"Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation nationale, l’accès aux soins fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi qu’au plein exercice de sa citoyenneté." L'article 2 de la Loi sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 est particulièrement explicité. Et fondamentale pour les quelque 10 millions de personnes en situation de handicap vivant en France.
Pourtant, de nombreux éléments rendent leurs soins compliqués ou les poussent à y renoncer. Les établissements de santé, et les cabinets dentaires notamment, ne disposant ni de référentiel ni d’outils, offrent des prises en charge souvent hétérogènes qui prennent insuffisamment compte des besoins de ces patients.
Des progrès ont certes été faits pour faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap. L’accès aux soins reste cependant aujourd’hui encore un enjeu important. Quatre freins majeurs ont ainsi été identifiés :
- l’accessibilité physique : accès au cabinet et au fauteuil ;
- l’accessibilité relationnelle et émotionnelle : qui pose la question de la différence de l’autre ;
- l’accessibilité financière : les patients atteints de handicap ont très souvent peu de ressources ;
- l’accessibilité à l’information : les outils de prévention et d’orientation sont peu accessibles pour les patients atteints de handicap.
La notion de handicap revêt une réalité plurielle puisqu'elle concerne les handicaps moteur, visuel, auditif, mental ou intellectuel. Quelques 800 000 personnes perçoivent l’allocation adulte handicapé (AAH) en France, et l’on estime à un demi-million le nombre d’enfants et d’adultes qui n’ont «pas suffisamment, voire pas du tout accès à la santé bucco-dentaire» (rapport de la mission Handicap et santé bucco-dentaire, juillet 2010). Le phénomène est d’autant plus grave que les répercussions d’une mauvaise santé bucco-dentaire sur la qualité de vie et la santé générale sont étendues (douleurs, infections, troubles alimentaires, diabète, obésité…).
La santé bucco-dentaire des personnes handicapées est globalement très mauvaise pour ne pas dire alarmante. L’état de santé bucco-dentaire du patient handicapé s’aggrave avec l’âge et devient, dès l’adolescence, très nettement inférieur à celui de la population générale. (…) Par rapport aux enfants ordinaires, les enfants handicapés de 6 ans à 12 ans ont quatre fois plus de risque d’avoir un mauvais état de santé bucco-dentaire (*).
Les personnes à besoins spécifiques, comme celles en situation de handicap, demandent une prise en charge adaptée. L’adaptation est un élément clé. Il s’agit pour le praticien de sortir de son cadre ordinaire de soins pour aller vers une prise en charge à la carte en fonction de la déficience de la personne et par là même de ses possibilités physiques, psychiques, émotionnelles et mentales.
Pour la personne déficiente physique, l’accessibilité n’est pas seulement liée à l’accès au cabinet dentaire, certes important, mais également à l’accessibilité de sa bouche. Pour les personnes à troubles comportementaux, la prise en charge doit aussi être adaptée en incluant, par exemple, des méthodes de communication psycho-comportementales mais également en réduisant l’anxiété de ces patients fragiles par différents moyens, mais toujours en étant centré prioritairement sur leurs besoins.
Quoi qu’il en soit, la clé de cette prise en charge orale réside dans la qualité des soins afin de donner à cette population la même égalité de chance. Cela implique tout d’abord un devoir d’information des personnes concernées, si elles sont capables de la comprendre, et/ou des personnes aidantes (parents, auxiliaires de vie, tuteurs, familles…). Cette information doit être simple et adaptée.
Il est également primordial de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires à cette prise en charge orale. En effet, le praticien se doit de mettre à disposition de ces populations des soins oraux de qualité qu’ils soient endodontiques, parodontaux, prothétiques, orthodontiques ou implantaires. La prévention est aussi l’élément clé de cette prise en charge des personnes à besoins spécifiques. Elle passe par la sensibilisation à une meilleure hygiène alimentaire et à une hygiène orale adaptée.
Le cabinet doit veiller à l’accessibilité des locaux, des équipements, des services (espace d’attente adapté, matériel spécialisé…) et à la qualité de l’information délivrée au patient (signalétique, modalités de communication adaptée…). Les chirurgiens-dentistes doivent également anticiper la venue du patient, indispensable pour personnaliser l’ensemble de son parcours (prise de contact avant son arrivée, minimisation des délais d’attente…).
Pour améliorer la prise en charge des personnes en situation de handicap au cabinet dentaire, il s’agit essentiellement de former les chirurgiens-dentistes pour démystifier le handicap. En effet, il est essentiel qu’ils puissent appréhender la question du handicap en rencontrant à la fois des personnes handicapées et des professionnels du secteur médico-éducatif. Ces rencontres doivent être anticipées et préparées dans un cadre « rassurant ».
C’est ce que proposent les réseaux de soins bucco-dentaires destinés aux personnes handicapées : un environnement rassurant pour les chirurgiens-dentistes qui favorise l’apprentissage par le partage d’expériences. Un décloisonnement qui fait progresser la pratique professionnelle. Les praticiens apprécient de travailler à plusieurs, de disposer de méthodes et d’accompagnement et de pouvoir se tourner vers un ou plusieurs confrères organisés en cabinet « référents ».
Dans le cadre de la consultation au cabinet, des outils pour faciliter la communication avec les patients handicapés peuvent être mis à la disposition du chirurgien-dentiste et de l’assistante dentaire, à la fois pour faire passer des messages clés de prévention et pour expliquer les actes de soins qui doivent être réalisés.
Très concrètement, le chirurgien-dentiste pourrait disposer de quelques fiches illustrées expliquant, par le biais de photos, de dessins ou de pictogrammes simples, ce qu’est une dent, comment est composée la dentition, comment se forme une carie et pourquoi elle fait souffrir, comment sont réalisés les soins de prévention comme le détartrage ou le scellement de sillons et quels sont les principaux matériels utilisés pour les soins.
Ce temps de communication est nécessaire pour rassurer le patient handicapé ou le patient anxieux tout comme le jeune enfant qui n’est pas encore en âge de comprendre un discours technique. Ces supports de communication rassurent également le chirurgien-dentiste qui amorce son dialogue en s’appuyant sur des outils ludiques adaptés à son patient. Ces supports permettent au praticien d’être en relation avec des patients non coopérants.
(*) Dr Martine Hennequin, audition publique de la HAS «accès aux soins des personnes en situation de handicap», octobre 2008