Spécialiste de la protection sociale et des politiques de santé, Jeannick Tarrière décrypte le dernier ouvrage de Michèle Delaunay : « Le fabuleux destin des baby-boomers »

Le big-bang des baby-boomers vieillissant

Par Rédaction -  Théragora

Théragora - www.theragora.fr

A l’instar de Michèle Delaunay, 20 millions de nos concitoyens peuvent s’honorer d’être des « boomers » de plein exercice. L’ancienne ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’autonomie est convaincue que cette génération qui a grandi dans une culture d’émancipation, mènera une nouvelle révolution, celle de l’âge.

Ayant accompagné leurs parents dans un vieillissement non anticipé, les « boomers » sont décidés à anticiper et retarder leur propre vieillissement. Ils ne se préparent pas à un troisième âge mais à une troisième vie. Les baby-boomers (dont les aînés ont 73 ans actuellement et les plus jeunes 50 ans),ne veulent pas peser sur leurs proches ou leurs enfants, et d’ailleurs ceux qui n’en ont pas ou pas à proximité, sont nombreux.

Dans leur souci d’autonomie, ils veulent vieillir chez eux, et deux sur trois ne conçoivent pas d’entrer un jour en EHPAD. La démence survenant très largement à un âge supérieur à 70 ans, peu sont aujourd’hui personnellement concernés mais nombreux sont des aidants des 850 00 malades actuels dont six sur dix vivent à domicile. Si la maladie évolue six à huit ans et débute par des troubles de la mémoire, ils savent que l’aggravation se fait vers une désorientation temporo-spatiale, puis vers des perturbations majeures des comportements et du langage.

 

Inciter chacun à faire le choix du mandat de protection future

Vient un moment où l’échange n’est plus possible où la présence ne peut plus masquer l’absence cognitive et psychologique.  « On appelle ce passage « le deuil blanc », très belle et grave expression devenue partie intégrante du cours de la maladie ». Cette impossibilité de décider pour soi-même constitue la hantise de cette génération éperdue de liberté.

Pour adoucir cette perspective, il convient d’inciter chacun à faire le choix du mandat de protection future pour désigner un proche de confiance en cas d’éventuelle nécessité. « Cette mesure est malheureusement trop peu sollicitée, d’abord parce qu’elle est mal connue et ensuite parce qu’il est infiniment difficile d’imaginer, et donc de prévoir, cet état de dépendance totale pour soi-même ».

 

Absence presque totale d’anticipation

Médecin-spécialisée en cancérologue de profession, Michèle Delaunay sait que l’inquiétude pour soi-même empêche parfois, d’être prévoyant. Conciliante avec les vulnérabilités humaines, elle n’accorde pas une même indulgence aux responsables des politiques de santé, majoritairement boomers eux-mêmes, qui tardent à prendre acte de ce choc de longévité, pour les politiques publiques.

L’essai qu’elle vient de publier « Le fabuleux destin des baby-boomers » (Plon ) dénonce l’absence presque totale d’anticipation de la disparition massive de ces « Bébés Cadum ». Si leur arrivée n’avait pas été prévue, ce qui est relativement compréhensible, leur départ est au contraire, inéluctable et presque mathématique.

 

Les « Trente Pleureuses »

Seuls les économistes, les financiers et les investisseurs se sont penchés sur « l’après boomer » autour des années 2050. Les prévisionnistes envisagent une chute historique du prix du foncier. Une étude américaine prévoit que la disparition de la génération du baby-boom correspondra au plus grand transfert de richesse de l’histoire des États-Unis et l’évalue à 68 000 milliards de dollars.

Puisque « à la fin, c’est toujours la mort qui gagne » selon l’expression du Général de Gaulle, une génération entière va mourir dans le même espace-temps qu’elle est née « Après les Trente Glorieuses s’ouvrent les « Trente Pleureuses ». Considérant un pourcentage de survie qui avoisinerait les 83%, ce qui constitue une spécificité de cette génération, c’est un nombre de décès bien supérieur à celui des naissances qui va remplir les documents d’état civil des communes et les carnets et faire-part des quotidiens.

 

Vieillir et mourir chez soi

Quelque 800 000 décès annuels sont attendus, soit environ 2 000 morts quotidiens. Il suffit de se souvenir de la canicule de 2 003 qui a marqué les esprits, avec 19 000 morts en un peu plus de quinze jours, et de l’engorgement des services d’urgence et des entreprises funéraires pour être convaincu de la nécessité de traiter du sujet.

Considérant les choix de cette nouvelle génération de vieillir et mourir chez soi, de choisir sa fin de vie, les besoins en services de réseaux de soins palliatifs ont-ils été correctement anticipé ? Le maintien à domicile sera-t-il possible et dans quelles conditions ? Concernant les baby-boomers, penser leur âge n’est pas seulement un enjeu individuel mais aussi un impératif collectif.

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