Persiste et signe. Après avoir laissé planer le doute – à défaut de renoncer clairement à augmenter le niveau des franchises médicales pour les produits de santé -, le gouvernement est revenu à la charge. Jeudi matin, Interrogé par Apolline de Malherbe sur BFM TV, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, a même confirmé qu’une loi en ce sens serait présentée au début de l’année prochaine. Donc dans les semaines à venir.
Il s’agit là d’une remise en cause des fondements de la Sécurité sociale, telle que l’ordonnance du 4 octobre 1945 les avait posés : protéger "les travailleurs et leurs familles" contre les aléas de la vie. Inspirés du Conseil national de la résistance (CNR), ceux-ci s’étaient en effet traduits par un adage simple : « cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins ». Un adage synonyme de sagesse, en cette période d’après guerre, et que Pierre Laroque, haut fonctionnaire, et Ambroise Croizat, ministre du Travail, avaient porté au nom de l'égalité d'accès aux soins, de la qualité des soins et de la solidarité.
Depuis l’été dernier, ceux-ci doivent pourtant se retourner dans leurs tombes. Sous prétexte de concilier l’amélioration de l’accès aux soins et la sauvegarde de l’équilibre des finances, les membres du gouvernement n’ont en effet eu de cesse de mettre en avant la nécessaire responsabilisation des patients. Avec, à la clé, l’obligation pour les malades de mettre la main au portefeuille. Comme si leur(s) maladie(s) ne leur pourrissait pas assez la vie !
Le 23 août dernier, la Première ministre avait ainsi expliqué que le « doublement des franchises médicales faisait partie des pistes qui sont sur la table, des réflexions sur lesquelles le gouvernement aura à se prononcer très prochainement dans le cadre du futur budget de la Sécurité sociale ». Un ballon d’essai, en quelque sorte, qui n’est pas resté longtemps sans écho.
Juste après, dans le cadre de la préparation de la loi de finances, le ministre délégué aux comptes publics avait ainsi, à son tour, évoqué une possible augmentation du niveau des franchises médicales pour les produits et services de santé. Et Thomas Cazenave de déclarer : « En responsabilité, on doit trouver parfois de nouvelles sources de financement pour garantir notre modèle ».
Des déclarations d’énarques et autres politiciens hors sols qui, faute d’avoir été confrontés aux affres de la vie, n’ont aucune idée de ce qu’endurent les malades. Ni de ce qu’est le quotidien de ceux qui les soignent et les prennent en charge. Des propos irresponsables qui ont eu pour conséquence de cristalliser toutes les oppositions des patients comme des professionnels de santé.
Le Collectif « Pour un nouveau Grenelle de la Santé » s'y déclare « fermement opposé » par la voix de sa vice-présidente Nathalie Robert qui insiste sur « l’absence de choix des malades soumis à un traitement » . Quant au président du Collectif, Olivier Rozaire, par ailleurs pharmacien d’officine et président de l’URPS (Union régionale des professionnels de santé) des pharmaciens d’Auvergne-Rhône-Alpes, il s’estime « sur la même longueur d’ondes que ses confrères médecins ».
Le syndicat de médecins MG France considère ainsi que s'attaquer aux franchises « est totalement inégalitaire » et revient à « faire payer les plus modestes, les plus malades au risque de les voir renoncer aux soins ». Quant à la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), elle craint que la mesure ne vienne « aggraver les problématiques d'accès aux soins ». Mais ce pragmatisme des acteurs du terrain semble sans effet sur la vision comptable des technocrates de la santé.
Face à cette levée de boucliers, le gouvernement avait en effet maintenu son cap. Le ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, s’était ainsi dit « être favorable au doublement des franchises médicales », car « ces ressources serviront à financer des améliorations à l'hôpital ». En réalité, les patients contribueront surtout au comblement du déficit de la Sécurité Sociale qui, toutes branches confondues, devrait atteindre les 10,5 milliards d'euros en 2024.
Et c’est là que le bât blesse. Car la véritable question est de savoir si les patients doivent faire les frais de la gestion approximative des gouvernements qui se sont succédé depuis des décennies ? Doivent-ils être les victimes de la gestion dispendieuse de gouvernants incompétents et dogmatiques ? Est-il normal de poursuivre cette politique de détricotage de la sécurité sociale en vigueur depuis quinze ans en maintenant un Ondam (objectif national des dépenses d’assurance maladie) en deçà de sa croissance naturelle ?
Car cette mesure est née le 1er janvier 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. A l’époque déjà, l’objectif était de « boucher le trou de la Sécu en responsabilisant les patients ». En clair, de laisser à la charge de l'assuré social une somme d'argent en cas de remboursement par l'assurance maladie. Et pour les patients, en particulier chroniques, la note pouvait rapidement se révéler salée. Aujourd'hui, le montant de la franchise est en effet de 0,50€ par boite de médicaments ou tout autre unité de conditionnement, de 0,50€ par acte paramédical et de 2€ par transport sanitaire. Demain, il faudra payer le double… Et renoncer encore un peu plus aux principes fondateurs de la Sécurité Sociale. Ce que refuse le Collectif "Pour un nouveau Grenelle de la Santé".