Limiter le bruit pour préserver la santé

Par Dr Sophie Duméry -  Journaliste médecin

Théragora - www.theragora.fr - Année 2022 - Votre pharmacien vous conseille N° 168 - Page 0 - crédits iconographique Phovoir

Les confinements pandémiques ont changé la perception des bruits, mais on ne sait pas toujours que leur impact sanitaire est puissant et scruté attentivement par les autorités sanitaires.

 

 

 

Éxiste-t-il un droit relatif au bruit ?

La loi d’orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 consacre le droit de vivre dans un environnement sonore sain.1 Un article du code de l’environnement (L. 571-1-A) précise que « cette action d’intérêt général consiste à prévenir, surveiller, réduire ou supprimer les pollutions sonores et à préserver la qualité acoustique ». Il s’agit bien de pollution sonore, définie comme « l’émission ou la propagation des bruits ou des vibrations de nature à présenter des dangers, à causer un trouble excessif aux personnes, à nuire à leur santé ou à porter atteinte à l’environnement ». L’Association française de normalisation (AFNOR) définit le bruit comme « toute sensation auditive désagréable ou gênante, tout phénomène acoustique produisant cette sensation, tout son ayant un caractère aléatoire qui n’a pas de composantes définies »

 

La protection de l’audition est-elle réglementée ?

Oui, elle concerne les bruits et sons amplifiés (casques auditifs de musique et enceintes de concert).2 La protection auditive publique est étendue par un décret de 2017 à tous les établissements diffusant de la musique amplifiée (festivals en plein air et salles de cinéma par exemple) et révise le code de l’environnement relatif aux nuisances sonores subies par les riverains. Les collectivités territoriales sont aussi incitées à se saisir du sujet en accord avec le dernier Plan National Santé Environnement qui veut réduire les expositions environnementales affectant la santé physique, psychique et sociale.3 Celui-ci explique que l’exposition au bruit, notamment au bruit des transports (trafic routier, aérien, etc.) a un impact estimé à 10 000 décès prématurés par an en Europe. Les effets du bruit sont plutôt dus aux expositions professionnelles ou lors des loisirs, quand celui-ci dépasse un niveau de 80 dB sur 8 heures (voir encadré). Toutefois la réglementation professionnelle est plus structurée que les loisirs : le port de bouchons d’oreilles ou de casques de protection est obligatoire au-delà 85 dB pendant 8 heures.4 Mais qui y songe en vie quotidienne ? Une exposition excessive au bruit provoque au mieux de la fatigue auditive réversible (élévation temporaire du seuil d’audition) au pire une perte auditive irréversible.

 

Quelle information diffuser en priorité ?

Le PNSE 4 cible d’abord les jeunes, grands consommateurs de sons à écoute amplifiée. Il est d’ailleurs significatif que ceux-ci parlent de « son » et non de « musique ». Selon le Centre d’information et de documentation sur le bruit (CidB), 68% des élèves en école élémentaire écoutent de la musique numérique avec casque ou oreillettes ; 26% s’endorment en écoutant de la musique. Par ailleurs, 62% des enfants assistent à des concerts avec leurs parents, 44% d’entre eux trouvent la musique trop forte.5 Les parents devraient en tenir compte !

L’exposition mal contrôlée à des niveaux sonores élevés (bars, commerces), les écouteurs et casques (surtout enfants et jeunes) conduit à des dommages irréversibles : perte auditive, acouphènes (bruits générés par le système auditif lésé) qui altèrent le bien-être, le développement intellectuel, les relations sociales, la santé. Toute exposition au bruit dès le plus jeune âge accélère la perte auditive naturelle liée à l’âge, perte associée à un isolement progressif, à une perte d’autonomie et des troubles neurocognitifs (démence plus précoce).

 

Quelles limites sanitaires au bruit ?

Dans ses lignes directrices sur le bruit l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fixé des limites à partir d’indicateurs en particulier le Lden qui cumule les expositions sonores de jour, de soirée et de nuit. Les recommandations sont fortes ou conditionnelles en fonction des effets sur la santé.6

Pour le trafic routier le seuil Lden doit rester inférieur à 53 décibels (dB) et descendre sous les 45 dB la nuit (recommandation forte) pour éviter les troubles du sommeil. Pour le trafic aérien le Lden est inférieur à 45 dB et à 40 dB la nuit (recommandation forte). On est loin du compte en bien des territoires ! Le Lden des éoliennes n’est que conditionnel sous 45 dB ; la politique d’énergie renouvelable compte ainsi que le manque de données.

Plus surprenante est la recommandation conditionnelle pour les bruits de loisirs, dont le seuil est fixé en moyenne annuelle sous 70 dB, ce qui reste élevé (voir encadré). Pour les bruits impulsifs (pic sonore brutal) l’OMS renvoie les gouvernements à leur choix et les rend « fortement » responsables des seuils réglementaires adoptés en fonction de ces 70 dB.

 

Quels dégâts sonores sur la santé ?

L’excès de bruit et sa répétition quotidienne touchent les cellules sensorielles de l’oreille, avec des effets directs cumulatifs et irréversibles : baisse de l’audition, surdité précoce, acouphènes, hyperacousie (douleur aux sons/bruits). Ils ont aussi des effets indirects : troubles du sommeil, fatigue chronique, stress, troubles immunitaires, perturbation des relations sociales et cognitives telle que des troubles de l’apprentissage. Il y a aussi des accidents de grossesse, une altération de la qualité de la vie et de la santé mentale ; et à terme des pathologies cardiovasculaires et métaboliques (diabète, infarctus du myocarde, AVC, surpoids, hypertension).

Le cumul avec d’autres agressions auditives (toxiques par exemple) et la multiplicité des sources sonores sont des dangers mal évalués.

Les populations les plus vulnérables sont logiquement les enfants en milieu scolaire en phase d’apprentissage, les travailleurs exposés, les personnes âgées et personnes déficientes auditives (appareillées ou pas).

 

Quels effets du 1er confinement sur l’ambiance sonore ?

En Ile de France les réductions de bruit des transports ont été évalués par les observatoires Acoucité et Bruitparif. Les bénéfices sanitaires seraient de 45 à 70 % (3,5 à 5,2 mois de vie en bonne santé gagnés) pour les agglomérations habituellement peu ou pas concernées par les nuisances aéroportuaires. Ils atteindraient 67 % à 81 % (7,9 à 19,8 mois de vie en bonne santé gagnés) pour certaines agglomérations franciliennes très survolées habituellement.

Dans l’enquête Acoucité l’intensité perçue toutes sources sonores confondues est une bruyance en moyenne de 6,3 (avant confinement) qui chute à 2,4 (confinement), soit une baisse de 3,9 points, statistiquement significative sur une échelle de 0 à 10.7 De quoi souhaiter d’autres confinements stricts ?

 

 

 

Le champ auditif humain

Il s’étend de 20 à 20 000 Hz et de 0 dB à 120 dB. Au quotidien (30 à 80 dB), l’oreille perçoit moins les sons graves et aigus que les mediums (500-2000 Hz) qui correspondent aux fréquences conversationnelles. À cause de cette sensibilité différenciée l’unité de mesure sonore est le décibel A ou dB(A), noté dB communément, qui pondère le bruit par bandes de fréquence. Au-delà de 80 dB, l’oreille est davantage sensible aux sons graves. Cela dit, il existe une grande variabilité interindividuelle de perception du bruit.4



Références

1- Conseil national du Bruit. Rapport d’activité 2020.

2- décret du 7 août 2017 relatif « à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés »

3- PNSE 4 (2021-2025). Ministères de l’Ecologie et de la Santé, mai 2021.

4- Les effets sanitaires du bruit. Conseil national du bruit, 2017

5- Étude dans le cadre de la campagne de prévention « La santé de nos oreilles, comment la préserver ? CidB, ARS Bretagne, 2018 - www.bruit.fr

6- Lignes directrices relatives au bruit dans l’environnement en région européenne. Résumé d’orientation. OMS, 2018.

7- Rapport d’activité 2020. Conseil national du Bruit.

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