Dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (26 février 2019) le Pr William Dab rappelle que : « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ». L’expert s’alarme de la forte prévalence des signes dépressifs dans le monde agricole, liés au stress. Cette situation n’est pas propre à la paysannerie. Le stress est un risque psycho-social répandu. Dans son guide des risques psycho-sociaux (mars 2017), l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) place un indicateur en premier : l’absentéisme.
Absentéisme hautement révélateur
« Hors maladies ordinaires, les problématiques psychologiques représentent désormais la première cause des arrêts de travail (29%, dont 19% d’épuisement professionnel et 10% de troubles psychologiques) devant les troubles musculo-squelettiques (27%), » constate la société spécialisée Réhalto. Un rapport au Premier Ministre (janvier 2019) abonde : « Une partie des arre?ts courts réve?le, notamment par la nature des principaux motifs médicaux qui les justifient (troubles musculo-squelettiques, lombalgies, syndromes anxio-dépressifs), les rapports complexes que le salarié, dans sa dimension bio-psycho-sociale, entretient avec son travail et son environnement de travail, et qui se répercutent sur son niveau d’engagement et sa santé. » Délicatement dit.
Stress chronique ou la dévastation
Le stress lié au travail (« job strain ») se définit comme une forte demande psychologique associée à une faible latitude décisionnelle. En quelques semaines apparaissent douleurs (coliques, maux de tête, douleurs musculaires, articulaires), troubles du sommeil, de l'appétit, oppression, sueurs. Auxquelles s’ajoutent une hypersensibilité émotionnelle, nervosité, crises de larmes, angoisse, excitation ou tristesse, mal-être. Le stress durable perturbe la concentration intellectuelle entraînant erreurs et oublis, difficulté d’initiative et de décision, qui aggravent les difficultés professionnelles. Le recours aux « médicaments » est habituel : anxiolytiques, somnifères, stupéfiants, tabac, café, alcool… Dans la cohorte prospective Constances*, le stress au travail est associé à un risque doublé d’usage chronique de benzodiazépines pour les plus stressés.
Réflexion et accompagnement
Le stress au travail est d’autant plus à redouter qu’en temps de précarité professionnelle on s’astreint à encaisser pour gagner sa vie. Mais il est indispensable de prendre la mesure du risque à terme (voir encadré) et de se faire accompagner psychologiquement (consultation spécialisée, médecin du travail) et professionnellement (comité social et économique de l’entreprise, associations professionnelles). Une réflexion sur ses habitudes de travail, sur une mutation, un changement d’entreprise ou une reconversion, est nécessaire plutôt que d’y laisser des plumes…
Ce qu’on risque
Syndrome métabolique : hypertension artérielle, obésité abdominale, résistance à l’insuline et perturbations du métabolisme des lipides sanguins.
Maladies cardiovasculaires : infarctus du myocarde, AVC.
Troubles musculo-squelettiques (TMS) : membres supérieurs et dos, liés aux mouvements répétitifs, efforts physiques, postures inconfortables.
Dépression et anxiété : travail associant forte exigence psychologique et faible autonomie décisionnelle, absence d’aide des collègues ou de la hiérarchie. Gare aux tendances suicidaires !
Augmentation du risque d’accident du travail ou de trajet.
Apparition/aggravation de troubles hormonaux et de la fertilité ainsi que de la grossesse (prématurité).
* Surveillance épidémioglque de 200.000 adultes affiliés à la Sécurité sociale : www.constances.fr