Analyse de l'enquête par Gaël Sliman, président d’Odoxa

Urgence pour les soignants : fatigués, stressés ils apparaissent usés par leur travail

- Théragora le 22 septembre 2022 N° 55 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

 

 

 Observatoire MNH vague 2 

« Etat de santé des soignants et des personnels hospitaliers » 

Une enquête Odoxa pour la Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH) et Le Figaro Santé, avec le concours scientifique de la Chaire Santé de Sciences Po 

 

 

1) 81% des Français et 84% des professionnels de santé soutiennent les journées de mobilisation des personnels de santé 

84% des PS* (professionnels de santé) soutiennent les mobilisations prévues en cette fin septembre. 

En effet, dénonçant « un manque de personnel, d'attractivité des métiers et un manque d'emplois », les principaux syndicats de personnels soignants appellent à deux journées d’action sur le secteur santé, l’une, à l’appel de la CGT, le 22 septembre, l’autre à l’appel de FO, de la CFDT et de l’UNSA, (les trois syndicats hospitaliers signataires du "Ségur de la santé") 5 jours plus tard, le 27 septembre. 

Interrogés dans notre sondage (à un moment où une seule journée d’action était encore envisagée pour le 22 septembre) plus de 8 professionnels de santé sur 10 disent soutenir ces journées de mobilisation. Si cela ne présage en rien de l’ampleur de la mobilisation dans les faits, ni de la part de grévistes le 22 et le 27, c’est une bonne nouvelle pour les syndicats et une mauvaise pour le gouvernement. 

Ça l’est d’autant plus que les Français sont tout aussi nombreux que les soignants à soutenir le mouvement : 81% des Français apportent leur soutien à leurs personnels hospitaliers. 

Si un tel niveau de soutien peu sembler exceptionnel, il est en réalité assez logique au regard des résultats de notre baromètre. Cette seconde vague de notre Observatoire MNH sur la santé des soignants est glaçante : après notre première enquête réalisée avant le Covid, qui était déjà très inquiétante sur l’état de santé physique, moral et mental des soignants, cette seconde vague post-Covid révèle que l’âpreté du métier et les difficultés vécues au quotidien par les personnels de santé à l’hôpital se sont encore renforcées.

 

2) Temps de travail : les professionnels de santé travaillent bien plus qu’ils ne le devraient contractuellement (40h vs 37h) et plus que la moyenne des actifs français (2h de plus) 

En moyenne les pros de santé disent qu’en théorie, ils doivent effectuer 37,01h hebdomadaires… Ils assurent effectuer finalement 40,39h… soit 3,38h de plus chaque semaine que ce qui est requis. Chaque catégorie est en excédent mais certaines le sont bien plus que d’autres. Les moins de 35 ans sont même à 44h, les soignants exerçant au moins en partie en libéral sont à 46h et les médecins à 47h (+5h/requis). 

Les Français sont en moyenne à un peu plus de 36h hebdomadaires requises (36,22h en moyenne dont 35,19h pour les femmes et 37,23h pour les hommes) 

Dans les faits, ils travaillent un peu plus que ce qui est prévu : presque 38h (37,95h). Au total les Français travaillent en moyenne 1,73h de plus que prévu chaque semaine. Les professionnels de santé travaillent donc en moyenne 2h de plus par semaine que les autres Français actifs (40h vs 38h), et leur excédent d’heures par rapport à ce qu’ils devraient effectuer contractuellement est deux (x1,95 précisément) fois plus important (3,38 vs 1,73) que celui des autres actifs. 

 

3) Satisfaction au travail : alors que plus des trois-quarts des Français (77%) sont satisfaits de leur travail, et le sont de plus en plus, les professionnels de santé le sont nettement moins (54%) et de moins en moins 

Contrairement aux idées reçues, les Français (pourtant râleurs) sont satisfaits de leur travail… et ils le sont même de plus en plus (probable effet post-covid avec le boum du télétravail). 

77% des Français se disent satisfaits de leur travail, et on enregistre une progression de 5 pts depuis le Covid ; ils étaient 72% à l’être en déc. 2018 

Malheureusement, les niveaux et la tendance ne sont pas du tout les même pour les professionnels de santé, surtout à l’hôpital.

Seulement 54% des professionnels de santé et même 50% des hospitaliers purs se disent satisfaits de leur travail. Cela consacre une baisse de 10 à 14 points depuis novembre 2017. A l’époque, les personnels hospitaliers étaient 64% à se dire satisfaits. 

On enregistre donc 23 points de satisfaction de moins auprès des professionnels de santé (-27 points auprès des hospitaliers) par rapport aux Français. 

Et alors que la tendance auprès d’eux est à l’amélioration (+5 points en 4 ans), elle est à la baisse auprès des pros de santé (-10 points en 5 ans). 

 

4) Les sources de stress vécues par les soignants sont innombrables : à la charge de travail et au stress s’ajoutent les agressions physiques des patients (67% des PS y font face) 

Les sources de stress vécues au quotidien par les professionnels de santé sont innombrables. 

Ils vivent à la fois très fréquemment, et bien plus que les autres actifs, des sources de stress communes à tout métier (surcharge de travail, interruptions constantes, injonctions contradictoires, etc.) mais ils vivent aussi, en plus, des sources de stress assez spécifiques à leur métier. Et ces stress professionnels sont bien plus durs à vivre que dans la plupart des autres métiers. 

7 professionnels de santé sur 10 sont « souvent » confrontés à la souffrance morale (76% dont 58% qui le sont même « très souvent ») et même à la souffrance physique (68% dont 48% « très souvent ») de leurs patients. Chose encore plus dure dans un tel contexte, près d’un PS sur deux (46%) se sent « impuissant » face à la maladie de certains patients. 

Notre baromètre révèle ainsi qu’aujourd’hui, en France, plus des deux-tiers des professionnels de santé et, parmi eux, plus de 8 aides-soignants sur 10 subissent plus ou moins régulièrement des agressions physiques dans le cadre de leur travail. 

Toutes ces sources de stress assez spécifiques à leur métier concernent près des trois-quarts des professionnels de santé dans leur quotidien (72% les vivent au moins « souvent »). 

S’y ajoutent les autres sources de stress, pas exclusives à leur métier mais qu’ils vivent plus encore que les autres actifs. Une écrasante majorité de PS nous disent que, souvent, très souvent, voire « toujours », leur travail exige une concentration intense et continue (91%), ils passent beaucoup de temps sur de la « paperasserie » (83%), qu’ils sont fréquemment interrompus pendant leur travail (80%), que le volume de celui-ci est trop important (75%) et même tellement important qu’ils ne peuvent pas tout faire convenablement (59%), qu’ils manquent de coordination (57%) et même de communication avec leurs collègues (51%). 

Plus grave, nombreux sont ceux qui ne parviennent souvent « pas à couper » avec leur travail, en emportant du travail à la maison (23% le font souvent), en répondant à des appels professionnels en dehors de leurs horaires de travail (27%) et en ayant souvent des relations conflictuelles avec certains de leurs collègues (14% en ont « souvent »). Tout cela conduit près d’un PS sur deux (45%) à estimer que le plus souvent leur travail « ne leur permet pas d’utiliser pleinement toutes leurs connaissances » et surtout, cela conduit les trois-quarts (75%) d’entre eux à se dire souvent qu’ils ne sont « pas suffisamment reconnus pour les efforts qu’ils font ». 

Au total, 94% des PS sont toujours ou souvent confrontés à au moins l’une de ces situations de stress pas spécialement spécifique à leur métier. Ils se cumulent avec les 72% de PS toujours ou souvent confrontés à l’une des situations de stress plus spécifiquement liée à leur métier (agressivité des patients, etc.) 

Finalement, absolument tous les PS (99,5%) vivent souvent, très souvent ou toujours au moins l’une des sources de stress testées dans l’étude, 7 sur 10 (69%) vivent systématiquement (« toujours ») au moins l’une d’entre elle dans leur quotidien et un tiers des PS (34%) vit systématiquement au moins 3 de ces sources de stress.

 

5) Les trois-quarts des PS jugent leur métier « fatigant » alors qu’une majorité de Français en activité pensent exercer un métier « pas fatigant » 

Alors qu’une nette majorité de Français en activité (53% vs 46%) estiment que leur propre métier n’est « pas fatigant », près des trois-quarts (72%) des PS jugent que leur métier est fatigant. 

Ils sont même presque deux fois plus nombreux (30% vs 17%) à le juger « très fatigant » que leurs compatriotes. La palme de la fatigue ressentie au travail revient aux aides-soignant(e)s : 87% d’entre eux/elles jugent leur métier « fatigant », et ils/elles sont même une majorité de 52% à le juger « très fatigant » (soit trois fois plus que la moyenne des Français en activité). 

D’ailleurs l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle insatisfait deux fois plus les PS que la population active : Alors que cet équilibre est jugé satisfaisant par plus des trois-quarts des Français (76% vs 23% de mécontents), il ne satisfait qu’à peine plus d’un PS sur deux (54% vs 46%). 

La part de mécontents dans ce domaine précis est donc deux fois plus forte auprès des PS qu’auprès des autres Français en activité (46% vs 23%). Enfin, en plus de travailler plus, et dans un stress supérieur à celui de leurs compatriotes, les PS sont deux fois plus nombreux qu’eux à subir la « charge mentale » d’avoir à s’occuper d’un proche malade ou dépendant. 28% des PS en France sont des « aidants » alors qu’ils ne représentent « que » 14% en population générale. 

 

6) Interactions santé et travail : 59% des PS sont régulièrement confrontés à des problèmes lourds affectant leur santé morale ou physique et/ou les handicapant physiquement ou moralement au point de les empêcher de pouvoir mener à bien leurs tâches 

De fait, ce ressenti d’un travail « fatigant » rejoint bien la réalité. Sur l’échelle d’impact de son travail sur la santé physique et mentale, la situation des PS est à la fois préoccupante dans l’absolu et bien plus lourde que ce que l’on observe sur la population active en général. En effet, lorsque l’on teste 7 items d’impact sur la santé mentale et physique, les PS sont très nombreux à se dire affectés.

Cette souffrance morale des PS se double des violences morales et même physiques qu’ils subissent aussi au quotidien : 4 PS sur 10 sont ainsi « souvent » confrontés à l’incivilité (43%) et même à l’agressivité physique de certains patients (37%). 

Aux 37% de PS « habitués » à subir « souvent » des agressions physiques s’ajoutent 30% de « chanceux » qui ne les subissent « que » « parfois » … soit, 67% des PS en tout. Les aides-soignants ont « la palme » avec 84% de victimes régulières de violences physiques.

Ainsi, au cours des 4 dernières semaines … 

66% ont eu des douleurs physiques qui les ont limités dans leur travail ou leurs activités domestiques. 

6 sur 10 ont accompli moins de choses qu’ils l’auraient souhaité, en raison de leur état physique (63%) ou émotionnel (56%) car ils se sentaient tristes, nerveux ou déprimés. 

63% ont eu des difficultés à faire ce qu’ils avaient à faire avec autant de soin et d’attention que d’habitude et ont eu des moments ils se sentaient tristes et abattus. 

58% ont été gênés par leur état de santé (physique ou émotionnel) dans leur vie sociale et leurs relations avec les autres (famille, amis, connaissances). 

Et 47% ont même ressenti des difficultés à faire des efforts physiques modérés comme déplacer une table, passer l’aspirateur ou monter les escaliers. 

En moyenne 59% des PS sont « souvent » ou de « temps en temps » confrontés à l’un de ces problèmes affectant leur santé morale ou physique. C’est 17 points de plus que la moyenne des Français (« seulement » 42% de nos concitoyens vivent en moyenne ces situations) qui ne sont jamais plus de 50% à connaître l’un de ces affres alors que les soignants sont presque toujours plus de 50% à les connaître. D’ailleurs sur pratiquement toutes les dimensions testées l’écart est de 15 à 20 points avec la population générale. 

Plus inquiétant encore, si l’on se focalise sur les personnes déclarant vivre « souvent » (en excluant ceux qui disent les vivre « de temps en temps ») l’une des situations de dégradation physique ou mentale testées dans l’étude, les PS sont entre 15% et 28% à les vivre « souvent » alors que les Français dans leur ensemble sont moitié moins nombreux à les vivre souvent. 

Ainsi, 28% des PS disent avoir souvent des douleurs physiques qui les limitent dans leur travail ou leurs activités domestiques alors que les Français ne sont que 15% à être souvent confrontés à ce problème.

 

D’ailleurs, en moyenne, 21% des PS sont « souvent » confrontés à l’une des difficultés testées contre 12% des Français ET SURTOUT près de la moitié des PS (46%) disent être souvent affecté par « au moins l’une » des conséquences testées dans l’étude et 30% d’entre eux sont « souvent » affectés par au moins trois de ces conséquences. 

Cela représente, respectivement, 16 points de plus et 11 points de plus que ce l’on enregistre en population générale (30% des Français rencontrent souvent au moins l’une de ces difficultés et 13% en rencontrent souvent au moins trois). 

 

7) Les PS ont bien plus de contraintes liées au travail que les autres actifs : « heures sup », travail de nuit et le week-end, ils les subissent beaucoup plus et en souffrent davantage 

Les PS sont très souvent concernés par des contraintes inhérentes à leur travail que ne vivent pas autant les autres salariés/actifs. 

87% des PS (12 points de plus que les autres actifs) font des heures supplémentaires, et 84% des horaires très importants certains jours ou certaines semaines (+12 points/aux actifs) 

76% d’entre eux travaillent le week-end (+20 points/actifs) 

Enfin 53% des PS travaillent de nuit (+13 pts/actifs) 

Or, ces contraintes plus souvent vécues par les PS que par les autres actifs sont bien plus subies que voulues par ces derniers. 66% sont gênés par les horaires importants (+23 points/actifs), 63% (+28 pts) par le travail de nuit et 58% par le fait de devoir faire des heures sup. (x2/aux autres actifs : 58% de gêne vs 28%).

Finalement deux contraintes seulement ne les affectent guère plus que leurs compatriotes : Si le travail le week-end les concerne bien plus que les autres actifs (76% vs 56%) cela ne les gêne pas plus que leurs compatriotes ayant à le faire aussi (47% des PS comme des Français se disent gênés). Quant au fait de perdre beaucoup de temps dans les transports pour se rendre au travail, cela n’affecte finalement pas plus les PS que les autres actifs (51% sont concernés vs 53% des Français) et les gêne finalement plutôt moins que leurs compatriotes (48% sont gênés contre 56% des actifs). 

Au total, les 5 contraintes testées concernent en moyenne 70% des PS (11 points de plus que la population active) et 56% de ceux qui les vivent les subissent, assurant que cela les gêne (+14 points/actifs). Plus ennuyeux une large majorité de 59% de PS disent être gênés au quotidien par au moins deux de ces contraintes (par exemple, travailler de nuit ET travailler le week-end) … c’est presque deux fois plus (34%) que la part de Français (par ailleurs beaucoup moins souvent concernés) se disant gênés par au moins deux contraintes. 

 

8) Les deux-tiers des PS ont des difficultés à dormir et plus de 8 fois sur 10 ces difficultés sont dues à leur travail (le plus souvent à cause du stress qu’il leur provoque) … Résultat, 31% des PS (30% de plus que la moyenne nationale) prennent des somnifères ou des tranquillisants 

64% des PS éprouvent régulièrement des difficultés pour dormir : 36% les ressentent tous les jours ou presque et 28% une ou deux fois par semaine. 

C’est 17 points de plus que la population générale : 47% des Français ont aussi ces difficultés, dont 23% au quotidien (13 points de moins que les PS) et 24% une ou deux fois par semaine (4 points de moins). 

Or, ces troubles du sommeil sont presque toujours (dans 82% des cas) dus à leur travail. 1 PS sur 2 (50%) explique son trouble du sommeil par le stress que lui génère son travail… c’est bien plus (33%) que ce que l’on observe en population générale. Les autres explications liées au travail concernent les modifications fréquentes du rythme de travail (24%) et le travail de nuit (17%).

 

Résultat, plus de 3 PS sur 10 (31%) prennent des somnifères ou des tranquillisants et 1 sur 10 en prend même tous les jours ou presque. Inquiétant… d’autant que cette prévalence est supérieure de 30% à celle que l’on observe en population générale : les Français sont 23% à prendre ces médicaments dont 7% à le faire quotidiennement. 

 

9) La moitié des PS (47%) a eu un arrêt de travail au cours des 12 derniers mois, prenant en moyenne 13,6 jours d’arrêt, le plus souvent en raison d’un stress professionnel 

Retour de bâton… tous ces problèmes de santé des PS liés à leur travail ont, logiquement, en retour des conséquences sur leur présence/absence au travail. 

Près de la moitié des PS (47%) ont eu un arrêt maladie ou de travail au cours des douze derniers mois (7 points de plus que les autres actifs) et plus qu’un quart des PS (27%) ont pris plus de 10 jours d’arrêt (6 points de plus que la population active). 

En moyenne, les PS ont pris 13,6 jours d’arrêt au cours des douze dernier mois… cela représente environ 30% de plus que la moyenne nationale, l’ensemble des Français actifs en emploi ayant pris 10,1 jours en moyenne. 

Autre spécificité des PS par rapport aux autres actifs : ces arrêts sont le plus souvent dus à un stress professionnel (dans 25% des cas) alors que, chez les autres actifs, l’arrêt pour stress professionnel est la moins fréquente des causes évoquées (dans 14% des cas). 

En fait, les PS sont deux fois plus nombreux que les autres actifs à avoir eu un arrêt pour cause de stress professionnel : 12% des PS ont été arrêtés pour stress professionnel au cours des douze derniers mois contre seulement 6% des actifs.

 

10) Grossesse et travail : les soignantes s’arrêtent plus tôt et sont moins bien accompagnées par leur employeur que les autres actives 

En moyenne c’est avant 6 mois (à 5,84 mois) que les soignantes enceintes cessent de travailler et seulement 19% d’entre elles travaillent encore après leur 7ème mois de grossesse. En population active générale, si la tendance est proche (6 mois aussi) en moyenne, la part de femmes enceintes continuant à travailler après le 7ème mois est plus importante (25% vs 19% pour les PS). 

Les Françaises ne peuvent guère compter sur leur employeur pour leur faciliter la vie durant leur grossesse au travail : seulement 26% considèrent qu’il les a « accompagnée » à l’arrivée de leur enfant. 

Mais c’est encore pire pour les soignantes. Elles sont deux fois moins nombreuses que les autres actives à dire que leur employeur les a aidées (13% vs 26%). Près de 9 soignantes sur 10 (87%) estiment ainsi n’avoir pas du tout été accompagnées par l’hôpital. 

Maladies, stress, risques psycho-sociaux (RPS), arrêts, accompagnement durant leur grossesse, dans tous ces domaines, les PS accusent en creux leur employeur, au pire, de les maltraiter ou, au mieux, d’être indifférent à leur santé. 

Pas étonnant dès lors que 69% des PS estiment que, globalement, leur employeur ne se préoccupe pas de les maintenir en bonne santé. Seuls 8% d’entre eux jugent à l’inverse qu’il s’en préoccupe et en « mène en plus des action concrètes pour leur santé », 22% estimant « qu’il se préoccupe bien de leur santé mais sans mener d’actions concrètes pour cela ». Ce résultat apparaît encore plus médiocre quand on compare la perception des soignants à celle des salariés Français. A rebours des PS, les deux-tiers des salariés (64%) estiment en effet que leur employeur se préoccupe bien de leur santé et 26% (soit, 3 fois plus que les PS) assurent même qu’il mène des actions concrètes pour cela. Mais l’employeur n’est pas le seul à ne pas suffisamment se préoccuper de la santé des soignants. 

Notre Observatoire montre en effet qu’eux-mêmes ne se préoccupent pas suffisamment de leur propre santé …

 

11) Les pratiques médicales des PS : « faites ce que je dis… » Le plus souvent, les PS n’effectuent pas les examens (dépistage…) qu’ils demandent à leurs patients 

« Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Les PS n’appliquent pas à eux-mêmes les consignes/conseils de santé qu’ils prodiguent au quotidien à leurs patients. Ainsi, seule une minorité de PS (48%) effectuent bien les examens de dépistage du cancer et des autres maladies « à chaque fois que c’est nécessaire ou requis », 10% les font « le plus souvent » (soit 58% de PS qui pratiquent régulièrement ces examens), 21% « rarement » et, tout de même, 21% ne les effectuent jamais. C’est peu. C’est tout de même (heureusement) bien mieux que le niveau de prévention pratiquée en population générale. Les Français ne sont en effet que 26% à effectuer systématiquement ces examens et 11% à le faire « souvent » (soit 37% au total, 21 points en dessous du niveau des PS). 

Inversement, alors qu’ils enjoignent en général leurs patients à ne pas le faire, 46% des PS ont souvent recours pour eux-mêmes à l’automédication et 25% à des médecines dites complémentaires (sophrologie, méditation…). De ce point de vue, leur niveau de pratique est deux fois supérieur à celui de la population générale (25% vs 13%). Inversement, ils sont moins nombreux que la moyenne à avoir recours, pour eux-mêmes, à la téléconsultation : seulement 6% y recourent contre 8% des Français. Ils disposent, il est vrai, de ressources présentielles sur place dans leurs établissements (collègues médecins par ex.) 

 

12) Attention portée à sa propre santé : près d’1 soignant sur 5 n’a pas de médecin référent et une nette majorité d’entre eux n’a pas eu de rendez-vous avec son service de santé au travail 

82% des professionnels de santé ont un médecin référent. Mais… 18% n’en ont pas du tout (dont 64% pour les médecins) et surtout, ce chiffre n’évolue plus depuis 2017 et, tout de même, 24% de ceux qui en ont un disent avoir des difficultés à obtenir un rendez-vous avec lui/elle.

Cela représente donc plus de 4 personnes sur 10 (42%) qui, soit n’ont pas de médecin référent, soit ont des difficultés pour le consulter. 

Par ailleurs, seule une minorité de PS a eu un rendez-vous avec le service de santé au travail au cours de ces 2 dernières années. 41% en tout, dont 41% auprès des infirmières et 49% auprès des aides-soignantes. 

 

13) Les PS exercent moins d’activités physiques que la moyenne des Français 

Les soignants manquent cruellement de temps. Résultat s’ils font autant de sport au sens strict (61 minutes par semaines) ils ont bien moins d’autres activités physiques que la moyenne des Français de leur âge. En moyenne ils font une demi-heure de moins de vélo ou de marche par semaine (77 minutes vs 108 minutes) et, plus globalement passent 10 minutes de moins (57 minutes vs 67 minutes) que leurs compatriotes à « transpirer en faisant des activités physiques comme du jardinage ou du bricolage ». 

En revanche, ce manque de temps « a du bon », car ils passent aussi beaucoup moins de temps que les autres devant les écrans, que ce soit pour regarder la télévision (208 minutes vs 307 minutes) ou en surfant sur internet (167 minutes vs 298 minutes). 

 

14) Addictions et mauvais comportements en santé (tabac, alcool…) : « les cordonniers ne sont pas les mieux chaussés », surtout s’agissant de la prise de psychotropes 

En ce qui concerne les diverses addictions et mauvais comportements en santé, les PS sont souvent des cordonniers « pas mieux chaussés » et parfois même « plus mal chaussés » que la moyenne des Français.

Alors que leur statut de PS devrait/pourrait les inciter/prédisposer à être moins enclins à avoir de mauvais comportements en santé, les PS (et particulièrement les aides-soignants) ne sont guère plus « vertueux » que leurs compatriotes du même âge : 

41% des PS consomment au moins une fois par semaine de l’alcool (vs 45% en population générale sur la même tranche d’âge) et 4% en consomment même tous les jours (6% en population générale). 

16% sont des fumeurs quotidiens et 20% plus occasionnels, soit encore une fois un niveau assez proche de celui de la population générale (respectivement 22% et 27%). 

 

Sur la consommation de médicaments psychotropes, c’est encore pire : 

13% des soignants en consomment tous les jours et 18% au moins toutes les semaines. Cela représente, respectivement, 5 et 4 points de plus que la population générale. 

Si cela peut sembler aberrant s’agissant de professionnels éclairés sur les risques que la prise de tels médicaments présente pour leur santé, ce n’est pas étonnant compte-tenu, à la fois, de leur niveau de stress professionnel bien supérieur à la moyenne et de leurs plus grandes difficultés à dormir. 

Ils sont un peu plus d’un tiers que la population générale à prendre ces médicaments mais ils sont aussi plus d’un tiers à être atteints de troubles du sommeil et bien plus nombreux encore à être atteints par des troubles liés à des stress professionnels. 

Seule bonne nouvelle dans ce sombre tableau, les soignants sont « juste » un peu moins enclins que leurs compatriotes à fumer du cannabis (2% de consommateurs hebdomadaires contre 5% en population générale) et à jouer en ligne (21% vs 29%).

 

 

15) Quelles solutions pour améliorer la santé des soignants ? Nous avons posé la question aux soignants et leur réponse est claire : il faut d’abord changer l’organisation de leur travail 

Constater c’est bien… agir/proposer/imaginer des solutions, c’est mieux. Notre Observatoire a donc identifié les solutions imaginées par les PS pour améliorer la situation. Ce processus délibératif a été effectué en deux temps : 

D’une part, nous avons demandé aux PS de nous livrer spontanément – en mode qualitatif dans une question ouverte – toutes les solutions qu’ils ont envie de proposer pour améliorer leur santé. 

Et, d’autre part, ces solutions relevant systématiquement de l’organisation de leur travail, nous avons testé auprès d’eux une dizaine d’axes de réformes de l’hôpital pour mesurer leur niveau d’adhésion à chacun 

 

Spontanément, quand on leur parle d’améliorer leur santé, les soignants demandent des changements sur l’organisation de leur travail : les citations les plus nombreuses sont celles visant à alléger leur charge de travail, mais aussi la qualité de celui-ci, les conditions de ce travail et sa durée. 35% des verbatims spontanément donnés par les professionnels relèvent de ces questions. 

Et ce n’est pas tout car les deux autres grandes thématiques citées par près de 30% des soignants « pour améliorer leur santé » concernent aussi des éléments finalement directement liés à leur travail et à leur organisation. Ainsi, en seconde position, leurs citations concernent tous les éléments sur le personnel – tournant souvent autour de l’idée de la nécessité de recruter des effectifs supplémentaires – Cela représente 17% des verbatims. 

Ensuite, en 3ème position, les soignants évoquent des éléments sur l’aménagement de leur temps de travail. Ils représentent 13% de verbatims. Les PS y insistent sur leur durée de travail et la nécessité de l’alléger mais aussi sur leur souhait de pouvoir consacrer davantage de temps aux patients dans leur journée de travail.

 

Viennent ensuite des éléments symboliques liés à la reconnaissance de leur travail : ils représentent 10% des verbatims, soit plus de deux fois plus que ceux concernant leur salaire (4%). 

Chose intéressante, les éléments liés à des aspects purement « santé » ne sont que marginalement cités (les verbatims autour du soin ne représentent que 4% des citations et ceux concernant le repos, 5%) 

 

16) Comment améliorer cette organisation du travail ? Les PS demandent une revalorisation de leur diplôme et de leur rémunération, mais aussi une refonte de la gouvernance de l’hôpital en l’ouvrant aux soignants et en autonomisant davantage les services 

Après avoir identifié avec notre question ouverte que l’organisation du travail serait la principale source d’amélioration de la santé des soignants, nous avons testé auprès d’eux différents axes d’améliorations possibles de leur travail. 

Premier enseignement, toutes les pistes d’amélioration testées « en quanti » sont largement approuvées par les PS, recueillant entre 72% et 96% de soutien. 

Second enseignement, l’adhésion concerne tout autant les aspects concernant l’amélioration de la rémunération … 

91% pensent que « pour que je me sente mieux reconnu, il faudrait que l’on augmente mon salaire » et autant pensent qu’il « faut mieux rémunérer les heures supplémentaires / Les astreintes » … 

que les dimensions relevant davantage de la gouvernance … 

… et celles concernant l’autonomisation des services … 

78% pensent qu’il faut « déléguer plus de responsabilités au niveau des services » et 75% qu’il faut même « autonomiser la gestion budgétaire au niveau des services ». 

Des services plus autonomes, une gouvernance réformée en ouvrant l’hôpital aux soignants et aux paramédicaux et des professionnels de santé mieux rémunérés… ce sont là des solutions approuvées et même largement souhaitées par les professionnels de santé. 

Mais ce n’est pas là l’essentiel. 

Deux dimensions sont encore plus massivement soutenues par les PS recueillant non seulement l’adhésion de plus de 90% d’entre eux, mais surtout suscitant l’adhésion extrême des deux-tiers aux trois-quarts d’entre eux : 

92% des PS demandent une « revalorisation de leur diplôme en reconnaissant un grade plus élevé qu’aujourd’hui », dont 66% qui seraient même tout à fait favorables avec cette revendication. 

Et 96% des PS demandent « une meilleure reconnaissance du rôle du service public de la santé », dont 76% qui l’exigent même en se déclarant « tout à fait » favorables à cela. 

 

17) Si les PS veulent être davantage associés aux décisions, ils se méfient du « cause toujours » et se montrent très dubitatifs sur le CNR et les Conférences de parties prenantes 

Si les PS réclament une plus grande considération et veulent être davantage associés aux décisions ils se méfient des dernières initiatives annoncées par « en haut » pour leur donner la parole.

82% des PS estiment ainsi qu’une « meilleure reconnaissance passe par une plus grande participation à la gouvernance de l’hôpital », 82% pensent qu’il faut davantage associer à celle-ci « les médecins » et 90% « les paramédicaux », à qui 72% souhaitent plus globalement que l’on « confie plus de responsabilités ».

Comme leurs compatriotes, les PS accueillent avec beaucoup de circonspection le Conseil National de la Refondation annoncé par Emmanuel Macron et dont les travaux doivent notamment concerner le domaine de la santé. 

Au moment de l’enquête, début septembre (peu après son annonce), seulement 18% des PS avaient entendu parler du CNR et, le plus souvent, leur connaissance était extrêmement floue puisque seuls 4% savaient précisément ce que c’était et 14% en avaient entendu parler mais n’avaient pas une idée précise de ce dont il s’agissait. 

Le 8 septembre dernier, dans notre sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro, 56% des Français pensaient que le CNR ne sera pas un moyen efficace de trouver des solutions aux problèmes actuels estimant que c’était un « coup de com’ » du Président. Comme les Français, les PS semblent surtout convaincus de l’inutilité de cet « objet » : seulement 27% des PS pensent que le Conseil National de la Refondation est un bon outil pour améliorer ou réformer l’hôpital et seulement 21% pensent que c’est quelque chose auquel ils souhaiteraient eux-mêmes participer. 

Plus directement lié à leur métier, les « Conférences des parties prenantes territoriales de santé » ne connaissent guère, pour le moment, un meilleur accueil auprès des PS. Début septembre, seulement 15% des PS en avaient entendu parler dont 11% qui n’avaient pas une idée précise de ce dont il s’agit. 

Et les rares soignants qui « connaissent » les CPPTS ne sont que 30% à penser qu’elles pourront être utiles et 17% à envisager d’y participer. 

Les PS semblent dire au gouvernement : ne nous proposez pas vos solutions, écoutez-nous et aidez-nous à transformer l’hôpital et notre métier. Il en va de notre santé.

 

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Méthodologie 

• Echantillon de Français interrogés par internet du 7 au 8 septembre 2022.  - Echantillon de personnel soignant interrogés par internet du 29 août au 9 septembre 2022.
• Echantillon de 1 005 Français représentatif de la population âgées de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon français est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes :  sexe, âge, niveau de diplôme et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération. 
• Echantillon de 1 325 professionnels de santé dont :  - 703 infirmiers/ières - 233 aides-soignant(e)s - 137 médecins - 252 autres professionnels de santé (cadres de santé, personnels administratifs…). 

 

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