniprésente au quotidien même si l’on veut y échapper.

Pour le Docteur Marie-Hélène Colson « Il apparaît cependant clairement que c’est à l’usage de la pornographie que nous devons l’évolution de certains de nos codes sexuels actuels, comme la banalisation chez les plus jeunes, de certaines pratiques sexuelles, autrefois considérées comme marginales, comme la fellation, le cunnilingus ou la sodomie. C’est aussi certainement le cas de la large diffusion de l’épilation intégrale généralisée chez les jeunes filles ou la précocité de l’entrée dans une sexualité active.

Le contenu implicite de la pornographie est tout autant inquiétant, limitant la sexualité à ses aspects les plus basiques et les plus régressifs, centrés sur les détails du corps, l’action sexuelle, sans dimension relationnelle, et reléguant l’autre à la place d’un objet de plaisir. Plus largement, à l’âge de la construction de la sexualité, la rencontre brutale et trop précoce entre l’univers de l’enfant et la vision réaliste de la sexualité de l’adulte peut aboutir à des représentations perturbées de la sexualité, et une structuration de sa sexualité sur un mode anxieux (addictions sexuelles, recentrage anxieux sur son anatomie génitale, angoisse de performance accrue). La pornographie véhicule une image déformée de la sexualité, ne prenant pas en compte la réalité émotionnelle du partage et du plaisir à deux, et beaucoup d’adolescents vulnérables peuvent s’y laisser prendre, et développer une sexualité décentrée de l’affectivité et de la relation à l’autre. Pour certains (Schek et al, 2016i)14, l’usage de la pornographie chez les plus jeunes serait à considérer comme une forme d’abus sexuel, avec des conséquences identiques, à l’origine de comportements sexuels à risques et de difficultés sexuelles futures »

Pour les intervenants en milieu scolaire, pour les parents qui ont bien conscience du phénomène et qui se posent des questions sur le comportement de leur enfant sans jamais oser devancer les questions qu’ils pourraient se poser, il y a urgence à protéger notre jeunesse, comme le préconise le rapport d’Israël Nisand, Brigitte Letombe et Sophie Marnopoulos.

Le président du CNGOF se félicite des prises de position et des déclarations d’Emmanuel Macron, mais il attend encore plus estimant que si « nous avons un cadre légal et réglementaire suffisant pour atteindre les objectifs assignés à l’information à la sexualité en milieu scolaire, il faut un vrai courage politique pour que soit réellement appliquée la circulaire du 17 février 2003 et que l’information à la sexualité soit systématiquement mise en œuvre dans tous les établissements scolaires sur tout le territoire ».

 

L’éducation sexuelle

Pour l’OMS, l’éducation à la sexualité désigne « l’apprentissage des aspects cognitifs, émotionnels, sociaux, interactifs et physiques de la sexualité. Elle commence dès la petite enfance et se poursuit à l’adolescence et à l’âge adulte. Pour les enfants et les jeunes, son objectif premier est d’accompagner et de protéger le développement sexuel ». 11

En France, rappelons que l’éducation à la sexualité est prévue par la loi depuis 2001 et rendue obligatoire par la circulaire du 17 février 2003 dans les écoles, les collèges et les lycées à raison de 3 séances par an et par groupe d’âge homogène.5
Pour le président du Collège, « Aujourd’hui, cette loi n’est pas partout appliquée alors que l’information à la sexualité est le préalable indispensable et incontournable de la réduction des grossesses non souhaitées chez les jeunes filles, il s’agit d’un objectif de prévention primaire facilement mesurable ».

 

L’école ne joue pas suffisamment son rôle

Cette loi n’est en effet pas systématiquement mise en œuvre comme le montre une enquête réalisée par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE)16 en 2014-2015 auprès de 3 000 établissements scolaires.
Parmi les établissements ayant répondu, 25 % ont déclaré ne pas mettre en œuvre d’actions d’éducation à la sexualité et seulement 55 % des écoles ayant mis en place des actions d’éducation à la sexualité les ont intégrées à des enseignements disciplinaires tandis que 64 % n’ont pas articulé cette éducation à la sexualité avec des actions de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons.

Pourtant, selon le rapport annuel du Défenseur des droits de l’enfant17 publié en novembre 2017
Les jeunes expriment des fortes demandes qui visent notamment :

  • -  L’application de la loi sur l’éducation à la sexualité

  • -  La nécessité de partir de leurs paroles pour répondre à leurs questions

  • -  La formation des enseignants

  • -  Le renforcement de la lutte contre les stéréotypes et discriminations liés au sexe, à

    l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle

  • -  Le développement du soutien aux parents dans le champ de l’éducation à la sexualité

    Ces demandes, figurant dans le rapport 2017 du Défenseur du droit des enfants17 ont été formulées par un groupe de travail composé de jeunes européens dans le cadre d’une rencontre organisée par l’ENOC18 et rassemblant des jeunes adolescents venus de toute l’Europe.

 

L’article 19 de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées a ajouté que « ces séances (d’éducation à la sexualité) présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes ».

Le Haut conseil à la santé sexuelle et reproductive dans un avis du 2 mars 201615 conforte cette loi en rappelant que « les programmes fondés sur l’égalité des sexes dans les relations sexuelles sont cinq fois plus efficaces dans la réduction des IST et des grossesses non désirées que ceux qui n’insistent pas sur cette égalité intrinsèque ».

 

Les missions assignées à l’éducation à la sexualité en milieu scolaire visent à :

  • -  Apporter aux élèves des informations objectives et des connaissances scientifiques

  • -  Identifier les différentes dimensions de la sexualité : biologique, affective, culturelle,

    éthique, sociale, juridique

  • -  Développer l'exercice de l'esprit critique

  • -  Favoriser des comportements responsables individuels et collectifs (prévention,

    protection de soi et des autres)

  • -  Faire connaître les ressources spécifiques d'information, d'aide et de soutien dans et

    à l'extérieur de l'établissement

    L’éducation à la sexualité n’est pas l’affaire d’une discipline, elle concerne tous les personnels et doit se développer à travers tous les enseignements : sciences et vie de la terre, histoire, français, philosophie etc.
    L’école doit aider les enfants et les adolescents au travers de ces séances dédiées à la sexualité à mieux se comprendre, s’accepter, se réaliser et s’affirmer comme fille ou garçon. La stratégie à mettre en œuvre pour l’adulte qui endosse la charge de cette éducation suppose une grande qualité d’écoute et d’observation pour gagner la confiance et pouvoir répondre de manière explicite et claire aux questions posées.
    Le dialogue entre jeune et adulte est aussi important pour permettre l’ajustement au fur et à mesure de l’acquisition et de la bonne compréhension des messages sans chercher à aller trop vite ou à brûler les étapes.

    Selon Israël Nisand, « Le second objectif probablement moins mesurable que le premier (diminuer le nombre de grossesses non désirées), c’est de lutter contre une information délivrée par le matériel pornographique et de rappeler la place de la vie émotionnelle et affective dans nos relations et de ne pas réduire la rencontre à un acte exclusivement génital. Ce qui importe le plus c’est de remettre la dimension affective et relationnelle au centre de la sexualité car elle est le produit d’une relation complexe entre les expériences personnelles, les influences extérieures et les contingences sociales ou morales ».

     

  • Le rôle des parents

    Les parents sont les premiers responsables de l’éducation sexuelle de leurs enfants.
    Mais il n’est pas toujours évident pour beaucoup d’aborder cette question pour des raisons qui tiennent parfois à leur propre rapport à la sexualité ou à la façon dont eux-mêmes ont découvert la sexualité.

 

Pour Serge Hefez, « C’est compliqué pour les parents d’aborder les questions de sexualité, par peur d’être intrusifs, de ne pas respecter l’intimité de l’enfant... Il leur faut trouver la bonne frontière... Peut-être doivent-ils en parler sans lui demander directement s’il va sur les sites pornos en utilisant des biais, qui peuvent déclencher une conversation.

Dans certaines familles, évidemment on comprend bien que le dialogue n’est guère possible en la matière. Pour lutter contre les tabous, c’est dès la maternelle que l’on devrait commencer à poser les bases de la sexualité par des mises en perspective de ce qu’est un garçon, une fille, un mâle, une femelle. »

Les auteurs du rapport « Et si on parlait de sexe à nos ados », insistent sur la nécessaire coopération des parents en leur demandant de soutenir les actions développées à l’école. « Plus les enfants sont jeunes, plus il est important d’établir un lien avec leurs parents pour leur exposer les objectifs et les modalités des séances d’éducation à la sexualité. »

Et Israël Nisand de poursuivre: « Le problème aujourd’hui, c’est qu’on est empêché par des parents ou des associations qui ne voient dans les séances d’éducation à la sexualité qu’un moyen de « perversion » de la jeunesse... Là encore, il faut du courage politique pour oser aller à l’encontre de ces convictions et faire comprendre clairement que le milieu scolaire offre un cadre plus officiel d’apprentissage par rapport aux autres agents d’éducation sexuelle que sont la famille, les amis et les médias ».

 

La responsabilité des pouvoirs publics

Sur les 12 millions de jeunes scolarisé.e.s chaque année, une petite minorité bénéficie des séances d’éducation à la sexualité.

Le rapport de 2017 du Haut Comité à l’égalité entre les hommes et les femmes12 observe que Les difficultés d’application en milieu scolaire tiennent pour partie à des facteurs endogènes à l’Éducation nationale - en particulier concernant le pilotage, la formation, le financement et l’évaluation -, mais c’est plus largement le manque de moyens financiers, de disponibilité du personnel et la difficile gestion des emplois du temps qui sont perçus comme les principaux freins à la mise en œuvre de l’éducation à la sexualité et, a contrario, la formation est vue comme le principal facteur facilitateur.

 

 

La sexualité et les relations intimes et affectives forment une découverte et un apprentissage qui, à tous les âges de la vie, mais plus particulièrement chez les jeunes, soulèvent de nombreuses questions et besoins. Compte-tenu des enjeux posés en matière de citoyenneté, d’égalité femmes-hommes et de santé, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de répondre à tou.te.s les jeunes par des informations objectives, sans jugement ni stéréotype, et, lorsqu’elles ou ils en expriment le besoin, de leur apporter l’accompagnement nécessaire.

 

Gynécologues sur le terrain: des initiatives exemplaires

L’inquiétude soulevée par l’augmentation d’IVG, d’IST et plus largement des traumatismes sexuels chez les jeunes mineures, a incité depuis déjà quelques années des gynécologues à proposer aux établissements scolaires des partenariats pour des actions d’information des élèves et de formation du personnel.

Le Docteur Isabelle Asselin, Gynécologue médicale au CHU de Caen, le Professeur Israël Nisand à Strasbourg, le Docteur Pierre Panel à Versailles et le Professeur Florence Bretelle à Marseille sont parmi les pionniers qui ont proposé et mis en place des opérations locales avec le concours et/ou le partenariat des collectivités régionales.

Fort de ces premières expériences, d’autres opérations institutionnalisant le principe et toujours à l’initiative du Collège national des gynécologues-obstétriciens français avec le soutien du Fonds pour la santé des femmes (FSF) ont vu le jour en Ile de France en partenariat avec le rectorat de Créteil (Seine Saint Denis, Val de Marne).

 

 

 

Info ado à Strasbourg

 

La structure a été créée en 1992 à Poissy puis en 1998 à Strasbourg par le Pr Israël Nisand. Le dispositif comporte, en zone urbaine, trois parties : un accueil anonyme et gratuit dans des structures hospitalières publiques, un site Internet pour répondre aux questions des adolescents et une information organisée dans les écoles.

L’accueil des jeunes est gratuit et confidentiel, avec fourniture éventuelle de contraceptifs gratuits, de préservatifs, ainsi que la possibilité de faire des tests sérologiques.
L’accueil est également anonyme sur internet, (http://info-ado.u-strasbg.fr) pour apporter aux jeunes les informations et les réponses à leurs questions sur la sexualité, la contraception et les maladies sexuellement transmissibles.

Cette action connait un grand succès et a montré son efficacité par la constatation d'une baisse significative du nombre d'IVG chez les adolescentes.

Les acteurs d’Info-Ado sont des gynécologues, des sages-femmes, des pédiatres des généralistes, des psychiatres, des internes en gynécologie, des conseillères familiales. Depuis sa création Info-Ado ne cesse d'évoluer, En 1999-2000 l’action était consacrée à l'information du monde médical et des enseignants.

Les années suivantes Info-Ado a organisé des interventions dans les classes de 3ème et de 2nde. Le nombre d'interventions croissant jusqu'en 2004 avec interventions dans 86% des établissements publics et 47% des établissements privés de la commune urbaine de Strasbourg.

Un certain nombre de jeunes des environs de Strasbourg avaient des difficultés à venir au centre ou ne venaient pas du tout. Info-Ado a donc créé des consultations gratuites et anonymes dans la vallée de la Bruche (à 60 km de Strasbourg) ; c'est un réseau géré par un gynécologue assisté de cinq généralistes de la vallée de la Bruche. Tous les pharmaciens de la région sont habilités à honorer gratuitement les prescriptions, ainsi que les analyses médicales.

La diminution d’IVG chez les mineures depuis la création d’Info-Ado semble plaider en faveur du développement de ce type d’actions.

Le système fonctionne avec des personnels déjà existants, il est facilement applicable et d'un coût de fonctionnement faible.
Cette expérience dans la vallée de la Bruche dépourvue de planning familial a été étendue à d'autres circonscriptions avec une trentaine de médecins, de pharmaciens et de laboratoires d'analyse.

Deux axes sont choisis, la prévention et le suivi individualisé et une prise en charge gratuite et anonyme.
Cette prise en charge individualisée est complétée par des séances d'information collective d'éducation à la sexualité dans les collèges.

 

 

Éducation à la sexualité par les pairs en Basse-Normandie Par Isabelle Asselin

 

Afin de diminuer le nombre d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) chez les mineures, le conseil régional a lancé en 2009 un projet « d’information et de sensibilisation » autour de la sexualité et de la contraception dans les lycées et centres de formation d’apprentis de Basse-Normandie », intitulé « des jeunes parlent aux jeunes ».

Il implique les étudiants des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) dans des actions d’éducation sexuelle. Les objectifs, le contenu, la méthodologie ont été réfléchis au sein d’un comité de pilotage regroupant les partenaires institutionnels, les professionnels de terrain et les experts.

Les étudiants ont été formés aux spécificités de la sexualité et de la contraception adolescentes ainsi qu’à la démarche de projet. Ils ont été supervisés de la conception à la réalisation des actions d’éducation sexuelle par leurs formateurs IFSI référents.

Après une phase d’expérimentation de deux ans auprès de quatre IFSI, le projet a été généralisé à l’ensemble des IFSI de la région bas-normande.
S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact sur le nombre d’IVG chez les mineures, l’intérêt du projet est manifeste, car il intègre dans le cursus initial de ces étudiants un enseignement sur les questions relatives à la santé sexuelle et reproductive et il permet à des élèves de bénéficier des trois séances annuelles d’éducation sexuelle.

Ce projet a également contribué à créer une dynamique régionale sur la thématique santé sexuelle incitant les professionnels de santé à s’impliquer dans l’éducation sexuelle ou l’éducation contraceptive.

 

 

Plan Local de Santé Vie affective et sexualité
Centre hospitalier de Versailles17
NE LAISSONS PAS LES JEUNES SEULS AVEC LA PORNOGRAPHIE !

 

Depuis 10 ans, le PLS « Vie affective et éducation à la sexualité des jeunes » du Centre Hospitalier de Versailles piloté par le Docteur Pierre Panel, chef de service de gynécologie- obstétrique du Centre Hospitalier de Versailles et Sophie de Lambilly, conseillère conjugale s’est donné pour mission d’accompagner les jeunes et de développer l’éducation affective, relationnelle et sexuelle dans le département des Yvelines.

« Ne pas laisser les jeunes seuls avec la pornographie en leur offrant très régulièrement des temps de réflexion et d’échanges sur la vie relationnelle, en encourageant leurs parents et les éducateurs à en parler avec eux, nous paraît d’une importance capitale. »
L’opération a été conçue en partenariat avec l’Education Nationale, avec le soutien du Conseil Départemental des Yvelines, de la MGEN de la DDCS Droit des femmes et égalité, un parcours d’éducation affective au collège : le parcours 3R comme relation, respect, responsabilité.

Ce parcours poursuit plusieurs objectifs, dont celui non formulé de façon explicite mais sous- jacent, de ne pas les laisser seuls face à la violence d’images visionnées volontairement ou non.

Les objectifs du parcours de 12 séances pour les élèves en lien avec la pornographie:
- Ouvrir la parole régulièrement (3 fois par an) pour accompagner le processus pubertaire et diminuer l’excitation sur un sujet qui reste très tabou
- Offrir d’autres sources d’information sur le corps et la relation qui soient simples et fiables
- Informer sur les risques de la pornographie (images parasites stockées dans le cerveau)
- Identifier les différences entre une relation amoureuse et un rapport sexuel dans un film porno
- Rassurer sur la norme anatomique et physiologique qui n’est pas celle exposée dans les films pornos qui sont truqués
- Donner la possibilité d’exprimer des peurs ou des complexes
- Développer l’esprit critique sur les objectifs des créateurs de films pornos, sur l’image des femmes ainsi véhiculée
- Développer la confiance en soi, le goût de découvrir l’autre et de construire une relation
- Nourrir l’estime de soi

 

Les formations et sensibilisations des adultes
- Adopter le juste positionnement pour réagir de façon adaptée : pas de jugement, ni de discours moralisateur
- Ecouter, faire réfléchir, mettre en perspective
- Utiliser les mots adéquats
- Responsabiliser
Ce parcours 3R fait l’objet d’une étude scientifique menée par la Maison de la Recherche du Centre Hospitalier de Versailles pour en mesurer l’impact sur les élèves au bout de 4 ans. Les résultats seront connus fin 2018.

On escompte des résultats sur l’estime de soi, sur les intentions de comportements en terme de contraception, de protection des IST, sur le recours à l’adulte en cas de problème, sur l’identification des situations de violence, sur la prise de recul par rapport à la pornographie, sur la prise de conscience des stéréotypes de genre...

 

 

     Éducation à la santé : comment et quand parler « contraception et sexualité » Faculté de médecine Aix-Marseille

 

En 2007, sur une idée originale du Dr Raha SHOJAI, le Pr Florence BRETELLE du service Gynécologie Obstétrique de l’Hôpital Nord, le Dr Marie-Christine PELLISSIER-MANCA du Département de Génétique de l’Hôpital de la Timone et Madame J. DURANT, infirmière, conseillère technique du Recteur de l’académie Aix-Marseille ont créé une unité d’enseignement libre (UE) pour les étudiants de la Faculté de médecine d’Aix-Marseille (université AMU). En plus des connaissances médicales et de l’approche socioculturelle sur le sujet, les étudiants en médecine sont formés aux techniques de communication et de transfert d’information pour pouvoir intervenir auprès des collégiens et des lycéens.
Les thèmes abordés sont variés ; anatomie, cycle menstruel, contraception, interruption volontaire de grossesse (IVG) etc. Les étudiants axent principalement leurs discours sur les infections sexuellement transmissibles (IST) ainsi que la prévention des grossesses non désirées mais aussi la relation avec autrui et le respect de soi et de l’autre. Toutes ces interventions se font en collaboration avec l’équipe éducative des établissements scolaires.

Ce programme a pour but de diminuer les conduites à risques chez les mineurs pour impacter sur le taux d’IVG qui, en région PACA, est l’un des plus élevés de France et prévenir les IST (rapport IGAS 2009). Il est le fruit d’une collaboration étroite entre la faculté de médecine de Marseille (AMU), l’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM), l’Éducation Nationale, le Planning Familial des Bouches-du-Rhône, le CRIPS et est subventionné par le Conseil Régional des Bouches-du-Rhône.

L’évaluation de cet enseignement étant très positive, il paraissait opportun de l’étendre aux professionnels de santé (Infirmière, Conseillère conjugale, Psychologue, Sage Femme). C’est pourquoi a été créé en 2013 un Certificat d’Étude Universitaire (CEU) basé sur le même principe.
Il s’agit d’une formation de 60 heures dispensée par divers spécialistes : gynécologue, obstétricien, psychologues, communicants, conseillères du planning familial etc. Les cours se déclinent sous plusieurs formes: théoriques, pratiques, mise en situation, stage d’observation etc. Ce socle commun de connaissance permet aux professionnels de santé de se perfectionner et d’actualiser leurs connaissances dans les domaines de la contraception et de la sexualité, et ainsi de mener des actions de prévention à moyen et long terme, « la formation est très complète, diversifiée et permet à chacun d’avoir une base commune pour pouvoir intervenir auprès des jeunes » dixit une étudiante du CEU.

Il est prévu d’élargir les inscriptions et donner accès à cette formation à d’autres professionnels exerçant auprès de jeunes, entre autres les médiateurs sociaux, les éducateurs spécialisés et à toutes autres personnes susceptibles de pouvoir transmettre ces informations sur leurs lieux d’exercice.

 

La Maison des Femmes Saint-Denis


Fondée par la Docteur Ghada Hatem, responsable du service de gynécologie-obstétrique de l’Hôpital Delafontaine à Saint Denis, la Maison des femmes a été inaugurée en juin 2016, à l'entrée du Centre Hospitalier Delafontaine, et accueille toutes les femmes vulnérables ou victimes de violence. Ouverte directement sur la rue, elle offre un accueil confidentiel et sécurisé.
De la demande de contraception en passant par l'IVG, les soins autour d’une excision, d’un viol ou de violences physiques ou psychologiques, dans le cadre familial, conjugal ou autre, les équipes offrent les soins les plus adaptés et les plus actuels. Un large réseau de partenaires et diverses permanences associatives permettent d'orienter les patientes en fonction de leurs besoins, tout en privilégiant la coordination de leurs parcours.
Ghada Hatem reçoit de plus en plus de mineures en début de grossesse et intervient également dans les établissements scolaires du rectorat de Créteil à la demande des chefs d’établissement et dans le cadre du programme développé grâce au Fonds pour la santé des Femmes, « Des gynécologues à la rencontre des adolescents ».

 

Son témoignage : Gynécologue ou professeur de philosophie ? Par la Docteur Ghada Hatem

 

Vingt-huit têtes brunes, en joli camaïeu, qui s’installent bruyamment, traînent les pieds, les chaises, ricanent. Brusquement il se lève, mû par une urgence : « J’peux poser une question m’dame ? »
Je n’ai pas le temps de répondre qu’il se lance : « disons que je suis sur le point d’entrer, et je change d’avis j’ai envie d’aller plutôt derrière, j’dois lui demander la permission ? ».
J’ai peur d’avoir compris la question...Seigneur, ils n’ont que 15 ans, 16 peut-être s’ils ont redoublé.
Mes neurones s’emballent, que répondre à une telle provocation ? Vite, une idée !
« Euh...imagine qu’elle a un godemichet et que brusquement elle a envie de te le mettre dans l’anus. Est-ce que tu aimerais qu’elle te demande la permission ? » Ah bah oui m’dame. Ouf, calmé. Je remercie intérieurement Geneviève Fraisse pour son livre « Du
consentement », et avec emphase ce jeune garçon qui me permet d’aborder, justement, la fameuse question du consentement dans cette classe agitée à laquelle je suis supposée dispenser quelques notions de santé affective et sexuelle*.
       

Mais comment aborder ce thème quand on n’a qu’une heure d’échanges ? Comment parler de respect et de plaisir mutuels, d’émotions, de contraception, de protection, d’avortement ? Comment les sensibiliser aux risques du cyberharcèlement, aux dangers du sexting, aux mensonges du porno si facilement, si honteusement plutôt, accessible sur leurs petits téléphones ?

Mais surtout, comment leur expliquer que consentir n’est pas désirer, et que la véritable liberté comme l’explique le philosophe Vincent Delecroix dans son ouvrage « Non ! De l’esprit de révolte » c’est de « pouvoir ne pas vouloir » ? Car oui, tant que les filles ne pourront pas ne pas vouloir, les situations resteront asymétriques et l’égalité un vœu pieu. Mon urgence, dans un si bref laps de temps, c’est de leur donner envie. Envie de penser autrement, de questionner leurs schémas bien ancrés. C’est quoi une pute ? Une femme qui couche pour de l’argent. OK, alors une fille qui porte une jupe, c’est une pute ? Une fille qui ne se voile pas, c’est une pute ? Une fille qui parle avec un garçon, c’est une pute ? Et finalement, une fille qui couche mais pas pour de l’argent, c’est une pute ?

Je les sens un peu déstabilisés, la définition ne colle pas tout à fait à leurs convictions, mais comment retomber sur ses pieds ? Les voilà qui se lancent : c’est la religion madame, c’est pas moi qui le dit. Et puis, ma sœur, c’est pas pareil, je dois la protéger contre les autres garçons.
Louable intention. Et ton frère, tu lui expliques qu’il ne doit pas manquer de respect aux filles, ne pas les traiter, ne pas les brutaliser ? Ah ben non m’dame, mon frère il est libre. Et puis l’honneur c’est la fille, pas le garçon.
Les filles regardent leurs chaussures, un peu dépitées, mais l’une d’elle s’enhardit : « et c’est écrit dans le Coran que les garçons ils ont le droit de coucher avant le mariage ? »

Au tour des garçons d’admirer leurs chaussures. Mais l’heure est déjà passée et je suis très frustrée, j’aimerais tellement avoir planté une petite graine, une possibilité de. Aucune certitude, bien au contraire.
C’est toutes les semaines qu’il faudrait que nous, gynécologues, allions à la rencontre des adolescents !

 


Notes

1 Et si on parlait de sexe à nos ados, par Pr Israël Nisand, Dr Brigitte Letombe, Sophie Marinopoulos, Odile Jacob, février 2012.
2 Israël Nisand, Professeur des universités, responsable du pôle de gynécologie- obstétrique du CHU de Strasbourg, fondateur du site Info-Ado, Président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français.
3 Brigitte Letombe est gynécologue, praticienne hospitalière au service du couple et au centre d’orthogénie du CHRU de Lille.
4 Sophie Marinopoulos, psychanalyste, dirige le service de Prévention et de Promotion de la santé psychique (PPSP) à Nantes.
5 Bulletin officiel n° 9 du 27 février 2003, Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche).
6 deipnosophistae, 13.567b
7 Baromètre du numérique 2017 « Conditions de vie et aspirations des français » réalisé pour : le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGE), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et l’Agence du numérique. 7 Enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 12 ans et plus, sélectionné selon la méthode des quotas1 : 2 209 personnes ont été interrogées « en face à face » à leur domicile (2 004 adultes et 205 jeunes
8 Les adolescents et le porno : vers une « Génération Youporn » étude sur la consommation de pornographie chez les adolescents et son influence sur leurs comportements sexuels étude réalisée pour le compte de l’Observatoire de la Parentalité & de l’Éducation Numérique 
9 Alice au pays du porno : ados leurs nouveaux imaginaires sexuels, auteurs : Michela Marzano, Claude Rozier ; Ramsay 
10 Sexualisation et pornographie, Paris, La Dispute, 2009) (voir aussi Richard Poulin, « La pornographie, les jeunes, l’adocentrisme », Les Cahiers Dynamiques 2011/1 (n° 50), p.31-39 
11 Stratégie nationale de santé sexuelle agenda 2017/2030
12 Rapport relatif à l’éducation à la sexualité n° 2016-06-13-SAN-021 publié le 13 juin 2016, Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes
13 Richard Poulin, Pornographie et hypersexualisation, Enfances dévastées, Tome 2,Collection « Amarres », les Editions L’Interligne.
14 Shek DT1, Ma CM2. A Six-Year Longitudinal Study of Consumption of Pornographic Materials in Chinese Adolescents in Hong Kong. J Pediatr Adolesc Gynecol. 2016 Feb;29 (1 Suppl):S12-21. 
15 Standards pour l’éducation sexuelle en Europe, un cadre de référence pour les décideurs publics, les autorités compétentes en matière d’éducation de santé et les spécialistes, Genève, OMS Europe et BZgA, 2010, p. 20
16 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Rapport relatif à l’éducation à la sexualité. « Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes », rapport n° 20160613-SAN-021, 13 juin 2016
17 Rapport annuel 2017 consacré aux droits de l’enfant : au miroir de la convention internationale des droits de l’enfant/Défenseur des droits, 
https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports-annuels/2017/11/rapport-annuel-2017-consacre-aux-droits-de-lenfant),
18-  Le réseau ENOC (EUropean Network of Ombudspersons for Children) est une associationeuropéenne regroupant les institutions de défense des droits de l’enfant, dont la mission consiste à promouvoir et protéger les droits de l’enfant consacrés par la Convention internationale relative aux droits    de l'enfant
19-  Ce rapport a été adopté par la Commission spécialisée Prévention, éducation et promotion de la santé le 2 mars 2016.
20-  CNGOF, 38ème Journées nationales, Paris 2014, pages 595 à 689 

 

Les entretiens de Théragora
Les robots s'imposent dans le bloc opératoire
Les robots assistants chirurgiens sont désormais très présents dans les salles d'opération des hôpitaux. Associés à l'intelligences artificielle et à la réalité virtuelle, ils ouvrent la voie à la chirurgie cognitive de quatrième génération.
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